Le réveil de l’Ile de Mozambique, ancienne capitale coloniale portugaise
Oubliée pendant un siècle, l’Ile de Mozambique renaît aujourd’hui peu à peu de ses cendres. L’ancienne capitale de la colonisation portugaise en Afrique de l’Est, classée au patrimoine mondial de l’Unesco retrouve son faste d’antan grâce à l’implication d’investisseurs privés qui s’attaquent à sa restauration.
« Lorsque mes parents sont arrivés dans cette maison, il y a 21 ans, elle était encore en bon état. Aucune partie ne s’était écroulée, on pouvait encore vivre à l’étage », explique Edrisse N’Serere, un guide touristique de 27 ans qui vit dans une maison en ruines.
Si la structure laisse deviner une vaste bâtisse coloniale portugaise, il n’en reste que les pierres et sa famille vit à même le sol, dans des conditions précaires.
« Mes parents sont en train de vendre (cette maison) à un Néerlandais pour 1 million de meticals (25 000 euros) », se réjouit le jeune homme, visiblement soulagé.
Comme bien des ruines de l’Ile de Mozambique, sa maison devrait être rénovée de fond en comble par un étranger tombé sous le charme de cet endroit ambivalent.
L’histoire de cette bande de terre de moins de deux kilomètres carrés, reliée au rivage par un pont de trois kilomètres, est celle d’une longue déliquescence.
Découverte par les navigateurs portugais en 1498, sa position stratégique en a fait une place forte de l’Océan indien aux temps du commerce de l’or, de l’ivoire et du trafic d’esclaves.
Mais en 1898, elle cède son statut de capitale à Maputo, située quelque 2 000 km plus au sud, plus proche des mines d’or sud-africaines. Depuis, la dégradation de cette ville construite en pierre et en chaux aux couleurs pastels a été aggravée par le départ en masse des colons portugais à l’indépendance du pays, en 1975.
Classée au patrimoine de l’Unesco depuis 1991, l’Ile de Mozambique connaît un nouveau souffle assez récent. Des maisons particulières et des monuments ont été rafraîchis, la voirie a été refaite à neuf et d’anciennes maisons délabrées accueillent désormais restaurants et chambres d’hôtes.
Un million de dollars pour rénover une maison
« Ces derniers temps, ce sont surtout des investisseurs privés qui arrivent. Le temps béni des fonds européens est terminé, donc on a plutôt des gens qui veulent investir dans des maisons secondaires avec piscines, ou des promoteurs », explique Yorick Houdayer, un architecte français installé au Mozambique depuis 20 ans et qui dirige la rénovation des anciennes douanes transformées en complexe immobilier.
La mairie voit ces investissements d’un bon oeil car il faut compter « un million de dollars pour restaurer une maison en ruines » et que « personne d’autre n’a cet argent », selon Saide Gimba, le maire de l’Ile de Mozambique.
De fait, le budget de la ville alloué à la restauration est inexistant et l’Unesco a dû fermer ses bureaux en 2012 par manque de fonds.
Et « le type d’intervention nécessaire, qui doit respecter les règles du patrimoine et utiliser les matériaux originels, est beaucoup trop coûteux pour la majorité des habitants de l’île », complète Claudio Diamantino, le directeur du Cabinet de conservation de l’Ile de Mozambique (GACIM).
Cet organisme est chargé de surveiller les travaux de rénovation opérés sur les 400 bâtiments classés que comptent le quartier historique.
La plupart des investisseurs viennent d’Europe ou de Maputo, alors que sur les plages du sud du pays, la très grande majorité des infrastructures hôtelières sont détenues par des Sud-africains.
Si la population locale est globalement bienveillante face à l’arrivée de ces étrangers qui créent des emplois, certains craignent néanmoins que l’île soit à nouveau divisée comme au temps des Portugais.
« Au bout d’un moment, tous les locaux auront quitté le centre historique pour venir dans les quartiers (pauvres) Macuti, car tous les édifices auront été racheté par des touristes » dans le vieux centre, juge Edrisse N’Serere.
Reconnaissables par leurs toits en branches de palmiers, en « macuti », ces quartiers pauvres qui occupent la moitié sud de l’île abritaient autrefois les esclaves et sont souvent situés en-dessous du niveau de la mer.
« Au moment de la saison des pluies [de décembre à mars], l’eau s’y accumule et ne peut pas s’évacuer, ce qui amène le paludisme et le choléra », juge Edrisse N’Serere.
L’Ile est loin d’être débordée de touristes. Elle en a accueilli 5 000 en 2014 et reste un secret bien gardé des amoureux de vieilles pierres.
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