Pourquoi le Maroc a bloqué l’ouverture du premier magasin Ikea du royaume

L’inauguration du nouveau magasin du géant suédois des meubles en kit, était initialement prévue ce mardi au Maroc. Officiellement, si elle a été annulée au motif qu’Ikea « ne disposait pas de certificat de conformité », les véritables raisons sembleraient être de nature diplomatique.

Le premier magasin Ikea au  Maroc devait initialement ouvrir ses portes le 29 septembre 2015. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

Le premier magasin Ikea au Maroc devait initialement ouvrir ses portes le 29 septembre 2015. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 29 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Alors que les Marocains attendaient impatiemment l’ouverture du centre commercial IKEA près de Mohammedia, près de Casablanca, ce mardi 29 septembre, le Maroc a décidé in extremis de le bloquer.

La veille, les chefs de 9 partis politiques, de la majorité et de l’opposition, se sont réunis, sous la houlette du chef du gouvernement Abdelilah Benkirane. Ces derniers ont évoqué l’hostilité de la Suède envers la position marocaine sur le Sahara et appelé par conséquent à reconsidérer les relations économiques avec ce pays.

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La wilaya de Casablanca – l’autorité chargée de valider les projets d’investissement dans la capitale économique et sa région – a aussitôt publié un communiqué. Ce dernier avance que l’inauguration du magasin IKEA a été annulée au motif qu’il « ne disposait pas de certificat de conformité, qui doit être délivré par la commune et les administrations concernées ».

Reconnaître « l’entité sahraouie », une promesse du Parti social-démocrate suédois des travailleurs

« Cela fait 10 ans que la Suède manifeste son ralliement à la thèse du Polisario et déclare – via son parti au pouvoir [le Parti social-démocrate des travailleurs] – que le Maroc exploite indûment les richesses naturelles de cette région tout en appauvrissant la population locale », déclare un membre du gouvernement marocain.

Début septembre, le Parti social-démocrate suédois des travailleurs a déposé une proposition de loi afin de reconnaître la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et aurait, selon les Marocains, reçu avec les honneurs une délégation du Polisario. En 2010, lors de son congrès national le parti s’était engagé à reconnaître « l’entité sahraouie » s’il accédait au pouvoir.

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«Ils font l’amalgame entre le dossier du Sahara et la question palestinienne et considèrent que tous les deux sont des cas de décolonisation», se défendent les Marocains.

Le Maroc, qui n’est pas diplomatiquement très actif dans ce pays (il n’a plus d’ambassadeur à Stockholm depuis 3 ans) contrairement au Polisario qui y dispose de solides sympathies, se plaint depuis plusieurs années du « parti pris» de certains pays scandinaves contre sa position d’autonomie avancée sur le Sahara.

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Position actuellement étudiée par les Nations unies. Le royaume chérifien soutient que ses efforts de développement et de partage des richesses dans les régions sahariennes ne sont pas considérés à leur juste valeur.

Représailles diplomatiques

Face à l’hostilité du parti social-démocrate suédois (et non du gouvernement suédois), le royaume a donc décidé d’apporter une réponse « partisane » en encourageant ses propres partis politiques à passer à l’offensive.

Une délégation de chefs politiques marocains sera prochainement dépêchée à Stockholm pour « contrecarrer les projets anti-Sahara marocain » et sonder le terrain dans d’autres pays scandinaves comme le Danemark, où Christian Juhl, membre du Parlement danois et porte-parole du Parti alliance rouge-verte, a reçu Abba Malainin, représentant du Front Polisario au Danemark.

Dans ces pays, le Maroc ne compte pas que des amis. En mars 2014, le Fonds souverain norvégien (GPFG) s’est penché sur les activités du géant français Total, dont il possède 2,06 % du capital, pour vérifier si les projets du groupe dans le Sahara respectaient ses règles d’éthique en terme d’investissement.

Cette démarche restée sans suite – fin 2014, le GPFG s’était d’ailleurs montré très intéressé par les opportunités du marché financier marocain, comme l’a révélé Jeune Afrique. Mais elle ajoute à d’autres positions, comme celles de certains groupes de députés européens qui s’étaient opposés, en 2013, au renouvellement de l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne au motif que cet accord ne profitait pas aux populations sahraouies.

Intérêts

La Suède n’a pas encore réagi au refus marocain du projet d’un de ses fleurons nationaux. Quant au groupe Ikea, il s’est contenté de déclarer «qu’il ne fait pas de politique».

Pour le Maroc en tout cas, cette initiative toute nouvelle de bloquer un investissement sur le point d’être inauguré montre que ses intérêts économiques et diplomatiques vont désormais de pair quant il s’agit de défendre sa position sur le Sahara.

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