Les entreprises françaises en prospection offensive de « l’eldorado » nigérian
Trois semaines après la visite de Muhammadu Buhari à Paris, une trentaine d’entreprises françaises, dont certaines découvrent le Nigeria, sont venues vendre le savoir-faire hexagonal dans la première économie d’Afrique. Si pour elles les opportunités sont immenses, l’environnement des affaires et les exigences de production locale sont aussi des défis.
Le Nigeria est le premier partenaire commercial de la France en Afrique subsaharienne, avec 5,6 milliards d’euros d’échanges annuels (dont 1,51 milliard d’euros d’exportations françaises). Du point de vue nigérian, en revanche, la Chine arrive en tête, devant l’Inde, le Brésil et les Etats-Unis.
C’est donc dans l’objectif de renforcer les positions françaises qu’une trentaine d’entreprises se sont rendues au Nigeria du 04 au 06 octobre, attirées par un marché domestique de plus de 175 millions d’habitants et un niveau de croissance du PIB à faire pâlir bon nombre de pays développés (environ 6 à 7 % par an sur la dernière décennie).
Dynamisme
« C’est un eldorado », a résumé en arrivant à Abuja Pierre Gattaz, le président du Medef, le principal syndicat patronal français, insistant sur le dynamisme démographique, le développement économique et la stabilité démocratique de ce pays qui a vécu sans encombres l’accession au pouvoir du Congrès progressiste (APC), le parti d’opposition conduit par Muhammadu Buhari.
Interrogé sur les objectifs de ce voyage, en terme de contrats notamment, le patron des patrons français évoque « un voyage d’exploration », reconnaissant que le pays anglophone, géant d’Afrique de l’Ouest (près 80 % du PIB de la CEDEAO), est mal connu des entreprises françaises.
Diversité
Si de grands groupes français déjà présents au Nigeria comme Total (exploration et production pétrolière), Bolloré Africa Logistics (port de Lagos) ou encore Bouygues (construction du centre commercial de Jabi Lake à Abuja) s’affichaient parmi les membres de la délégation, de nombreux entreprises découvraient le pays à l’instar de l’éditeur de logiciels Dassault Systèmes, du constructeur naval DCNS, ou encore du groupe de construction Sogea-Satom (même si d’autres filiales de sa maison-mère Vinci comptent des opérations dans le pays).
Des entreprises aux métiers divers allant de l’électronique à l’archivage en passant par la formation ont fait le déplacement. « Les opportunités sont très nombreuses, l’économie du pétrole représente seulement 15 % du PIB [mais 70 % des recettes de l’État et 90 % des revenus à l’export] contre 52 % pour les services », souligne de son côté l’ambassadeur de France au Nigeria, Denys Gauer.
Chaleureux
Avant de se rendre à Lagos, cœur économique du pays, un comité restreint – comprenant uniquement des représentants du Medef et du CAC40 – a rencontré Muhammadu Buhari à Abuja. « Au delà de l’économie locale, le président veut développer les relations du Nigeria avec ses voisins, qui sont essentiellement francophones », a déclaré Pierre Gattaz après cette rencontre qualifiée de « chaleureuse ». « Dans ce sens, la France, dont l’implication dans le combat contre Boko Haram est très bien perçue ici, peut être un lien non seulement pour la langue mais aussi pour le business car nos entreprises ont une longue expérience de l’Afrique », a-t-il ajouté.
Durant cette rencontre, rapportent les patrons français, le président Muhammadu Buhari a insisté sur les besoins du Nigeria en matière d’industrie, de mines, de sécurité mais aussi d’agroalimentaire – un secteur phare où l’excellence française est reconnue mais dont la délégation ne comptait aucun représentant.
Production locale
« Le président a également longuement insisté sur sa lutte contre la corruption et les vols dans l’industrie du pétrole, a rapporté l’ambassadeur Denys Gauer. Il a aussi beaucoup parlé du local content, la production locale de marchandises. »
Le Nigeria cherche à développer sa production locale, à la fois dans les domaines agricoles et manufacturier, mais aussi à réduire ses importations et favoriser l’emploi. « Au delà des marchés importants du pays, ces exigences peuvent être un frein pour certaines entreprises qui proposent uniquement des produits d’export et ne se sentent pas concernées par ces priorités», glissait à l’issue du voyage un membre de la délégation.
Le pays reste également miné par des niveaux très élevés de corruption, que le président Buhari a désigné comme une priorité de son mandat, avec la lutte contre Boko Haram dans le nord-est du pays.
« L’Afrique n’est pas un paradis, partout l’environnement y est moins sécurisé que dans les pays occidentaux, a répondu à ce sujet Dominique Lafont, ancien directeur de Bolloré Africa Logistics récemment passé chez le capital-investisseur KKR. L’essentiel de l’activité économique est sur la côte, c’est à Lagos que les entreprises veulent être. »
Déterminé à explorer toutes les pistes de la croissance des entreprises françaises sur le continent, le président du Medef, qui effectuait au Nigeria sa première mission en Afrique subsaharienne, souhaitait également se rendre au Bénin – un détour annulé en raison d’incompatibilités d’agenda. Il prévoit en revanche de conduire au deuxième trimestre 2016 une délégation d’entreprises en Côte d’Ivoire, « un marché plus restreint que le Nigeria, avec environ 20 millions d’habitants, mais très intéressant également», rappelle Pierre Gattaz.
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