Burkina : après sa résurrection, la transition traque ses ennemis

Dissolution du RSP, gel des avoirs de responsables proches des putschistes, création d’une commission d’enquête sur les crimes du coup d’État… À Ouagadougou, les autorités de la transition burkinabè marquent leur retour avec une grande fermeté.

Michel Kafando pendant sa cérémonie de réinvestiture au poste de président de la transition burkinabè, le 23 septembre 2015, à Ouagadougou. © STR / AP / SIPA

Michel Kafando pendant sa cérémonie de réinvestiture au poste de président de la transition burkinabè, le 23 septembre 2015, à Ouagadougou. © STR / AP / SIPA

Publié le 27 septembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Tout juste ressuscitées, les autorités de la transition ne perdent pas de temps pour assurer leur survie et ce faisant, anéantir ce qu’il reste des forces de l’ancien régime. En dépit des tensions qui règnent toujours dans le pays, et alors que le désarmement des putschistes, cantonnés dans le camp militaire de Naba Koom, n’était pas terminé, elles ont annoncé trois mesures fortes en l’espace de quelques heures. Le 25 septembre, à l’issue du premier Conseil des ministres tenu depuis le retour à la « normale », le gouvernement a annoncé la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), dont les auteurs du coup d’État du 16 septembre sont issus, et la création d’une commission d’enquête sur les infractions commises les jours suivants (le bilan officiel fait état de onze morts et près de 300 blessés). Cette commission sera placée sous la tutelle du Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, l’homme que les putschistes s’étaient juré de punir.

Quelques heures plus tard, le 26 septembre, le parquet indiquait avoir procédé au gel provisoire des avoirs de quatorze personnalités et de quatre partis politiques suspectés d’avoir soutenu le putsch. Cette mesure punitive touche en premier lieu le général Gilbert Diendéré, l’ancien chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré, qui avait pris la tête des putschistes. Mais les autres « figures » du coup d’État, dont l’identité ne fait pourtant guère de doute, n’y apparaissent pas. Seuls deux autres militaires sont visés : Mamadou Bamba, le médecin-colonel qui avait annoncé le coup d’État à la télé, et Sidi Paré, l’ancien ministre délégué à la Sécurité qui a été démis de ses fonctions le 25 septembre en raison de son soutien aux putschistes.

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Les autres personnes ciblées sont des civils dont le rôle dans le coup d’État est très flou. Plusieurs caciques du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ancien parti au pouvoir, voient ainsi leurs avoirs gelés : son président, Eddie Komboïgo, qui est aussi un homme d’affaires, et plusieurs de ses vice-présidents, dont Léonce Koné, banquier de profession, et Fatou Diendéré, l’épouse du général putschiste. Djibrill Bassolé, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Compaoré, qui a créé son propre parti, la Nouvelle alliance du Faso (NAFA) voici quelques mois, et dont la candidature avait été invalidée par le Conseil constitutionnel peu de temps avant le coup d’État, est dans le même cas, tout comme Hermann Yaméogo, une figure de la politique burkinabé (il s’agit du fils du premier président du pays après l’indépendance, Maurice Yaméogo). Quatre partis sont également pénalisés : le CDP, le Nafa, l’Union pour un Burkina nouveau (UBN) et l’Organisation pour la démocratie et le travail (ODT).

La griffe du procureur Poda

Ce gel concerne les comptes des personnes ou entités visées, ainsi que leurs biens meubles et immeubles. Selon une source judiciaire, il n’est pour l’heure pas accompagné d’une interdiction de sortie du territoire. Si l’ordonnance émane du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Ouagadougou, elle porte la griffe du procureur général près la cour d’appel, Laurent Poda. Ce magistrat, qui refuse d’en dire plus pour l’heure, a marqué les esprits en ouvrant dès le 18 septembre, alors que les putschistes étaient encore tout puissants et qu’ils faisaient régner la terreur dans la capitale, une enquête sur les exactions commises durant le coup d’État.

Une source proche du procureur explique que la procédure touche essentiellement « ceux qui ont financé le coup, pas ceux qui l’ont fait »

Selon plusieurs sources, dont une gouvernementale, la liste des personnes concernées est susceptible de s’allonger. « C’est une toile d’araignée qui a tissé des fils un peu partout, croit savoir un ministre. L’enquête se poursuit ». Quant à l’absence des premiers acteurs du putsch, les éléments du RSP, une source proche du procureur l’explique par le fait que cette procédure touche essentiellement « ceux qui ont financé le coup, pas ceux qui l’ont fait ». Cette même source affirme que « Poda a très certainement déjà des éléments les impliquant ».

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« Chasse aux sorcière »

La plupart des personnes ciblées n’ont pas souhaité réagir. Certaines, jointes par J.A. ont semblé défaites. Léonce Koné, lui, s’indigne : « À quel titre gèle-t-on mes avoirs ? En tant que commanditaire ? Complice ? Je démens formellement avoir soutenu ce coup d’État. Certes, le CDP a refusé de le condamner, mais le parti n’est pas le commanditaire. Je l’ai dit au moment du putsch, je le redis aujourd’hui ». Koné parle d’une « chasse aux sorcière » et dénonce « un climat tendu alors qu’il faudrait privilégier le dialogue ».

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À l’inverse, plusieurs personnalités de la société civile, dont certaines ont joué un rôle déterminant dans la mobilisation contre les putschistes, demandent à ce que le gouvernement de transition aille plus loin encore, et plus vite. Elles réclament en priorité l’arrestation des éléments du RSP qui ont mené le coup d’État, à commencer par le général Diendéré.

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