Ice Addis, XHub, Deliver Addis : des start-ups éthiopiennes tentent de percer malgré les obstacles
Créer une start-up en Ethiopie, où le réseau internet est erratique et les paiements électroniques impossibles, semble une gageure. Mais dans ce pays, ce ne sont que quelques-uns des obstacles auxquels font face les « jeunes pousses », dont les créateurs affichent l’enthousiasme des défricheurs.
Avec ses employés penchés sur leurs ordinateurs face aux baies vitrées de vastes locaux en open-space, « Deliver Addis », premier service en ligne de livraison de repas à domicile, lancé en mars, ressemble à n’importe quelle jeune entreprise des nouvelles technologies.
Mais ici, « l’internet coupe une ou deux fois par semaine. Quand cela arrive, on ne peut pas faire grand chose, si ce n’est compter sur le téléphone pour prendre les commandes », explique son fondateur Feleg Tsegaye, agé de 27 ans.
Marché prometteur
Pour cet Éthiopien, né et éduqué aux États-Unis, arrivé il y a trois ans en Éthiopie, l’important est de se positionner sur un marché encore en friche, dont il est convaincu qu’il est l’un des plus prometteurs du continent africain.
« Le secteur des nouvelles technologies est encore balbutiant », explique-t-il, et les paiements en ligne « n’existent pas encore tout à fait ». Mais « dès qu’il y aura un moyen pour les entrepreneurs de gagner de l’argent grâce à la technologie, les choses vont changer très rapidement », assure-t-il, sans vouloir donner de détails sur la situation commerciale et financière de « Deliver Addis ».
Eldorado inexploité
Avec environ 10 % de croissance par an ces dix dernières années, selon la Banque mondiale, l’Éthiopie attire les investisseurs, de plus en plus nombreux à tenter de prendre pied sur ce marché de plus de 90 millions de consommateurs, le plus important d’Afrique après le Nigeria.
Et les nouvelles technologies font figure d’eldorado encore inexploité. La capitale éthiopienne compte déjà trois incubateurs de start-up – souvent soutenus par des investisseurs étrangers – qui aident les entrepreneurs éthiopiens à lancer leur société.
Les universités éthiopiennes imposent un quota de 70 % d’étudiants dans les filières scientifiques.
« Tout le monde veut créer »
« Aujourd’hui tout le monde veut être chef d’entreprise, tout le monde veut créer quelque chose de nouveau. Avec le taux de chômage et le nombre de jeunes diplômés, il n’y a pas assez d’emplois. Il y a donc vraiment de la place pour innover et entreprendre », s’enthousiasme Kibrom Tadesse, directeur de XHub, un incubateur tout juste installé qui propose locaux et services aux jeunes pousses.
Conscient du réservoir d’emplois potentiels, le gouvernement affiche sa volonté de développer le secteur des nouvelles technologies. Les universités éthiopiennes imposent un quota de 70 % d’étudiants dans les filières scientifiques. Un « parc technologique » va être mis sur pied dans la périphérie d’Addis Abeba.
Parcours du combattant
Mais la bureaucratie éthiopienne reste un obstacle dissuasif. Créer et enregistrer son entreprise en Éthiopie relève du parcours du combattant et nécessite des semaines de démarches administratives fastidieuses.
Les autorités exigent également des jeunes créateurs d’entreprise qu’ils aient des bureaux, alors que nombre d’entre eux développent leur projet entre cyber-cafés et domicile.
« Faire enregistrer son entreprise peut prendre jusqu’à six semaines. Il faut constamment courir de ministère en ministère et le processus n’est pas transparent. La plupart des gens ne savent pas par où commencer », constate le directeur allemand de l’incubateur Ice Addis, Florian Manderscheid, qui a vu de nombreux jeunes entrepreneurs renoncer.
Timides
L’obstacle administratif franchi, arrive le plus difficile : celui de la levée des fonds. Les investisseurs éthiopiens restent timides face à un secteur encore méconnu. Il n’existe pas de marchés financiers et les investisseurs étrangers se voient imposer des restrictions.
« Il reste très difficile de trouver des investisseurs parce qu’il n’y a pas de modèle de capital-risque ou de cadre juridique pour le capital-risque. Quand le système bancaire s’ouvrira un peu, les créations de start-up et le développement technologique vont exploser », assure M. Manderscheid.
« Certains pensent que nous sommes fous »
Malgré ces difficultés, Natnael Zeleke et Amanuel Lemma, deux étudiants de 21 ans, s’affairent à leur projet dans les locaux de Ice Addis : une plateforme en ligne pour faire émerger les talents artistiques éthiopiens.
« Créer sa société n’est pas très courant en Éthiopie, mais beaucoup d’étudiants s’y mettent », explique Natnael. « Pas besoin d’être dans la Silicon Valley pour réussir. Si vous avez un ordinateur et un accès internet, vous pouvez faire tout ce que vous voulez », ajoute Amanuel.
« Une fois que les difficultés ont été surmontées, les chances de succès sont plus grandes qu’en Europe ou aux États-Unis ! ».
Les deux jeunes gens peinent toutefois à trouver les programmeurs et les designers dont ils ont besoin.
En termes de développement technologique, l’Éthiopie est encore loin de pouvoir rivaliser avec le Nigeria ou le Kenya voisins. Pour l’heure, à peine plus d’1 % des Éthiopiens a accès à internet, un des taux les plus faibles d’Afrique. Et seul un Éthiopien sur trois possède un téléphone mobile.
« Certains pensent que nous sommes fous », admet Florian Manderscheid, « mais une fois qu’on est sur le marché et que les difficultés ont été surmontées, les chances de succès sont plus grandes qu’en Europe ou aux États-Unis (…) Avec peu d’argent, on peut aller loin sur ce marché en pleine expansion ».
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