Algérie : 10 ans plus tard, la réconciliation se fait toujours attendre

Dix ans après l’adoption en Algérie d’une charte pour la réconciliation censée tourner la page d’une décennie de guerre civile, les victimes réclament toujours justice et des groupes radicaux restent actifs sans pour autant menacer la stabilité du pays.

Abdelaziz Bouteflika, le président algérien. © Sidali Djarboub/AP/SIPA

Abdelaziz Bouteflika, le président algérien. © Sidali Djarboub/AP/SIPA

Publié le 28 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Le 29 septembre 2005, les Algériens approuvaient par référendum la « Charte de la paix et de la réconciliation » qui offrait le pardon aux islamistes encore dans le maquis en échange de leur reddition, ce que firent 8 500 d’entre eux. L’objectif était alors de mettre fin à la guerre civile qui avait fait 200 000 morts, selon des chiffres officiels, depuis 1992.

La situation sécuritaire s’est depuis considérablement améliorée, mais le bilan de la Charte reste difficile à établir en l’absence de données officielles sur l’application de ses dispositions. Les familles des victimes des groupes armés et des disparus forcés réclament quant à elles vérité et justice. « Il n’y a jamais eu de réconciliation en Algérie », tranche le célèbre avocat Mustapha Bouchachi. Car, explique-t-il, « la base de toute réconciliation est la vérité, or les Algériens ne savent toujours rien de ce qui s’est réellement passé dans les années 1990 ».

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En 2005, l’État avait reconnu que des « agents de l’État » étaient responsables de la disparition de 6 146 personnes entre 1992 et 1998. Des ONG évoquent le chiffre de 18 000 disparus. « Tout le monde doit reconnaître les faits. Il fallait dévoiler la vérité au peuple algérien, puis que les crimes soient reconnus par leurs auteurs. Ensuite les victimes devaient s’exprimer pour pardonner ou poursuivre les auteurs en justice », poursuit Mustapha Bouchachi, ancien député de l’opposition.

Selon lui, le dédommagement des victimes est « l’autre élément important pour toute réconciliation nationale ». Or, « à ce jour, les victimes de tortures n’ont pas été dédommagées », regrette Me Bouchachi dans un entretien au journal El Watan.

« Impunité aux islamistes »

Cherifa Khedar, la présidente de Djazaïrouna (« notre Algérie »), une association de familles de victimes, s’indigne que la charte ait « accordé une impunité totale aux islamistes ». En revanche, elle « interdit aux victimes d’évoquer ce qui s’est passé », sous peine de sanctions pénales contre toute personne qui oserait des poursuites judiciaires contre des repentis impliqués dans des crimes. Le texte même de la charte désigne la guerre civile sous l’expression de « tragédie nationale », sans nommer expressément les protagonistes, regrette Cherifa Khedar, interrogée par l’AFP.

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Les blessures restent à vif comme l’a prouvé l’indignation soulevée par l’annonce fin août par Madani Mezrag, l’ancien chef de l’Armée islamique du Salut (AIS), bras armé du Front islamique du Salut (FIS, dissous), de sa décision de créer un parti politique. Le Premier ministre Abdelamalek Sellal a dû démentir pour calmer les protestations.

« Madani Mezrag peut tout se permettre. C’est la conséquence directe de l’application de cette charte. Il a bien été reçu à la présidence (en juin 2014) lors de consultations sur la révision de la Constitution », s’emporte Mme Kheddar. Madani Mezrag avait conclu une trêve avec l’armée et les milliers de membres de l’AIS avaient déposé les armes avant d’être amnistiés.

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D’autres chefs islamistes ont bénéficié de la charte comme Hassan Hattab, le fondateur du groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), ancêtre d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui vit sous la protection des autorités depuis sa reddition en 2007. Sur le terrain, des groupes affiliés à Aqmi restent actifs dans le nord-est, où ils mènent régulièrement des opérations contre les forces de sécurité.

Un rapport final sur l’application de la charte doit être remis cette semaine au chef de l’État. Il comprend des propositions pour prendre en charge les « oubliés de la réconciliation », notamment « les enfants nés dans les maquis islamistes, les personnes ayant subi des pertes économiques » et les islamistes emprisonnés dans le sud du pays depuis 1992, après l’annulation des élections législatives que le FIS était en passe de remporter.

Cette annulation avait marqué le début d’une guerre sans merci entre groupes islamistes armés et forces de l’ordre. En 1999, à peine élu, le président Abdelaziz Bouteflika avait cherché à mettre un terme à ce conflit en faisant voter une loi qui accordait le pardon à 6 500 islamistes armés.

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