Investissements étrangers : un recul en trompe l’oeil
Les investissements directs étrangers sur le continent ont chuté en 2011. Principalement dans le Nord, après le Printemps arabe, note la Cnuced, qui souligne en revanche leur forte progression au sud du Sahara.
L’Afrique n’est-elle donc pas la dernière terre d’investissements de la planète ? Les experts et consultants des cabinets les plus prestigieux se sont-ils trompés en vantant aux patrons de multinationale l’énorme potentiel du continent ? Non. Car c’est la seule Afrique du Nord (- 51,1 %) qui a pénalisé le continent en 2011, payant cash le prix du Printemps arabe.
L’Égypte a été frappée de plein fouet. Locomotive africaine d’ordinaire, avec une moyenne de 8 milliards de dollars d’IDE par an depuis le milieu des années 2000, le pays a enregistré en 2011 un flux négatif d’investissements de près de 483 millions de dollars (des entreprises étrangères ont rapatrié leurs capitaux).
Dans un contexte comparable, la Tunisie a mieux que résisté en maintenant son flux d’IDE à 1,1 milliard de dollars en 2011, contre 1,5 milliard en 2010. Si ce chiffre est loin du pic de 2006 (3,3 milliards de dollars d’IDE), « c’est un niveau élevé pour un pays de cette taille », insiste Quentin Dupriez, l’un des auteurs du rapport.
right;" height="234" width="350" />De leur côté, Alger et Rabat ont vu leurs flux nets d’IDE retrouver leurs niveaux d’avant la crise de 2008. Entre 2010 et 2011, les investissements directs étrangers au Maroc ont grimpé de 1,6 à 2,5 milliards de dollars, même si les flux entrants ont lourdement chuté en 2011 (lire l’encadré). En Algérie ils sont passés de 2,3 à 2,6 milliards de dollars. Une prime à la stabilité politique ?
Explications : les IDE ont-ils baissé ou augmenté au Maroc en 2011 ?
Selon la Cnuced, les flux d’investissements étrangers ont augmenté au Maroc en 2011. Selon un article publié sur ce site, citant l’Agence marocaine des investissements (AMDI), ils ont baissé. Divergence réelle ou simple effet d’optique ? Pour comprendre, il faut clairemenent différencier les méthodes employées par la Cnuced et les différentes agences nationales d’investissement. Certaines, parmi ces dernières, prennent en compte les annonces d’investissement : Amina, qui fédère les agences d’investissement méditerranéennes, fonctionne ainsi.
L’AMDI comme la Cnuced se basent sur les chiffres de l’Office des changes : ne sont pris en compte, donc, que les flux réels. Mais notre article (visible ici), qui annonce une chute des investissements au Maroc, met en avant la très forte baisse des seuls flux entrants d’investissements étrangers. La Cnuced, de son côté, parle de flux nets, c’est-à-dire le solde des entrées d’investissement moins les sorties.
Au Maroc, en 2011, les flux entrants ont donc lourdement chuté mais la baisse des flux sortants ont permis au pays d’afficher – chiffres Cnuced – une hausse des flux d’IDE (nets).
F.M.
Pétroliers
Une prime en tout cas bien maigre par rapport aux chiffres enregistrés au sud du Sahara. Les IDE s’y sont envolés (+ 25 %) à 36,9 milliards de dollars l’an dernier, approchant le record de 2008 (37,3 milliards). « Une augmentation continue du prix des matières premières et un contexte économique favorable en Afrique subsaharienne figurent parmi les facteurs ayant contribué à ce redressement », explique le rapport.
De fait, les investissements dans les matières premières dominent (25 % environ), devant les télécoms, l’énergie, l’immobilier, le commerce et l’industrie. Ce n’est donc pas un hasard si les États pétroliers sont majoritaires parmi les cinq premiers pays destinataires des IDE en 2011 (voir ci-dessus). De nouveaux ou futurs producteurs de pétrole (Ouganda, Kenya…), de gaz ou de charbon (Mozambique) devraient être à l’honneur dans les années à venir, au regard de leur important potentiel en cours d’exploration.
Les ressources naturelles sont donc un atout non négligeable. Mais pour les pays qui n’en disposent pas, il n’y a pas de fatalité. Profitant de sa situation géographique et de son port, le Bénin attire ainsi chaque année plus de 100 millions de dollars d’IDE (118,5 millions en 2011). Tendance identique pour le Cap Vert ou le Rwanda. Ce dernier dépasse également 100 millions de dollars d’IDE annuels depuis 2008 (sauf en 2010), alors qu’il en attirait moins de 10 millions en moyenne entre 2000 et 2005. « C’est la preuve qu’une politique de réformes et d’intégration régionale a un impact », insiste Quentin Dupriez.
Et demain ? « Les perspectives africaines sont plutôt bonnes pour 2012 ainsi que pour les deux prochaines années », estime-t-il. Le continent pourrait même atteindre ou dépasser dès cette année son pic de 2008 (57,8 milliards de dollars). « Tout dépendra de la situation politique en Afrique du Nord, notamment en Égypte. Le potentiel économique du pays ne se reflète pas dans les chiffres actuels, note Dupriez. La tendance s’inversera rapidement dès que les investisseurs se sentiront rassurés. »
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