Burkina Faso : après la crise
Oublions quelques instants l’écume des vagues et les flonflons de la « révolution » en deux actes qui se joue au Burkina pour tirer les leçons d’une année riche en rebondissements comme en enseignements sur l’évolution du pays des Hommes intègres et, peut-être, sur celle de l’Afrique. Soyons fous : Gilbert Diendéré a rendu un fier service à son pays.
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 1 octobre 2015 Lecture : 3 minutes.
Clin d’œil de l’Histoire, celui qui était le dernier bretteur encore en activité du quintette qui mena la révolution d’août 1983 (Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Jean-Baptiste Lingani, Henri Zongo et lui-même) a crevé l’abcès et bouclé la boucle. En fomentant un coup d’État raté, dont les vraies motivations demeurent obscures, il a définitivement écarté cette épée de Damoclès qui pesait sur les épaules de tout pouvoir civil installé à Kosyam. La page est tournée : le RSP, d’ici à quelques mois, ce sera fini.
Reste à tirer les conséquences de cette folle aventure qui a failli précipiter le Burkina dans le chaos. La question de l’amnistie des quelque 1 300 hommes du régiment de la sécurité présidentielle (RSP), ou de leurs seuls chefs, est secondaire. La réponse dépendra de l’évolution d’un rapport des forces de moins en moins favorable aux auteurs de ce coup d’État de trop.
Les forfanteries médiatiques de tous ceux qui, alors que le RSP avait l’avantage non pas du nombre mais des armes, criaient qu’il ne fallait pas négocier avec un régiment qui avait décidé avec succès, du moins pendant quelques jours, de prendre tout un pays en otage, seront restées sans conséquence, et c’est heureux car elles auraient pu provoquer un bain de sang. Demain, il faudra refonder toute une armée, ce qui ne sera pas une sinécure.
Exclure les « ex », tous ceux qui ont participé de près ou de loin au régime de Blaise Compaoré, n’est pas une riche idée
Mais quid de la justice, qu’appellent de leurs vœux tous les Burkinabè ? Pour avancer vers cette terre promise qu’est une vraie démocratie, le Burkina doit éviter autant que possible la voie suivie par la plupart de ses prédécesseurs « révolutionnaires », notamment au nord du Sahara. Exclure les « ex », tous ceux qui ont participé de près ou de loin au régime de Blaise Compaoré, n’est pas une riche idée.
Du moins si cela consiste à mettre tout le monde dans le même sac, sans qu’aucun critère n’ait été défini précisément. Ceux qui ont commis des crimes ou des délits ? Tribunal, puis prison. Les autres, ceux qui souhaitaient, publiquement, dans leur barbe, par opportunisme ou par conviction, que Compaoré rempile ? Attention ! Si l’on souhaite la justice, celle-ci doit être irréprochable. À partir de quelle date cela doit-il être condamné ? De 2010 ? De 2014 ? Et selon quels critères ?
L’aventure dans laquelle s’est engagé Compaoré était une faute
Rappelons un fait historique : l’aventure dans laquelle s’est engagé Compaoré était une faute. Politique, puisqu’il n’est pas parvenu à imposer un nouveau mandat là où d’autres sur le continent l’ont fait ou le feront sans coup férir. Morale aussi, certainement, car expliquer, après vingt-sept ans de pouvoir, qu’on demeure indispensable est soit un aveu d’échec soit un mensonge. Du moins sur le plan légal et constitutionnel aura-t-il fait l’effort de rester dans les clous.
Il ne suffit pas par ailleurs d’être dans le camp des vainqueurs, parmi les opposants de la première comme de la dernière heure, pour être absous de ses fautes. Car si l’on réclame justice, la vraie, il faudrait peut-être plus s’intéresser au cas de Salif Diallo, du bon côté de la barrière aujourd’hui mais pas vraiment hier – c’est un euphémisme – qu’à celui d’Eddie Komboïgo ou de Djibrill Bassolé.
De même, si l’on veut avancer et construire le Burkina de demain a-t-on besoin de rassembler toutes ses forces dans un objectif commun. Laisser de côté des milliers de bras et de cerveaux est une erreur. Empêcher une partie de la classe politique, sur des bases injustes et peu claires, de participer aux élections en serait une autre. Ainsi vont la plupart du temps les révolutions, certes, mais puisque le Burkina arrive après tant d’autres, autant gagner du temps en s’épargnant des circonvolutions inutiles…
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