L’Afrique profite-t-elle tant des investissements chinois ?
Ibrahim Magassa est économiste et directeur d’une société de conseil, Algest Consulting
La disparition du monde bipolaire à la fin des années 1980 s’est traduite sur le plan de l’économie géopolitique par une affirmation de la Chine en tant qu’acteur majeur en Afrique. Au cours de ces dernières années, ce pays a développé sur le continent africain une stratégie agressive de pénétration des marchés. Exploitant les failles de relations paternalistes entre les puissances occidentales et les pays africains, la Chine a acquis d’importants marchés dans de nombreux pays africains. En la matière, la réussite de cette stratégie est fondée sur sa politique de coopération, sa capacité financière à mobiliser des fonds et son dynamisme dans la mise en œuvre des projets au travers d’entreprises d’État qu’elle ne cesse de promouvoir.
Les Chinois ont développé une politique de coopération économique qui se situe aux antipodes de celle longtemps pratiquée par les Occidentaux. Dès lors qu’elle eut vite appréhendé les similitudes entre sa culture et celle des Africains, la Chine resta fidèle à une politique de flexibilité dans sa coopération économique. Ses aides financières aux pays africains ne sont en rien liées au respect des valeurs démocratiques, des droits humains et d’un contrôle rigoureux de l’usage des fonds.
Sur le plan financier, la Chine dispose d’une réserve de change colossale dont plus de 1 900 milliards de dollars sont à la disposition de l’Exim Bank (China Export-Import Bank), de façon à mener sa politique d’investissement à l’étranger. Cette banque étatique joue un rôle essentiel dans la rétrocession de prêts gouvernementaux étrangers, et elle propose des prêts à des conditions préférentielles, tout en négociant des contrats de travaux publics.
Certains prétendent que la Chine contribue à la mise en place des infrastructures africaines dans le but de remporter des contrats pétroliers. La Banque mondiale note toutefois que ce lien n’existe que dans 7 % des contrats de construction.
Dans son déploiement à l’étranger, Pékin, sur le plan opérationnel, a mis à contribution les secteurs essentiels de l’économie, à travers les sociétés d’État. Ainsi, dans le domaine des matières premières énergétiques, la China National Petroleum Corporation (CNPC) et la China Petroleum and Chemical Corporation (Sinopec), pour ne citer que ces deux majors, mettent en œuvre une politique d’approvisionnement énergétique par l’exploitation à des conditions avantageuses de champs pétroliers en Afrique.
Au Tchad, la CNPC a livré clés en main à l’État tchadien en juin 2011 sa première raffinerie de produits pétroliers. Pendant 99 ans, la Chine exploitera cette raffinerie à travers la CNPC à hauteur de 60 % contre 40 % à N’Djamena. Dans le domaine des travaux publics, le schéma d’acquisition des parts de marchés est identique, avec une aide chinoise pour la construction de routes, de chemins de fer et de réseaux d’électricité qui est passée de 1 à 7 milliards de dollars par an de 2001 à 2010.
Certains prétendent que la Chine contribue à la mise en place des infrastructures africaines dans le but de remporter des contrats pétroliers. La Banque mondiale note toutefois que ce lien n’existe que dans 7 % des contrats de construction. Et il ne faut d’ailleurs pas oublier que dans les cinq dernières années, 40 % du pétrole africain est allé aux États-Unis, 17 % à l’Europe et 14 % à la Chine. Une tendance qui pourrait cependant s’inverser avec les dernières prises d’intérêt chinoises dans plusieurs pays notamment au Soudan, en Angola, au Nigeria (et dans la compagnie Addax). Quand à elle, la Chine considère son aide financière au développement comme une forme de solidarité Sud-Sud reposant sur le principe de l’utilité et de l’avantage mutuels.
La question majeure reste toutefois de savoir si l’Afrique saura réellement tirer profit des investissements chinois ? Cela reste à confirmer. Notons que dans la politique chinoise d’investissement, il n’y a pas le transfert de technologie. Le temps est arrivé pour les États africains de tirer profit des coopérations de développement économique avec la Chine. Rappelons simplement que les Chinois eux-mêmes imposent aux investisseurs européens et américains de respecter le principe le transfert de technologie. Gagnant-Gagnant !
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