Togo : une relance à petits pas

Le Togo tente de se relever d’une décennie de crise. La croissance et les investisseurs sont de retour. Reste à améliorer le climat des affaires et à renforcer les infrastructures pour pérenniser la reprise.

Au bord de la mer, à Lomé, un chantier de réfection et de bitumage. © Vincent Fournier/JA

Au bord de la mer, à Lomé, un chantier de réfection et de bitumage. © Vincent Fournier/JA

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 16 juillet 2012 Lecture : 5 minutes.

La relance de l’agriculture, un secteur représentant plus de 40 % du PIB et qui emploie plus de 70 % de la population active, contribue largement à cette performance. « Dans le vivrier, notamment, les résultats sont très intéressants », note Kako Nubukpo, le directeur exécutif du Centre autonome d’études et de renforcement des capacités du Togo (Cadert). En 2011, la production vivrière (maïs, sorgho, riz…) a progressé de 4,4 %, à 4 392 tonnes, et une partie a même été exportée vers le Niger, frappé l’année dernière par une crise alimentaire. « Le renforcement des investissements agricoles de la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, NDLR] et de l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine] dont le pays a bénéficié, couplé à une volonté politique qui se traduit par l’allocation de près de 10 % du budget, contre 3 % auparavant, à l’agriculture a permis de créer des conditions favorables », explique l’économiste.

Outre l’agriculture, l’industrie extractive, qui retrouve une certaine dynamique, devrait contribuer davantage à l’activité économique du pays. Dès l’année prochaine, le Togo pourrait commencer à exporter du manganèse. La junior australienne Ferrex s’apprête à investir 15 millions de dollars (12 millions d’euros) dans l’exploitation du gisement de Nayega (Nord), estimé à plus de 6 millions de tonnes (avec 38 % de teneur en manganèse). Dans le même temps, l’allemand HeidelbergCement a annoncé un investissement de près de 258 millions de dollars – à travers sa filiale ScanTogo – dans la construction d’une cimenterie à Tabligbo (Sud) près d’un gisement de calcaire de 175 millions de tonnes. À la clé, un millier d’emplois directs et une enveloppe d’environ 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros) supplémentaires pour le budget annuel de l’État à partir de 2015. « Contractuellement, l’État détient 10 % de chacun de ces projets miniers et a la possibilité de porter sa participation jusqu’à 20 % », explique Noupokou Damipi, le ministre de l’Énergie et des Mines sortant.

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Pour tirer le plus grand bénéfice de tous ces investissements, le Togo doit développer et renforcer ses infrastructures.

Besoins importants

La filière phosphate, autrefois pilier de l’économie togolaise et désormais plombée par la vétusté des équipements, peine à redécoller. La production annuelle (1,2 million de tonnes attendues en 2012) s’améliore, mais elle est encore loin des 3 millions de tonnes des années 1990. « En plus des investissements lourds consentis [environ 50 milliards de F CFA] afin de renouveler l’appareil productif, il faut descendre beaucoup plus profond, à environ 40 m, pour retirer le minerai », avance Noupokou Damipi.

En attendant la relance effective de cette filière, c’est l’exploitation d’une carrière de marbre dans le centre du pays par l’espagnol Pomar qui doit contribuer à la hausse des revenus de l’État. Le projet, lancé en avril, devra mobiliser près de 100 milliards de F CFA d’investissements, dont 20 milliards pour la construction d’une usine de transformation. La Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (BIDC) ont déjà apporté, sous forme de prêts, une contribution totale de 10 milliards de F CFA.

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Reste que, pour tirer le plus grand bénéfice de tous ces investissements, le Togo doit développer et renforcer ses infrastructures. Dans le document de stratégie pays 2011-2015 qu’elle lui consacre, la BAD estime que « le réseau des transports routier et ferroviaire fortement dégradé par manque d’entretien affecte considérablement la compétitivité du Port autonome de Lomé et de l’ensemble de l’économie ». Des ressources supplémentaires, dégagées grâce à l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) en décembre 2010 et à l’annulation de près de 80 % de la dette extérieure, permettent de mener des actions pour combler ce déficit. En 2012, près de 240 milliards de F CFA devraient être consacrés au développement d’infrastructures, routières notamment (une manne qui a profité aux entreprises de la sous-région, dont le burkinabè Ebomaf et l’ivoirien BNETD, mais aussi à des sociétés locales comme Ceco BTP). Par ailleurs, un investissement de 300 milliards de F CFA du français Bolloré est en cours pour augmenter la capacité du Port autonome de Lomé. Malgré tout, les besoins sont encore importants.

Pour y répondre de manière plus efficiente, le pays devrait renforcer sa capacité d’exécution des dépenses d’investissements, selon les institutions internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI). « Nous avons un vrai problème dans ce domaine, confirme un fonctionnaire du ministère du Plan. Nous sommes en juillet, et le taux d’exécution des dépenses d’investissements n’atteint pas 10 %. » De fait, le FMI aurait même proposé aux autorités de réduire leurs ambitions d’environ 100 milliards de F CFA.

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Si Pascal-Firmin Ndimira, l’ancien Premier ministre burundais à présent conseiller économique du président togolais, et son équipe ont travaillé d’arrache-pied pour élaborer un programme de suivi et de mise en oeuvre des projets, la BAD estime qu’il s’agit surtout d’une question de capacité. « La longue crise sociopolitique qu’a traversée le Togo a contribué à une détérioration sensible des capacités institutionnelles et humaines nécessaires pour une gestion optimale du développement », écrit l’institution panafricaine.

Pression fiscale

Les dépenses publiques ne peuvent pas être continuellement financées par l’endettement.

Par ailleurs, pour mieux financer la politique volontariste de développement des infrastructures, l’amélioration de la collecte des recettes fiscales s’impose, selon les analystes. Des progrès ont été réalisés, mais « le taux de pression fiscale, de 16,2 %, est encore faible comparé à ce qui est requis au niveau international pour conduire des politiques publiques ambitieuses. En France, par exemple, ce taux est de 42,5 % », selon Kako Nubukpo. Parmi les solutions avancées, la mise en place d’une fiscalité sur le patrimoine. Selon les économistes, les dépenses publiques ne peuvent être continuellement financées par l’endettement, sous peine de confronter à nouveau le pays à une dette insoutenable.

Autre défi que doivent relever les autorités, l’amélioration du climat des affaires. Le rapport « Doing Business » 2012 de la Banque mondiale classe le Togo au 162e rang sur 183 pays étudiés, alors qu’il était 158e en 2011. Principales raisons de ce recul : les difficultés liées à la création d’une entreprise et la faible capacité de la justice à protéger les investisseurs. L’adoption d’un nouveau code des investissements en janvier 2012 est censée aider le pays à rattraper son retard. 

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