L’exploration sismique vaut de l’or… noir

Grâce à l’amélioration des techniques de prospection, des réserves de pétrole et de gaz ont été mises au jour sur le continent. Un marché de 5 milliards d’euros d’ici à quatre ans pour les sociétés spécialisées.

Le développement de la cartographie en eau profonde a dopé le secteur. © CGGVeritas

Le développement de la cartographie en eau profonde a dopé le secteur. © CGGVeritas

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 16 juillet 2012 Lecture : 4 minutes.

Surbookées : les compagnies en charge des cartographies dans le domaine pétrolier ne savent plus où donner de la tête, notamment en Afrique. « Il faut s’y prendre bien à l’avance, ne pas avoir de retard, et la planification doit être tirée au cordeau ! » raconte le cadre d’une multinationale pétrolière. Depuis une dizaine d’années, l’activité sismique – première étape de l’exploration avant le forage d’un puits, et qui consiste à faire des relevés souterrains ou sous-marins en deux ou trois dimensions (2D et 3D) (lire l’encadré) – a connu une forte progression dans le monde, surtout depuis le milieu des années 2000, avec la découverte de 8 milliards de barils équivalent pétrole au large du Brésil en offshore profond. L’exploration et la production de pétrole et de gaz en eau profonde (deep offshore) ont fait reculer les frontières. En Afrique, la découverte de Jubilee (Ghana) et de gigantesques réserves de gaz au large du Mozambique ont accéléré les investissements dans l’exploration, qui représenteront 50 milliards d’euros d’ici à 2016 sur le continent – et plus de 160 milliards d’euros dans le monde.

CGGVeritas (France), WesternGeco (filiale de l’américain Schlumberger), PGS (Norvège), Fugro (Pays-Bas) et BGP, filiale de China National Petroleum Corporation (CNPC), sont les principales firmes actives dans ce business. Une sismique mobilise 5 à 10 millions d’euros pour couvrir 1 000 km2, selon la technologie et l’environnement (terre, mer, offshore, deep offshore…). Par exemple, le français Total a déjà dépensé en Côte d’Ivoire 14 millions d’euros afin d’obtenir une cartographie 3D de 1 400 km2 du bloc offshore CI-100, acquis fin 2010. En mer, les contrats de sismiques concernent des surfaces allant de 500 à 5 000 km2. Les États pétroliers les plus dynamiques, comme le Nigeria et l’Angola, signent en moyenne une dizaine de ces contrats par an, quand les pays émergents peuvent en réaliser entre deux et cinq.

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Dans le ventre de la terre

« La sismique est un peu à la terre ce que l’échographie est au corps humain », schématise Raoul Jacquand, directeur Geomarket pour l’Afrique subsaharienne chez CGGVeritas. Deux technologies sont utilisées. Lorsque le terrain est dégagé, un camion fait vibrer une plaque de 2 m2 environ. Les ondes qui se répercutent dans les roches souterraines sont réceptionnées par des capteurs disposés dans la zone visée. Si le terrain est inaccessible, une petite charge explosive, installée à 10 m de profondeur, crée un microséisme dont les mesures sont relevées de la même manière en surface. En mer, des navires traînent une dizaine de câbles parallèles d’une longueur atteignant jusqu’à 10 km et surmontés de bouées envoyant dans les fonds marins des ondes sonores produites par des sources acoustiques. On obtient ainsi des informations sur la nature du sous-sol, sa densité et, bien sûr, les éventuels réservoirs d’hydrocarbures. Ensuite, l’interprétation des géologues permet de préciser ces données.  M.P.

Découvertes

De nombreuses régions inexplorées attirent les investisseurs, confortés par une meilleure situation économique et politique. Les dernières technologies mises au point ont par ailleurs permis des découvertes encore impossibles il y a peu. « Personne n’aurait misé sur le Mozambique il y a dix ans », confirme le cadre d’une multinationale pétrolière. Ces sociétés consacrent 10 % de leur budget annuel d’exploration aux études sismiques. D’ici à 2016, ce sont environ 5 milliards d’euros que pourraient se partager les principales entreprises du secteur sur le continent.

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Interprétation

D’anciennes concessions, abandonnées autrefois, font à nouveau l’objet de recherches.

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Les firmes ont deux types de clientèle : les États et les sociétés privées. De l’interprétation, le plus souvent réalisée en interne par les compagnies, dépendent les opérations de forage qui, elles, sont en moyenne dix fois plus chères – 100 millions de dollars environ (81,5 millions d’euros) pour un puits. « Les coûts de sismiques, en comparaison des coûts de forage, restent marginaux », précise Raoul Jacquand, directeur Geomarket pour l’Afrique subsaharienne chez CGGVeritas. La société française réalise sur le continent, selon les années, entre 8 % et 12 % de son chiffre d’affaires mondial dans les services – lesquels représentaient 2 à 2,5 milliards de dollars en 2011. « Cette année, nous devrions même atteindre 15 %, en particulier si les contrats en Afrique de l’Ouest et en Angola se concrétisent », ajoute-t-il.

L’amélioration des technologies a dynamisé le secteur. La 2D, plus précise qu’il y a vingt ans, reste privilégiée. La 3D, elle, courante depuis les années 1990, fournit des indications sur les volumes et permet de cartographier des sous-sols en donnant des informations impossibles à obtenir par le passé. Les couches de sel ont ainsi rendu très longtemps invisibles les réserves brésiliennes, dont les fonds marins sont identiques à ceux de la côte angolaise. Voilà pourquoi des multinationales espèrent réitérer le succès brésilien au large de Luanda.

Cliquez sur l'image.De manière générale, les experts estiment qu’une sismique peut être réalisée tous les dix ans. Ainsi, d’anciennes concessions, abandonnées faute de données satisfaisantes, font aujourd’hui l’objet d’une nouvelle recherche. Les entreprises ont également mis au point la 4D, au début des années 2000, qui fait intervenir une nouvelle dimension, le temps : « Nous proposons désormais de conduire des études sismiques à intervalles réguliers sur les champs en production [tous les ans en moyenne, NDLR] afin d’analyser le comportement des fluides en sous-sol pour optimiser l’exploitation, explique Raoul Jacquand. Nous pouvons ainsi augmenter de 3 % à 4 % le taux de récupération [30 % du réservoir en moyenne]. » Une opération « rentable », d’après les clients, qui demandent même aux sociétés prestataires de confier à des équipes permanentes le suivi de l’évolution des réservoirs. Un marché qui n’est donc pas près de se tarir.

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