Nations unies : ce qu’ont dit les présidents africains à l’ouverture de la 70e Assemblée générale
Lundi, lors de la première journée du débat général de la 70e Assemblée générale des Nations unies, quelque onze chefs d’État africains se sont exprimés. Jeune Afrique récapitule les déclarations majeures, qui vont des critiques contre le Conseil de sécurité au rejet des droits des homosexuels.
Le Mozambicain Felipe Nyusi, l’Éthiopien Hailemariam Dessalegn, l’Ougandais Yoweri Museveni, le Sud-Africain Jacob Zuma, l’Égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le Zimbabwéen Robert Mugabe, le Nigérian Muhammadu Buhari, le Gabonais Ali Bongo Ondimba, le Kényan Uhuru Kenyatta, le Sénégalais Macky Sall et le Malien Ibrahim Boubacar Keïta se sont exprimés lundi 28 septembre à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies.
Voici ce qu’il faut retenir de leurs déclarations (disponibles en intégralité en cliquant sur le nom du chef d’État).
Felipe Nyusi et réforme du Conseil de sécurité
Soulignant les défis posés par les conflits et le terrorisme, le président mozambicain a plaidé en faveur d’une réforme des Nations unies et en particulier de son Conseil de sécurité. Il a déclaré qu’il « n’était pas compréhensible que les Nations unies soient un obstacle à la mise en œuvre de leur propre mandat ». S’agissant de la crise des réfugiés et migrants, Felipe Nyusi a estimé qu’elle ne serait pas résolue si l’on continuait de chercher des mesures à court terme, comme la limitation du flux de réfugiés. « Il faut s’attaquer aux causes profondes de la crise », a-t-il exigé.
Hailemariam Dessalegn et les pères fondateurs
« Le monde ne peut se permettre de vivre sans les Nations unies » a déclaré le Premier ministre éthiopien. Toutefois, « les pères fondateurs n’avaient pas prévu la menace du terrorisme et de l’extrémisme violent ni les conséquences dévastatrices des changements climatiques et d’autres défis émergents de notre temps », a-t-il ajouté, plaidant lui aussi pour une réforme du système des Nations unies. Le Premier Ministre a notamment souligné la nécessité d’une représentation accrue de l’Afrique au Conseil de sécurité.
Yoweri Museveni sibyllin
« L’Ouganda a surmonté d’énormes défis au cours des décennies en se basant sur ses capacités locales », a déclaré le président ougandais. Dans une courte analyse de stratégie diplomatique, il a exhorté la communauté internationale à se méfier de « ceux qui cherchent des solutions externes à tous les problèmes ». « Les Nations unies devraient éviter d’être attirées dans des situations par des groupes qui ne jouissent pas de légitimité ou de soutien intérieurs, sinon, l’Organisation ne pourra devenir qu’une partie du problème », a détaillé le chef de l’État.
Jacob Zuma, la Libye et l’ONU
Le Sud-Africain Jacob Zuma a lui aussi regretté que peu d’avancées aient été faites dans la réforme du Conseil de sécurité. « Il est inacceptable et injustifiable qu’un milliard d’Africains soient toujours exclus des membres permanents du Conseil », a déploré le chef de l’État. « Les pays africains ne sont plus des colonies mais des pays libres, indépendants et souverains. L’ONU ne peut prétendre que le monde n’a pas changé depuis 1945 », a ajouté Jacob Zuma. Le président a également évoqué la situation en Libye, conséquence directe des erreurs de membres du Conseil de sécurité selon lui, ayant « abusé » du concept de « responsabilité à protéger ». Jacob Zuma a encore estimé que la crise actuelle des réfugiés était en partie née de ces erreurs en Libye ou encore en Syrie.
Abdel Fattah al-Sissi et le terrorisme
« Il n’existe aucun doute qu’un milliard et demi de musulmans ont refusé de souscrire aux vues d’une minorité terroriste qui entend parler en leur nom », a rappelé le président égyptien. « Pourtant, beaucoup au sein de la communauté internationale ont refusé de reconnaître que nous nous battons contre le même ennemi », a-t-il ajouté. « Les grandes puissances doivent aujourd’hui se concentrer sur la reconstruction de l’État libyen afin de combattre les terroristes avant qu’ils puissent s’étendre plus profondément en Afrique », a appelé le chef de l’État qui a assuré que l’Égypte aspirait à jouer un rôle dans la paix et la sécurité internationales, en tant que membre non-permanent du Conseil de sécurité dans les deux prochaines années.
Robert Mugabe, obsédé par l’homosexualité
Le président zimbabwéen a estimé qu’une réforme du Conseil de sécurité était nécessaire, afin « de donner une juste place aux propositions africaines ». Robert Mugabe a également insisté sur son rejet de toute tentative d’imposer de « nouveaux droits », tels que ceux des homosexuels, à des pays dont la culture y serait contraire. Enfin, et avant de dénoncer les mesures prises contre son pays par l’Union européenne et les États-Unis, il a exhorté l’ONU à faire aboutir la « décolonisation » du Sahara occidental et à cesser de nier les droits du peuple saharaoui.
Muhammadu Buhari et les filles de Chibok
Pour son premier discours à l’ONU, le président nigérian a promis de mieux lutter contre la corruption et autres « pratiques criminelles ». Évoquant la menace terroriste de Boko Haram, il a rappelé que la libération des jeunes filles enlevées à Chibok en avril 2014 restait une priorité de son gouvernement. « Nous avons chassé Boko Haram de plusieurs de ses bastions, avons tué et capturé plusieurs de ses chefs et libéré des centaines d’otages », a-t-il rappelé, en faisant référence à la coalition composée du Cameroun, du Nigeria, du Tchad du Niger et du Bénin. « Le monde fait face au défi du trafic d’êtres humains, qui prend aujourd’hui une dimension inédite ».
Ali Bongo Ondimba et la Centrafrique
Le chef de l’État gabonais a exhorté l’ONU à jouer un rôle plus important dans la résolution des conflits à travers le monde. Il a notamment évoqué la crise centrafricaine, dans laquelle « la communauté internationale doit redoubler d’efforts ». Insistant sur la nécessité de renforcer la lutte contre le terrorisme, notamment au niveau financier, Ali Bongo Ondimba a plaidé pour une réforme du Conseil de sécurité. « Le Gabon soutient la proposition française d’étendre le droit de veto au-delà des membres non-permanents », a-t-il expliqué. Enfin, le chef de l’État gabonais a insisté sur la nécessité de trouver un accord global sur le changement climatique, à deux mois de l’ouverture de la COP21, à Paris.
Uhuru Kenyatta et la corne de l’Afrique
Le chef de l’État kényan a particulièrement insisté sur les menaces persistantes en Somalie, dans la corne de l’Afrique, au Sahel et au Soudan du Sud. Évoquant des « menaces pour le Kenya mais aussi sur le monde entier », il a exhorté le Conseil de sécurité à assumer son rôle dans « la résolution des conflits ». Le président a également assuré que son pays continuerait de lutter contre les terroristes Shebab dans la sous-région, tout en insistant sur le rôle prépondérant des organismes régionaux, notamment de la Communauté des États d’Afrique de l’Est.
Macky Sall et la gouvernance
« Le monde peine encore à se débarrasser des masques hideux du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’extrémisme violent », a déploré le président sénégalais, appelant à plus de solidarité envers les réfugiés. « Les travailleurs migrants sont discriminés alors qu’ils contribuent à la sueur de leur front à la prospérité de leur pays d’accueil », a-t-il ajouté. Le président en exercice de la Cedeao a encore plaidé pour « un ordre international renouvelé » et le « respect des droits de l’Afrique », dans la droite ligne des discours de bon nombre de ses homologues du continent. « Solidaire du Nigeria et des autres pays dans la lutte contre Boko Haram », le président sénégalais a rappelé les progrès enregistrés dans la gouvernance régionale en Afrique de l’Ouest.
Ibrahim Boubacar Keïta, l’engagé
« Je voudrais solennellement réitérer l’engagement du gouvernement du Mali de respecter tous ses engagements découlant des accords d’Alger », a déclaré le président malien, qui a toutefois lancé un « appel pressant » à la communauté internationale, « en vue de la mobilisation effective des ressources techniques, matérielles et financières nécessaires » à leur application. Saluant le renouvellement du mandat de la Minusma, Ibrahim Boubacar a encore salué le rôle de la France et des États-Unis dans le processus de paix, tout en affirmant l’implication du Mali dans la dynamique de développement durable alors que le pays « subit de plein fouet les effets du changement climatique à cause de la fragilité de son écosystème ».
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