La RSE est un levier de performance pour les entreprises agro-industrielles

Franck Eba est le directeur de l’unité agricole intégrée de Sucrivoire, filiale de Sifca, le premier employeur privé de la Côte d’Ivoire. Dans cette tribune, il présente les résultats de la politique de responsabilité sociale et environnementale (RSE) du groupe agro-industriel.

Sifca est l’un des principaux groupes agro-industriels actifs en Afrique de l’Ouest. © Joana Choumali/Sifca

Sifca est l’un des principaux groupes agro-industriels actifs en Afrique de l’Ouest. © Joana Choumali/Sifca

Franck Eba Sifca
  • Franck Eba

    Franck Eba est le directeur de l’unité agricole intégrée de Sucrivoire, filiale du groupe agro-industriel Sifca, premier employeur privé de la Côte d’Ivoire.

Publié le 6 octobre 2015 Lecture : 6 minutes.

L’agro-industrie est au coeur d’enjeux environnementaux et sociaux majeurs qui concernent aussi bien l’utilisation du foncier, la préservation de la biodiversité, la rémunération des planteurs ou les conditions de travail des employés. 

Pour un groupe agro-industriel implanté en Afrique subsaharienne et de l’envergure de Sifca, une bonne gestion des enjeux environnementaux et sociaux est un levier de performance : maîtriser la consommation des ressources naturelles, réduire la pénibilité au travail, limiter les accidents – et donc les absences – contribuent à réduire les coûts opérationnels.

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C’est de plus un gage de pérennité. En effet, la continuité de l’activité du groupe dépend étroitement de la qualité de ses relations avec les petits planteurs – qui assurent son approvisionnement agricole à hauteur de 60 %. L’accès aux matières premières étant un enjeu capital, il est en outre essentiel de nouer des relations de confiance avec les communautés locales à proximité des sites de production. Sifca est par ailleurs tributaire du respect de l’environnement, qui conditionne sa production agricole.

Le groupe s’est engagé depuis 2007 dans une démarche de développement durable et de responsabilité sociétale.

Cette tribune est adaptée du témoignage de Franck Eba, publié par Secteur Privé & développement, le blog de Proparco, filiale de l’Agence française de développement. Ce texte est repris ici avec l’autorisation expresse de SP&D. Retrouvez sur le site de SP&D la version complète de ce témoignage. Découvrez également sur ce blog de nombreux retours d’expériences d’opérateurs du secteur privé sur leurs solutions aux problématiques auxquelles ils sont confrontés dans les pays en développement.

Résultats

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Nous avons engagé ses efforts dans l’amélioration des conditions de travail et de vie de ses travailleurs. Sifca s’est par exemple appliqué à réduire la fréquence et la gravité des accidents du travail (le taux de gravité a été divisé par trois par rapport à 2008) en adaptant les équipements et en sensibilisant ses équipes aux risques majeurs liés au métier.

Nous avons également fait de la lutte contre le paludisme et contre le sida une priorité. Ainsi, 1 117 jours d’absence ont été évités grâce à ses actions de lutte contre le paludisme. Toutes les filiales du groupe disposent désormais de centres de dépistage.

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Les actions ciblent également les planteurs, qui sont plus de 93 000 à vendre leur production d’hévéa, de canne à sucre et de palmier à huile au groupe. La filiale SAPH (hévéa) a par exemple mis en place un « plan d’épargne planteur » ainsi qu’une assurance maladie spécifique ; pour un montant d’environ 6 560 francs CFA (10 euros) par mois prélevé directement sur la production, le planteur et sa famille bénéficient d’une couverture maladie qui couvre 80 % des frais médicaux.

Sur le plan environnemental, Sifca a adopté une charte dans laquelle elle s’engage à assurer le traitement des effluents liquides et la gestion raisonnée des déchets solides, l’amélioration de la qualité des émissions atmosphériques, l’utilisation raisonnée des produits phytosanitaires et autres produits chimiques.

Des actions ont notamment été mises en oeuvre pour mieux maîtriser la consommation d’énergie. Sa filiale Sania, spécialisée dans la raffinerie d’huile, s’est engagée dans un projet de Mécanisme de développement propre consistant à remplacer le gaz naturel par de la biomasse issue du bois d’abattage d’hévéa et des coques de graines pour produire de l’électricité dans la nouvelle chaudière de la raffinerie d’huile de palme. Ce projet a permis d’enregistrer, en 2013, 14 724 tonnes de CO2 de crédits carbone et de réaliser une économie notable en coût d’électricité de plus de 500 millions de F CFA (765 000 euros).

Autre initiative innovante : la construction de logements pour les travailleurs en briques de terre comprimée et stabilisée (BTC) qui ont de bonnes capacités thermiques et s’imbriquent sans ciment. Ce projet a permis au groupe de réduire son empreinte écologique tout en réalisant une économie de 2 milliards de FCFA (3 millions d’euros).

L’appropriation, un facteur de succès

L’expérience de Sifca montre que la réussite d’une démarche RSE dépend largement de sa bonne appropriation à tous les niveaux de management de l’entreprise et de la qualité des relations nouées avec les communautés locales.

Pour mobiliser les collaborateurs sur ces sujets et convaincre les nombreux réfractaires au changement, un important travail de sensibilisation et de formation doit être mené en interne.

Des indicateurs de résultats de RSE ont été pris en compte dans l’évaluation et la rémunération des maangers.

L’implication et la responsabilisation des directeurs de chaque filiale dans la structuration de la démarche RSE a par ailleurs contribué à une meilleure appropriation : ils ont participé à la définition de la stratégie et proposé des actions à mettre en place dans leur entreprise. Un autre élément décisif dans la mobilisation des managers a été la prise en compte d’indicateurs de résultats de RSE (lutte contre le sida, taux de fréquence et de gravité des accidents, etc.) dans leur évaluation et leur rémunération.

Proximité et confiance

Aussi, la démarche RSE n’est pas toujours bien comprise et considérée par certains comme une « affaire d’occidentaux ». L’ancrage local est un autre élément décisif de réussite : il est préférable que l’initiateur de la démarche soit une personne locale et « de l’intérieur » – ancrée dans le pays et dans l’entreprise. La proximité entre ceux qui insufflent le changement et ceux qui ont pour mission de le mettre en oeuvre est cruciale.

Il est essentiel de construire une relation de proximité et de confiance avec les communautés locales et de veiller à leur acceptabilité des activités du groupe et des projets engagés. Des comités de liaison ont été créés pour que Sifca puisse régulièrement les consulter sur la pertinence, la faisabilité des projets et pour faire des bilans de cette coopération. Leurs représentants sont les interlocuteurs privilégiés des directeurs de sites.

Les mesures implémentées par Sifca favorisent le développement et l’attractivité du groupe.

Action complémentaire

Outre les bénéfices pour les employés, pour les communautés locales et pour l’environnement, les mesures implémentées par Sifca favorisent le développement et l’attractivité du groupe. Elles ont contribué à améliorer sa réputation du groupe et l’ont aidé à renouer avec la confiance des actionnaires et des bailleurs de fond.

Mais le contexte national ivoirien dans lequel s’inscrit Sifca ne facilite pas la mise en oeuvre et le développement de sa démarche RSE. Il n’existe pas de mesures incitatives à de telles politiques et les coûts de mise en oeuvre – très élevés – doivent donc intégralement être portés par l’entreprise, dans un contexte de marché très compétitif.

Enfin, il existe peu d’experts locaux pour accompagner la démarche RSE des entreprises africaines, ce qui oblige à faire appel à des experts internationaux coûteux et peu sensibilisés aux spécificités locales.

La récente loi sur le développement durable, adoptée à l’unanimité le 26 mai 2014 par le parlement ivoirien, ouvre néanmoins de nouvelles perspectives pour la RSE en Côte d’Ivoire. Mais les entreprises seules ne pourront répondre aux attentes des populations. Seule une action complémentaire de tous les acteurs, publics et privés, permettront de relever les défis de développement dans les pays d’Afrique subsaharienne.

Sifca est un acteur agro-industriel majeur (hévéa, huile de palme et canne à sucre) en Afrique de l’Ouest. À travers ses dix filiales, Sifca est présent en Côte d’Ivoire, au Libéria, au Ghana, au Nigéria, au Sénégal et en France, et compte plus de 30 000 employés.

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