Martin Kobler (Monusco) : « Notre lutte contre les groupes armés en RDC est bloquée politiquement »

C’était la dernière journée de Martin Kobler. Après deux ans à la tête de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC (Monusco), le diplomate allemand s’est envolé, vendredi, pour la 70e Assemblée générale de l’ONU à New-York. Avant son départ, il s’est confié à Jeune Afrique sur ses motifs de satisfaction et ses frustrations.

Martin Kobler, alors envoyé spécial de l’ONU en Irak, à Bagdad, le 11 février 2013. © Hadi Mizban / AP / SIPA

Martin Kobler, alors envoyé spécial de l’ONU en Irak, à Bagdad, le 11 février 2013. © Hadi Mizban / AP / SIPA

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 25 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Quel est votre sentiment au moment de quitter la Monusco ?

Je pars avec un sentiment de satisfaction, mais je suis aussi conscient que le travail n’est pas terminé.

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Quand je suis arrivé ici, en août 2013, nous combattions le M23 [Mouvement-du-23-Mars, rébellion qui opérait, à l’époque, dans l’est du pays] avec les Forces armées de RDC [FARDC]. La défaite militaire de la rébellion a permis le développement d’une certaine dynamique à l’est du pays. Si vous comparez Goma aujourd’hui et à cette époque, c’est le jour et la nuit.

Mais je pars aussi avec des frustrations. Nos actions militaires conjointes avec les FARDC sont bloquées politiquement. Il faut que nous travaillions avec le gouvernement pour les autoriser à nouveau.

D’autres groupes armés opérant dans l’Est, comme les Forces démocratiques alliées (ADF), ou les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), n’ont pas été démantelées…

Contre les ADF, nous avons fait beaucoup de progrès, mais ils ont changé de tactique pour mener des opérations terroristes. Prenez par exemple le village de Kamango, près de la frontière avec l’Ouganda. Il était désert il y a un an. Depuis, 80 000 réfugiés sont rentrés, et la ville revit. Ceci dit, je l’admets franchement, dans certains territoires, la situation a empiré. Les ADF ont fait plus de 400 morts en moins d’un an.

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Avec les FDLR, au niveau local, certaines unités des FARDC peuvent être complices avec des groupes armés, même si ce n’est pas la majorité. Nous avons la volonté de mener cette lutte et nos troupes sont prêtes. Le blocage est politique.

Vous aviez posé comme condition de votre coopération le renvoi de certains chefs militaires. En faites-vous toujours une condition ?

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Nous avons eu une approche de principe : on ne peut pas coopérer avec les commandants des FARDC et les unités qui ont commis des violations des droits de l’Homme. Nous voulons lutter contre l’impunité. Maintenant, si des investigations sont ouvertes, nous pouvons reprendre le travail.

Le gouvernement de Kinshasa souhaite par exemple que la Monusco soit réduite. Est-ce que l’ONU pourrait accéder à certaines ses demandes ?

Dans la dernière résolution de l’ONU, les effectifs de la Monusco ont été réduits de 2000 personnes. Mais le gouvernement veut aller plus loin. C’est pourquoi j’ai lancé un dialogue stratégique sur cette question. Nous sommes d’accord sur l’objectif : cela fait 16 ans que nous sommes ici, et il faut que nous finissions par partir. Mais cela doit être graduel. Et c’est lié à trois éléments : la réduction de la menace, la restitution de l’autorité de l’État sur tout le territoire et la situation globale du pays. Sur ce dernier point, nous entrons dans une période électorale et nous savons très bien que les élections à Kinshasa ont des effets à l’Est.

Est-ce qu’il sera possible d’organiser les élections d’ici à la fin de 2016 ?

Nous sommes impartiaux en matière politique. Ceci étant, les calendriers électoraux doivent être réalistes. Les élections locales devaient être organisées au mois d’octobre. Nous sommes presque fin septembre. C’est donc certain : nous ne pourrons pas organiser les locales dans les délais prévus. De même le budget prévu du cycle était de plus d’un milliard de dollars. Or, nous n’avons pas les moyens de le financer. Il faut qu’on se pose la question de ce que l’on peut faire de manière réaliste en termes de calendrier et de budget.

Les incertitudes politiques se traduisent-elles par des difficultés économiques ?

Beaucoup de choses doivent être améliorées. Les infrastructures sont toujours déficientes, la gouvernance n’est pas bonne, il y a beaucoup de corruption et d’impunité. Le pays manque d’investissements privés à cause de l’absence de cadre légal. Nous pouvons assister, mais pas résoudre ces problèmes. En revanche, le secteur privé peut le faire.

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