Madagascar : reprise du procès du lynchage d’un Français et d’un Italien en 2013
Le procès de 37 personnes poursuivies pour le lynchage de trois hommes, un Français, un Italien et un Malgache reprend lundi à Antananarivo. Les deux hommes étaient accusés à tort du meurtre d’un enfant en 2013 et de pratiques pédophiles.
Le 3 octobre 2013, sur l’île touristique de Nosy Be, dans le nord de Madagascar, un touriste français, Sébastien Judalet, et un résident franco-italien, Roberto Gianfalla, avaient été tabassés à coups de rondins et brûlés par une foule en furie.
Celle-ci les accusait à tort d’avoir tué un enfant et les soupçonnait de pratiques pédophiles. Quelques heures plus tard, l’oncle malgache du garçonnet avait également été tabassé à mort pour le même motif.
Peu avant les lynchages, le corps de l’enfant avait été retrouvé après avoir dérivé plusieurs jours en mer. Déjà attaqué par les organismes marins, il était amputé notamment du pénis, ce qui avait conduit la famille à conclure hâtivement à un trafic d’organes sur fond de pédophilie. Une rumeur rapidement propagée a fait le reste, que trois hommes ont payé de leur vie.
Une enquête menée en France sur Sébastien Judalet avait rapidement levé tout soupçon de pédophilie à son endroit.
Non-assistance à personne en danger
Prévu pour le 8 septembre, le procès avait été reporté, le parquet demandant la convocation de deux gendarmes accusés de non-assistance à personne en danger mais absents à l’audience.
Contacté par l’AFP, le père de la victime française, M. Maurice Judalet, s’est félicité de cette démarche: « Il n’y a aucun doute, la gendarmerie a une certaine part de responsabilité par sa passivité. Ils sont comme les autres impliqués dans ce procès ».
Avant le lynchage des deux Européens, l’un des gendarmes accusés avait été appelé à cinq reprises par un témoin qui lui demandait de l’aide, mais il n’avait pas réagi, selon le compte-rendu d’enquête consulté par l’AFP.
Christian Raoelina, l’avocat de la gendarmerie, va faire valoir que les gendarmes auraient risqué leur vie en intervenant. La veille des lynchages, la foule avait pris d’assaut et saccagé la brigade. Les émeutiers accusaient les gendarmes de cacher l’oncle de l’enfant, soupçonné de l’avoir enlevé.
« Comment voulez-vous que dans de telles conditions, la gendarmerie puisse accomplir convenablement ses fonctions sans mettre en danger la propre sécurité de ses éléments », a plaidé Me Raoelina.
Un début de compréhension
Deux ans après les faits, le père de Sébastien Judalet, Maurice Judalet, « attend de ce procès un début de compréhension du lynchage de son fils », a indiqué pour sa part à l’AFP son avocat français, Me Bertrand Salquain. L’avocat note cependant qu’avec 37 accusés, « on est loin du compte » du nombre de personnes qui ont participé au lynchage, au vu des vidéos diffusées à l’époque.
Quoi qu’il en soit, « cette affaire a terni un peu l’image de Madagascar » souligne l’avocat de la famille de Roberto Gianfalla, maître André Randranto. « Il est dans l’intérêt de tout le monde que la lumière soit faite sur cette malheureuse affaire », dit-il.
Quant aux deux gendarmes, qui sont encore en service, « ils ont intérêt à se présenter au procès lundi parce qu’autrement, ils peuvent être condamnés par défaut », explique leur avocat Christian Raoelina.
Le procès se concentre uniquement sur les trois lynchages et ne traite pas le meurtre de l’enfant, à l’origine de toute l’histoire. Pourtant, l’acte d’accusation, consulté par l’AFP, fait bien état d’un homicide, sur la foi de deux autopsies effectuées sur l’enfant.
Le père de l’enfant a déposé une plainte.
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