L’argent des Africains : Michèle, restauratrice en Côte d’Ivoire – 46 euros par mois

Michèle est restauratrice dans un quartier populaire d’Abidjan. Elle gagne 30 000 francs CFA par mois, soit environ 46 euros. Pour notre série, elle explique ses difficultés financières et comment elle parvient à joindre les deux bouts.

Une restaurant à Ngaoundéré au Cameroun (photo d’illustration). © Flickr / Carsten ten Brink

Une restaurant à Ngaoundéré au Cameroun (photo d’illustration). © Flickr / Carsten ten Brink

Publié le 30 septembre 2015 Lecture : 4 minutes.

« Une injustice ! » Lorsque l’on évoque ses revenus avec Michèle*, voilà la première réponse que l’on obtient. À l’origine de son indignation, une préférence familiale en faveur de sa cadette. « Ma famille m’a demandée de quitter la maison familiale où je tenais un maquis dont la gestion a été reprise ma petite soeur qui manquait d’argent », consent-elle à expliquer. Sur cette confession, la restauratrice de 37 ans n’en dira pas plus : « Il faut que les affaires continuent et je dois être indépendante maintenant ». 

C’est à Abobo, une localité du nord d’Abidjan, que Michèle a posé ses bagages, volontairement loin de chez ses parents. Sur une petite place en bord de route, un réchaud et le minimum de vaisselle lui permettent de faire son plat du jour. Deux tréteaux et une planche font office de table pour les clients. Bien loin du confort du maquis familial, où une kyrielle d’équipements ménagers et une salle de restauration accueillent les habitués.

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Salaire mensuel : 30 000 francs CFA (soit 46 euros)

Michèle n’a pas seulement perdu au change en matière d’équipement lors de son éviction du maquis familial. Sur le plan financier, son salaire a été divisé par quatre. Aujourd’hui elle gagne 46 euros par mois, « sinon moins » précise-t-elle, dans un pays où le salaire minimum est fixé à 91 euros. « Je sers environ une trentaine de clients par jour, ce n’est pas suffisant ! » Au menu, placali, riz sauce arachide, attiéké et garba. « Je fais de la nourriture ivoirienne parce que c’est ce qui me coûte le moins cher à cuisiner. » Le chiffre d’affaires de Michèle s’élève à près de 68 euros par mois mais il lui faut réinvestir plus de 20 euros dans l’achat des produits pour cuisiner, lui laissant une marge de 46 euros. 

Éducation des enfants : 35 euros

Même si les fins de mois sont difficiles, la restauratrice au caractère bien trempé consacre la quasi totalité de son salaire à l’éducation de ses deux enfants. « Leur père les néglige totalement, j’assume seule cette dépense », confie cette mère célibataire.

Anne, sa fille aînée de 19 ans, est en école privée. Budget : 182 euros par an. « J’ai décidé de l’y inscrire pour qu’elle ait un avenir. Elle veut être sage-femme », justifie Michèle. « Mais cette année, elle a loupé son bac. Je vais payer une année en plus, ça me casse », poursuit-elle. Son fils Joël, huit ans, est à l’école primaire du quartier. Seul la cantine a un coût qui s’élève à 12 euros par mois.

« Je leur donne environ 7 euros d’argent de poche chacun. Je ne veux pas qu’on dise qu’ils sont pauvres. Je veux leur réussite. » Les fournitures scolaires sont achetées par les grands-parents, avec qui Michèle « a gardé un peu de contact ».

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C’est aussi chez ses parents que les enfants habitent. « Je sais que chez eux, mes enfants ont des conditions de vie décentes, pas comme moi. » Car Michèle a fait le choix de la précarité plutôt que de retourner vivre dans la maison familiale. « Je dors sur un banc dans l’arrière boutique de mon amie. Quand il pleut, l’eau me coule dessus. » Une situation qu’elle espère provisoire même si elle lui permet de ne payer ni loyer, ni électricité. Elle consacre simplement 50 centimes d’euros en eau pour se laver  et 10 centimes d’euros pour le gel douche.

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Alimentation : 7 euros

« J’ai réduit toutes mes dépenses, j’ai même réduit mon poids », déclare avec humour Michèle. En quelques mois, elle a perdu une dizaine de kilos. « Je dépense entre 50 centimes et un euro pour acheter un plat chaque jour. Quand je suis vraiment limitée, je mange juste un morceau de pain avec des arachides grillées. » Publiquement, Michèle met son amaigrissement sur le compte de la fatigue. « Je ne veux rien dire à personne car j’ai trop honte », explique la restauratrice.

Dépenses diverses :  3 euros

« Dès que j’ai un peu d’argent dans les mains, il disparaît. Je ne peux pas épargner. » Michèle n’achète des unités téléphoniques que lorsque son budget le lui permet, pas tous les mois. Le seul plaisir qu’elle s’autorise, le coiffeur. Esthéticienne de formation, elle consacre la modique somme de 3 euros par mois pour refaire sa coupe de cheveux. « Même si je suis dans une mauvaise passe, je veux rester choco (élégante) ! »

« Avant de partir du maquis familial, je rêvais de quitter mon pays pour aller en Europe. Mais aujourd’hui, je n’aurais jamais assez d’argent pour faire la traversée ni même de courage. » Michèle préfère consacrer son énergie pour retrouver un toit et, qui sait, peut-être « un mari et la joie de vivre ». 

Taux de conversion établi à 1 euro pour 655,96 F CFA.

Si vous souhaitez participer à notre série, envoyez nous un e-mail à l’adresse argentdesafricains@jeuneafrique.com

*Tous les prénoms ont été modifiés

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