Théâtre – Étienne Minoungou : « Donnons du rêve à la population burkinabè qui réclame la liberté et la dignité »

Invité au 32e Festival des Francophonies en Limousin, qui se tiennent du 23 septembre au 3 octobre, l’homme de théâtre burkinabé Étienne Minoungou revient sur le rôle des artistes dans la crise que traverse son pays.

Étienne Minoungou. © Christophe Péan

Étienne Minoungou. © Christophe Péan

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Publié le 23 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

« Si j’ai accepté de venir à Limoges, ce n’est pas pour fuir mon pays mais pour continuer le combat autrement. Pour témoigner du drame qui se joue en ce moment au Burkina Faso, pour que nous ne disparaissions pas au milieu de tout ce qui marque terriblement l’actualité en ces temps sombres, qu’il s’agisse de Daesh, de la Syrie, ou des migrants », explique Étienne Minoungou, directeur du festival Les Recréâtrales. Homme de théâtre, homme d’engagement, l’acteur ouagalais qui, depuis le coup d’État mené par le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) le 16 septembre, n’a plus dormi chez lui pour des questions de sécurité, a toujours estimé que la place du théâtre était dans la rue, auprès de la population, à construire le vivre-ensemble et l’espace public. Des expressions tant à la mode qu’elles finissent par perdre de leur sens, mais pas avec celui qui a réellement ancré son festival à Gounghin Nord. Tous les deux ans, la rue principale de ce quartier populaire de la capitale burkinabè se part des installations poétiques et graphiques réalisées par des artistes locaux et venus d’ailleurs. Les représentations ont lieu dans la cour des habitations et s’il faut remettre à neuf l’installation électrique d’une concession pour l’occasion, qu’à cela ne tienne, le festival, avec ses maigres recettes, y pourvoit.

Cette pièce était le rêve poétique de ce qui est arrivé quelques jours après.

Sensible à l’air du temps, il y a un an, Étienne Minoungou avait invité acteurs, dramaturges et metteurs en scène à « tenir la main au futur, qu’il ne tremble pas, qu’il sourie » afin précise-t-il de « garder la lucidité nécessaire au milieu des turbulences et de donner espoir aux Burkinabè ». Résultat : le 23 octobre dernier, à quelques jours de l’insurrection populaire qui fit tomber Blaise Compaoré le 31, les Récréâtrales se sont ouvertes avec Nuit blanche à Ouagadougou, de Serge Aimé Coulibaly avec Smockey, l’un des fondateurs du collectif Le Balai citoyen. « Cette pièce était le rêve poétique de ce qui est arrivé quelques jours après, se souvient Étienne Minoungou. De nombreuses pièces avaient cette résonance politique. Le 2 novembre, nous avons clôturé le festival dans une ferveur populaire incroyable. »

« Une révolution juste »

Attachée à cette inscription du théâtre dans le réel, Marie-Agnès Sylvestre, la directrice du Festival des Francophonies du Limousin, propose pour cette 32e édition qui se tient du 23 septembre au 3 octobre – et dont Jeune Afrique est partenaire –, outre un focus Sony Labou Tansi dont on célèbre les 20 ans de la disparition, une « fenêtre ouverte sur le festival des Récréâtrales ». Au programme : des pièces créées ou accueillies à Ouagadougou, comme Arrêt sur images, du Togolais Gustave Akakpo (qui évoque le destin d’un passeur impliqué dans un réseau de migration clandestine), Façon d’aimer, du Burkinabé Aristide Tarnagda (sur une femme assassine), ou encore Amou Tati, la dame de fer, de l’Ivoirienne Tatiana Rojo (qui rend hommage aux mère-courage). Le temps des rencontres, les rues de Limoges, à l’image de celles de Gounghin Nord, seront mises en scène par des artistes qui ont créé, pour l’occasion, des espaces de vie, lieux de rencontre, pour partager leur art avec le plus grand nombre.

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« C’est là toute la mission du théâtre : créer un espace de débat, avance Étienne Minoungou. J’ai toujours pensé que les artistes interrogeaient le monde pour le rendre compréhensible. L’histoire du Burkina nous le prouve. La prochaine édition des Récréâtrales, qui se tiendra en 2016, a pour thème : “Sortir de l’ombre”. Il est temps de le remplir de sens. Sortir de l’ombre, c’est donner de la lumière, du rêve à cette population burkinabè qui réclame la liberté et la dignité. La compétition politique ne doit pas confisquer la parole aux citoyens si l’on ne veut pas qu’ils soient l’objet de manipulation des extrémismes. Cette révolution est juste. Il faut maintenant que nous puissions l’achever. »

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Retrouvez le programme des Francophonies en Limousin ici

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