Les pratiques financières de MTN mises en cause, la filiale ivoirienne concernée
« Finance Uncovered », un réseau de journalistes issus de plus de 55 pays à travers le monde, a constaté que le leader africain des télécoms a transféré des centaines de millions de dollars vers une de ses filiales basée à Maurice, une simple boîte postale sans employés. MTN se défend.
D’après un communiqué de « Finance Uncovered » rendu public le 9 octobre, après deux années d’investigation, les filiales de MTN dans quatre pays (Côte d’Ivoire, Ghana, Nigeria, Ouganda) auraient versé plusieurs centaines de millions de dollars sur plusieurs années à des sociétés offshore basées à Dubaï et à Maurice.
MTN Ouganda a ainsi payé 3 % de son chiffre d’affaires entre 2003 et 2009 et MTN Côte d’Ivoire 5 % de ses revenus 2013 (55,5 millions de dollars) à MTN International basé à Maurice au titre des frais de gestion. Au Ghana, 9,64 % du chiffre d’affaires de la filiale aurait été payé au titre des frais de gestion et des frais techniques à MTN Dubai, dont une partie a ensuite été reversée à MTN International. MTN Nigeria a quant à elle payé 562 millions de dollars à MTN Dubai entre 2010 et 2013.
Ces paiements ont réduit d’autant les profits des filiales et les impôts à payer.
MTN International, la filiale à Maurice, n’emploie aucun salarié.
Frais de gestion
« À aucun moment, MTN n’a été trouvée impliquée dans un plan visant à aider l’entreprise à se soustraire à ses responsabilités juridiques et fiscales, dans aucune des juridictions où nous exerçons nos activités », a souligné le groupe sud-africain dans un communiqué.
D’après les éléments complémentaires fournis par MTN, les filiales du groupe en Afrique et au Moyen-Orient payent chaque année des frais de gestion, 45 % allant vers MTN Dubai et 55 % à MTN International.
Dans les multinationales, la pratique qui consiste à payer des frais (gestion, marque, etc) à la société holding est habituelle et généralement légale, mais soumise à une vigilance particulière. Cette technique peut en effet être utilisée pour transférer les bénéfices à l’étranger (en général vers un pays aux taux d’imposition légers) et diminuer son imposition dans des pays à la fiscalité plus lourde.
Dans le cas de MTN, le paiement à MTN Dubai ne semble guère surprenant : cette structure basée dans la capital émiratie emploie en effet 115 personnes qui fournissent des services partagés pour le groupe. En revanche, MTN International, sa filiale à Maurice, n’emploie aucun salarié.
D’après le groupe de télécoms, cette structure a été créé à une époque où des contraintes de change en Afrique du Sud rendaient compliqué le financement de la croissance du groupe hors de son pays. Depuis, MTN International a en effet régulièrement émis des emprunts internationaux pour le groupe.
Maurice
Si, d’après « Finance Uncovered », MTN International reverse un pourcentage des sommes perçues à plusieurs entreprises du groupe en Afrique du Sud, une partie resterait à Maurice. MTN a refusé de dire combien exactement. « Finance Uncovered » précise que MTN a « été incapable d’expliquer la raison pour laquelle les paiements sont effectués à Maurice en premier », une structure sans employés, et non directement au siège en Afrique du Sud.
Le groupe de journalistes affirme par ailleurs qu’un certain nombre de pays africains contestent les paiements offshore réalisés par les filiales de MTN. Les autorités ougandaises auraient ainsi présenté à MTN une facture fiscale conséquente (69 millions de dollars), en grande partie en lien avec les frais de gestion versés pendant 6 ans.
Fin juin, MTN comptait 231 millions abonnés dans le monde, dont 169 millions en Afrique.
L’enquête de Finance Uncovered a été publié dans trois journaux : le Mail and Guardian en Afrique du Sud, l’Observer en Ouganda et le Ghana Business News.
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