Aux urnes Congolais !
Il fallait s’y attendre. L’annonce, le 22 septembre, par Denis Sassou Nguesso de la tenue prochaine d’un référendum sur un projet de loi fondamentale fixant « les nouvelles formes d’organisation et les nouvelles règles de fonctionnement de l’État » au Congo a déclenché une salve de réactions dont la mesure n’est pas la caractéristique majeure : « coup d’État constitutionnel », « déclaration de guerre au peuple », « après Ouaga, Brazza », etc.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 28 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.
Prévisible et compréhensible de la part des opposants au président congolais, ce tir de barrage ne doit pas empêcher tout observateur un tant soit peu dépassionné d’aller y voir de plus près, au risque de paraître, par les temps qui courent, politiquement incorrect.
Question : DSN a-t-il, dans l’absolu, le droit de convoquer un référendum ? Réponse : oui, bien sûr, cela figure explicitement dans ses prérogatives. Peut-il convoquer un référendum sur la Constitution ? Rien ne l’interdit. Nulle part les constitutions ne sont des textes sacrés. Partout, elles sont régulièrement révisées, toilettées, rénovées, et on ne voit pas pourquoi les Africains seraient les seuls à devoir respecter, les mains liées dans le dos, des lois fondamentales d’inspiration coloniale qu’ils n’ont le plus souvent pas écrites eux-mêmes.
Le fait de vouloir en changer fait-il ipso facto d’un Sassou ou d’un Kagamé des émules de Compaoré, et le Congo ou le Rwanda, des répliques du Burkina, les mêmes causes produisant les mêmes effets ? Non, chaque pays a son histoire, ses rapports de force, ses lignes de fracture, et ce serait mépriser l’Afrique et les Africains que de tous les couler dans un même moule. Un soupçon d’arrogance, de désinvolture et de messianisme typiquement occidentaux auquel n’ont échappé ni François Hollande dans son propre discours de Dakar ni Barack Obama dans celui qu’il a prononcé à Addis-Abeba, en juillet. L’intitulé officiel de ce dernier – « Remarques du président Obama au peuple d’Afrique » – n’a semble-t-il choqué personne. L’imagine-t-on un instant s’adresser « au peuple d’Asie » ou au « peuple d’Europe » ?
Il y a fort à parier que le débat portera exclusivement sur la possibilité qui sera offerte au président sortant de se représenter en 2016
Une fois admis que le référendum n’est pas en soi illégitime et qu’aucune constitution n’est par nature intouchable, venons-en au cœur de la polémique : la limitation des mandats. Le projet de loi qui sera soumis au peuple congolais comportera probablement beaucoup de changements, dont certains représenteront d’incontestables avancées démocratiques. Mais il y a fort à parier que le débat portera exclusivement sur la possibilité qui sera offerte au président sortant de se représenter en 2016.
La limitation des mandats a, en Afrique, ses partisans et ses détracteurs. Ce n’est pas parce que les premiers sont de loin les plus audibles, les mieux connectés et les mieux relayés en Occident auprès des médias et des ONG que les seconds n’existent pas et n’ont pas d’arguments. Le rapport entre alternance et gouvernance par exemple, la première se résumant le plus souvent à une simple rotation des élites, n’est jamais posé. Tout comme l’effet pervers d’une sortie automatique au bout des deux mandats : elle annule la possibilité pour les électeurs de sanctionner le sortant et, pour ce dernier, l’obligation de rendre des comptes en mettant sa responsabilité dans la balance.
Un débat pas simpliste
On notera aussi avec intérêt que l’injonction ne vise pas les régimes qui ont eu l’habileté de faire sauter le verrou de la limitation des mandats à l’époque où nul n’y prêtait attention – ce qui n’a d’ailleurs pas empêché les élections gabonaise, togolaise ou tchadienne d’être vivement contestées. Reconnaissons donc que le débat existe et qu’il n’est pas aussi simpliste qu’on le dit souvent. Reconnaissons aussi, n’en déplaise aux Obamalâtres, que, dans une Afrique en construction, le besoin de leaders d’exception capables de transformer leur pays sur le long terme et de façon irréversible est au moins aussi pressant que celui d’institutions fortes.
Le vrai combat, pour l’opposition congolaise, devra être de faire pression pour que le scrutin soit entouré du maximum de garanties ainsi que de toute la transparence nécessaire
Mais, en attendant de trouver la recette constitutionnelle magique qui permette à la fois de ménager l’avenir et de se prémunir contre les potentats à vie, force est de s’en remettre au choix du peuple et, pour cela, de le replacer au centre du jeu. Le vrai combat, pour l’opposition congolaise, ne devrait donc pas être de boycotter a priori le référendum ou d’empêcher sa tenue, mais de faire pression pour que le scrutin soit entouré du maximum de garanties ainsi que de toute la transparence nécessaire.
Libre ensuite aux électeurs de dire « non » à Denis Sassou Nguesso, auquel cas ce dernier aura l’obligation de s’incliner, comme il l’a déjà fait en 1992. Ou de lui dire « oui » et il faudra alors que chacun, dont ceux qui, à l’étranger, prétendent aimer les Congolais plus qu’ils ne s’aiment eux-mêmes, accepte que la volonté populaire prime sur leurs désirs, y compris les plus ardents.
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