La bourse d’Addis-Abeba trace son sillon

Lancé en 2008, l’Ethiopa Commodity Exchange inspire désormais plusieurs pays du continent. Le souci apporté aux petits producteurs n’est pas étranger à son succès.

Les tarifs sont fixés en fonction de la demande locale et des cours internationaux. © Michael Mc Caskey

Les tarifs sont fixés en fonction de la demande locale et des cours internationaux. © Michael Mc Caskey

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 31 juillet 2012 Lecture : 4 minutes.

En seulement quatre ans, l’Ethiopia Commodity Exchange (ECX) est devenu une référence en Afrique. Tour à tour, cette Bourse de matières premières agricoles a reçu, en mai, la visite du président nigérian Goodluck Jonathan puis de son homologue tanzanien Jakaya Kikwete, tous deux venus s’imprégner de son modèle pour le reproduire dans leurs pays respectifs. Ils ne sont pas les seuls à s’intéresser à la réussite de cette place. Le Rwanda et le Ghana, de même que les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), réfléchissent à des projets similaires.

JA2690p070-71 infoLes performances de l’ECX, lancé en avril 2008, parlent d’elles-mêmes. Plus de 600 000 tonnes de produits agricoles y ont été échangées durant le dernier exercice, clos le 30 juin, soit une augmentation de plus de 100 000 t par rapport à 2010-2011. « Entre 2008 et 2011, nous avons réussi à doubler les volumes de transaction d’une année à l’autre », indique Eleni Gabre-Madhin, directrice générale. Diplômée en agroéconomie des universités du Michigan et de Stanford, en Californie, cette ancienne cadre de la Banque mondiale, qui cédera son fauteuil le 30 septembre (lire encadré), est également la fondatrice de l’ECX.

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En valeur, les transactions de 2011-2012 ont avoisiné 1,2 milliard de dollars (environ 955 millions d’euros), soit une hausse de 21 % sur un an. En moyenne, l’ECX réalise 20 millions de dollars de transactions par jour, soit dix fois le chiffre quotidien de la Bourse des valeurs d’Accra et sept fois celui du Nairobi Securities Exchange, des places plus anciennes pourtant classées parmi les plus dynamiques en Afrique subsaharienne.

Fiabilité

« Nous avons mis en place un système qui répond aux besoins des petits producteurs », souligne Eleni Gabre-Madhin, expliquant ainsi la raison de ce succès. En Éthiopie, ces derniers (80 % de la population active) représentent plus de 90 % de la production agricole totale. De fait, pour les attirer, la quantité minimum de vente a été fixée à 50 sacs de 100 kg, soit 5 t, un volume largement accessible. « Il s’agit plus ou moins de la capacité des petits camions communément utilisés dans les milieux ruraux pour transporter les récoltes », poursuit la directrice de la Bourse.

Anteneh Assefa, nouveau patron

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Le 1er août, l’Ethiopia Commodity Exchange (ECX) aura un nouveau directeur général. Anteneh Assefa, 38 ans et banquier de profession, succédera à Eleni Gabre-Madhin. Mais celle-ci ne quittera pas le management de la Bourse dans l’immédiat. Après une période de passation de services de deux mois, elle occupera dès octobre le poste de conseillère du directeur général jusqu’au 30 juin 2013.

Choisi parmi une poignée de candidats de haut niveau, Anteneh Assefa a quinze ans d’expérience dans le secteur bancaire local. Ancien cadre de Commercial Bank of Ethiopia, il était le vice-président chargé des opérations de Bank of Abyssinia avant sa nomination. D’après le conseil d’administration de l’ECX, cette transition managériale est le résultat d’un plan de succession soigneusement élaboré depuis mai 2010. S.B.

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Autre explication : la fiabilité de l’offre et de la chaîne d’approvisionnement. « Nous avons dépassé le milliard de transactions sans jamais avoir un défaut de livraison ou de paiement », se félicite Eleni Gabre-Madhin. À travers le pays, l’ECX dispose de 17 entrepôts d’une capacité allant de 5 000 à 30 000 t pour le stockage des marchandises (café, sésame, haricots blancs et maïs, les quatre produits actuellement cotés sur cette place). Plus question donc pour les producteurs de conserver eux-mêmes leur récolte au risque de voir leur qualité se détériorer.

Le mécanisme mis en place par l’ECX permet d’évaluer (grâce à un laboratoire) la qualité et la quantité des produits lorsqu’ils entrent en entrepôt. Le café, premier produit d’exportation du pays, est par exemple classé par catégories, et les prix sont fixés en tenant compte de la demande locale et des cours sur les marchés internationaux.

Mais outre ces avantages, le fonctionnement de la Bourse aide aussi à contourner les multiples intermédiaires qui prélèvent au passage une commission. Avant la création de l’ECX, les études estimaient à 38 % la part du prix qui revenait aux producteurs. Cette proportion est désormais de 65 %, voire de 70 %, pour les 15 millions des caféiculteurs éthiopiens. Les paiements se font moins de 24 heures après la signature du contrat, quand ce délai est de 48 à 72 heures pour la plupart des Bourses subsahariennes.

La part du prix revenant aux caféiculteurs a quasiment doublé.

Transformer l’essai

Fort de ses bons résultats, l’ECX peut désormais s’affranchir du financement de ses bailleurs de fonds (Banque mondiale, Programme des Nations unies pour le développement, Agence canadienne de développement international…), qui lui ont apporté un appui initial de 24 millions de dollars. Il doit cependant consolider son modèle pour transformer définitivement l’essai. Cela passera, selon les spécialistes, par l’introduction d’autres matières premières agricoles (pois chiches, lentilles et graines oléagineuses) et par la mise en place progressive des contrats à terme, pour devenir une Bourse plus moderne.

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