Nanno Kleiterp : « les Pays-Bas ne sont pas une puissance dominante, et cela plaît en Afrique »

Chargée de financer le secteur privé, la banque néerlandaise de développement FMO a injecté 456 millions d’euros sur le continent en 2011. Son directeur général détaille les modes d’action de cette institution devenue incontournable.

Nanno Kleiterp, directeur général du FMO. © FMO

Nanno Kleiterp, directeur général du FMO. © FMO

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 16 juillet 2012 Lecture : 6 minutes.

SFI, FMO, Proparco, DEG, CDC… Derrière ces acronymes barbares, autant d’institutions internationales dont le poids va croissant en Afrique. Leur rôle ? Financer le secteur privé, tandis que les grandes agences de développement s’occupent des donations, des aides et des prêts au secteur public. Le FMO (pour Financierings-Maatschappij voor Ontwikkelingslanden, soit « Société de financement pour les pays en développement ») n’est pas le plus connu de ces acteurs, mais il est devenu l’un des plus dynamiques en Afrique.

Discrètement, il a participé dès les années 1990 aux premiers pas de Bank of Africa, mettant en place à cette occasion ce qui fut sans doute l’un des tout premiers prêts convertibles sur le continent. Il est aujourd’hui au tour de table du groupe Afriland First Bank, entre autres participations. Surtout, il reste très apprécié de nombreux entrepreneurs africains pour sa capacité à soutenir techniquement et opérationnellement les entreprises. Rencontre avec son directeur général, Nanno Kleiterp.

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Propos recueillis à La Haye par Frédéric Maury.

Jeune Afrique : Nos lecteurs connaissent mal le FMO. Pouvez-vous nous présenter cette institution ?

Nanno Kleiterp : Le FMO a été créé en 1970. Nous sommes une banque de développement, ce qui signifie que nous prenons davantage de risques qu’une banque classique en matière de crédits et de types d’entreprises. Nous avons près de 6 milliards d’euros d’actifs et nous investissons chaque année 1,3 milliard d’euros. Nos secteurs prioritaires sont la finance, l’énergie et l’agrobusiness, nous intervenons en Amérique latine, en Asie et en Afrique.Cliquez sur l'image.#000000; float: left;" height="624" width="250" />

Que représente l’Afrique pour le FMO ?

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Environ 30 % de notre activité, avec près de 2 milliards d’euros en portefeuille. C’est la zone qui grossit le plus vite. En 2011, nous avons consacré 456 millions d’euros à l’Afrique [contre 281 millions en 2010, NDLR], soit 35 % de nos nouveaux investissements.

Comment vous situez-vous par rapport aux autres institutions financières de développement ?

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Après la SFI [Société financière internationale, filiale de la Banque mondiale], nous sommes l’une des principales. En Europe, en tout cas, nous sommes la plus importante [en 2011, Proparco, filiale de l’Agence française de développement, a investi 503 millions d’euros en Afrique et au Moyen-Orient].

Qui sont vos actionnaires ?

Le FMO est détenu à 51 % par le gouvernement néerlandais et à 49 % par des banques et institutions privées.

Dépendez-vous directement du gouvernement ?

Non, nous appliquons les meilleures pratiques en matière de gouvernance, ce qui se traduit par une séparation claire entre les actionnaires et le conseil de surveillance. Ce dernier ne compte pas de représentant direct du gouvernement. Tous les projets menés le sont par le management, et les nominations ainsi que la stratégie du FMO sont définies par le conseil de surveillance.

Le fait que les Pays-Bas ne soient pas une ancienne puissance coloniale en Afrique est-il une opportunité ou un frein à vos activités ?

Nous pensons que c’est une opportunité, car nous sommes considérés comme plus neutres, sans lien politique. Dans certains pays francophones, des entreprises préfèrent travailler avec le FMO. Nous sommes un petit pays, pragmatique, pas une puissance dominante, et cela plaît à beaucoup de compagnies.

Le nombre d’entreprises néerlandaises actives sur le continent est relativement limité. Ont-elles un intérêt pour l’Afrique ?

Oui. Heineken se développe au Nigeria mais aussi au Rwanda. Rabobank a été très actif ces dernières années au Mozambique, en Tanzanie… Unilever et Shell sont également opérationnels en Afrique. Les multinationales ont compris que les profits étaient supérieurs sur le continent.

Et les PME ?

Moins, même si elles sont sensibles à la croissance élevée du continent. Mais nous sommes surtout un pays de négoce et de services. Donc les PME néerlandaises sont actives en Afrique, mais moins en termes d’investissement.

Quelle est selon vous la fonction des institutions de développement occidentales ?

C’est de prendre les risques que les banques ne peuvent pas prendre. Nos objectifs sont de favoriser la croissance, de réduire la pauvreté, et tout cela d’une manière soutenable. Nous essayons aussi de promouvoir la bonne gouvernance, qui est positive pour l’économie. Nous veillons enfin aux aspects sociaux et environnementaux. Mais il ne s’agit pas de moralité ni de promotion de la politique néerlandaise.

La crise économique en Europe provoquera-t-elle une réduction des actions des institutions comme la vôtre ?

Non, je ne crois pas. Nous ne coûtons rien à l’État. Au contraire, nous lui rapportons chaque année de l’argent. En revanche, nous envisageons une réflexion sur la possibilité d’aider davantage les PME néerlandaises à bénéficier de la croissance dans les pays émergents et des actions du FMO.

Comment analysez-vous la croissance de l’influence chinoise et comment vous y adaptez-vous ?

Cliquez sur l'image.right;" height="236" width="150" />Cela a beaucoup d’effets positifs, en matière d’infrastructures et d’exportations notamment. Bien que nous ayons formé sur des questions environnementales des employés de la China Development Bank et que nous soyons en contact avec eux, nous ne travaillons pas directement avec les Chinois en Afrique, car ce sont souvent des relations d’État à État. Nous aimerions le faire davantage, mais nous n’avons pas encore trouvé la façon de le faire.

Il n’y a aucune contradiction entre performance financière et développement.

Quel est le principal défi des entreprises africaines ?

L’énergie est un point très important. Le cadre légal est souvent défaillant, mais certains pays sont meilleurs dans ce domaine, comme le Kenya. L’accès au financement est également central, tout comme l’élévation du niveau de formation.

Les marchés de capitaux africains sont largement sous-développés. Menez-vous des actions en leur faveur ?

Nous avons mis en place il y a quelques années des garanties pour des emprunts en monnaie locale. Nous poussons aussi au développement des fonds de pension, qui sont des investisseurs à long terme, et soutenons les équipes de capital-investissement. Nous avons enfin participé à la création de la Bourse de Douala, mais ce n’est pas vraiment notre plus grand succès… Ce qui manque, de manière générale, c’est de l’épargne de long terme.

Vous investissez directement dans les fonds propres des entreprises. Que représente ce moyen d’intervention ?

Sans doute un peu plus d’un quart de notre activité en Afrique. Nous aidons au développement local du capital-investissement et au financement des premiers fonds.

Les objectifs de rentabilité dans l’investissement en fonds propres sont-ils compatibles avec le développement ?

Dans l’activité de capital-investissement, le FMO lui-même a gagné en moyenne de 15 % à 20 % par an en Afrique depuis dix ans, ce qui est comparable avec nos réalisations en Asie et en Amérique latine. Ces objectifs ainsi que ceux des fonds de capital-investissement sont compatibles avec la notion de développement. Nous pensons d’ailleurs qu’il n’y a aucune contradiction entre la performance financière et le développement. Nous évaluons chaque année nos investissements et constatons que 70 % à 80 % des entreprises qui ont un impact important en matière de développement réalisent de solides profits. Il est important que nous montrions au reste du monde, et notamment aux entreprises, que l’on peut réaliser des investissements rentables en Afrique.

Les PME néerlandaises pourraient bénéficier davantage de la croissance des pays émergents.

Vous arrive-t-il d’investir dans des entreprises basées dans des paradis fiscaux ?

Nous regardons si elles paient correctement leurs impôts dans les pays où elles opèrent. Nous effectuons des opérations de due diligence [audit préalable] en ce sens.

Comment surveillez-vous les risques en matière de blanchiment d’argent ?

Nous essayons de limiter le risque, mais ce n’est pas du 100 %. Nous avons une politique très stricte de « know your customer ». Mais pour les entreprises qui ont beaucoup d’actionnaires, nous n’enquêtons que sur ceux qui disposent de plus de 10 % du capital.

Quelles entreprises africaines êtes-vous fier d’avoir financées ?

L’opérateur télécoms Celtel [racheté depuis par Zain], évidemment. Ou Bank of Africa. Lorsque nous avons investi dans cette banque, elle avait un total de bilan de 10 millions de dollars [environ 8 millions d’euros]. Il est de 4 milliards de dollars aujourd’hui.

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