Est-ce le bon chemin ?

Passons ensemble, si vous le voulez bien, du particulier au général. Le particulier sera cette semaine le Burkina. Il nous donne l’impression d’être « revenu dans le droit chemin ». Est-ce vraiment le cas et pour combien de temps ? Le général sera le continent africain dans son ensemble : comment se porte-t-il et où va-t-il ?

Dans les rues de Ouagadougou, le 22 septembre 2015 © Théo Renaut/AP/SIPA

Dans les rues de Ouagadougou, le 22 septembre 2015 © Théo Renaut/AP/SIPA

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  • Béchir Ben Yahmed

    Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.

Publié le 15 octobre 2015 Lecture : 5 minutes.

Il a cessé d’être cette quantité négligeable dont on ne parle qu’avec gêne ou commisération pour devenir un sujet d’étude : que disent du continent africain et de son évolution ceux qui le scrutent à la loupe ?

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1) Le Burkina

Est-il sorti de la zone de turbulences où l’a fait entrer, il y a un an, son président de l’époque, Blaise Compaoré ?

Je ne le pense toujours pas.

En décidant de rester au pouvoir au-delà du terme imparti, en se lançant dans le processus de mise en œuvre de sa décision, Blaise Compaoré a fait, en octobre 2014, une mauvaise lecture de l’âme de son pays. Et, sans le vouloir, il a mis un terme à la très longue période de stabilité (vingt-sept ans) qu’il lui avait apportée.

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Le Burkina s’est donc mis en mouvement, et nul ne sait combien de temps durera cette phase.

Mgr Paul Ouédraogo, président de la Conférence épiscopale du Burkina Faso, vient de rappeler avec beaucoup de justesse qu’il y a « une singularité burkinabè » :

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« Nous n’avons jamais supporté longtemps l’autoritarisme. Toute l’histoire de notre pays, après l’indépendance, est rythmée par les mobilisations populaires contre les dérives autoritaires.

Le poids des syndicats est considérable dans notre pays. Ils sont capables de s’organiser pour monter des manifestations importantes. Il y a aussi l’émergence de la société civile. Enfin, les pouvoirs coutumiers et religieux militaient pour l’alternance politique.

Lorsque toutes ces forces se liguent pour un même objectif, rien ne leur résiste. »

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Ce même Burkina sort tout juste du coup d’État conçu et exécuté à la mi-septembre par des officiers de son régiment de sécurité présidentielle (RSP). Ce coup d’État, qui n’aura tenu que sept jours, est – notez-le – le septième que ce pays a connu au cours du dernier demi-siècle.

Ce putsch est aujourd’hui derrière nous. Mais, au Burkina, l’humeur dominante n’est pas à la réconciliation ; elle est au règlement de comptes.

Évêque puis archevêque, figure de proue de l’Église catholique du Burkina, le même Paul Ouédraogo l’a dit lui-même, le 5 octobre, haut et fort :

« Il va falloir enquêter sur les dessous de ce coup d’État. Qui sont les commanditaires ? Qui sont les complices ? Et qui sont les financiers ? Toute la lumière doit être faite sur ces trois points.

Notre pays est rongé par la corruption et l’impunité. Il faut s’en préserver. »

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2) Le continent africain

Le développement économique et la santé générale de l’Afrique dépendent désormais, bien plus que lorsqu’elle était en stagnation, de ce qui se passe dans le reste du monde.

Or le Fonds monétaire international (FMI) nous annonce deux mauvaises nouvelles :

Le PIB mondial augmentera moins que prévu : 3,1 % seulement cette année, soit 2 % pour les pays développés et 4 % pour les pays émergents.

Moteur principal de la croissance mondiale et premier partenaire de l’Afrique, la Chine verra la progression annuelle de son PIB se situer à 6,8 %, soit une diminution brutale de l’ordre de 30 % par rapport aux « trente glorieuses » de ce pays.

Pour la croissance africaine, cela entraîne une décélération certaine : le 4 % annuel lui-même n’est plus assuré.

L’indice Mo Ibrahim de la gouvernance africaine indique de son côté que cette gouvernance ne s’est guère améliorée au cours des dernières années :

« Les Africains sont en meilleure santé et vivent dans des sociétés plus démocratiques qu’il y a quinze ans. Mais l’évolution récente sur le continent dans d’autres domaines clés est soit au point mort, soit en déclin, et certains pays majeurs semblent marquer le pas. C’est un signal d’alarme pour chacun d’entre nous. »

Ancien ministre ivoirien, Tidjane Thiam, désormais président du Crédit suisse, nous alerte sur la folie de certains gouvernements africains qui empruntent en devises pour financer les infrastructures de leurs pays : « Il est impératif de doter les pays africains de routes, de ponts, d’énergie, d’eau potable, dit M. Thiam. Mais c’est l’épargne intérieure qui doit les financer. »

Il joint ainsi sa voix à celle du FMI, qui met en garde les dirigeants africains contre le retour à un endettement extérieur inconsidéré et excessif.

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Venons-en maintenant au positif : il existe, il est important et de nature à conforter l’optimisme sur l’avenir à long terme du continent africain.

C’est le nouveau président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, qui l’incarne : un mois après son entrée en fonction, il a rendu public l’axe principal de son action pour les cinq prochaines années.

M. Adesina est formel : le déficit en énergie effectivement utilisée par les citoyens et les entreprises est le principal obstacle au développement économique du continent africain.

En 2014, l’Espagne a produit plus d’électricité que l’ensemble du Sud-Sahara et deux tiers des Subsahariens, soit près de 600 millions de personnes, n’ont pas un accès régulier à l’électricité.

Cette anomalie peut et doit disparaître dans un délai de dix ou quinze ans : cela permettra à l’Afrique de créer des milliers de petites entreprises et d’entamer son industrialisation.

L’investissement de base requis pour cet immense chantier a été évalué à 55 milliards de dollars, que la BAD se fait fort de rassembler ; il sera complété par l’apport intérieur et extérieur de capitaux privés.

L’effet bénéfique sur l’éducation, la santé et la réduction de la mortalité infantile sera spectaculaire.

Le continent africain a pris, il y a quinze ans, la route du développement économique au rythme de 5 % l’an. Il lui reste à se doter, dans les quinze années à venir, de l’énergie propre dont il a besoin.

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Il en a désormais les moyens techniques et financiers, et dispose aussi des partenaires étrangers requis.

Un exemple : le grand « barrage de la Renaissance », qui sera achevé en 2017, permettra à l’Éthiopie de couvrir ses besoins en électricité et d’exporter les deux tiers restants vers ses voisins, en premier lieu l’Égypte.

La consommation africaine d’électricité a augmenté de 45 % en quinze ans ; elle devrait doubler d’ici à 2030.

Si la vision de M. Adesina prend forme, comme cela me paraît probable, le continent aura une croissance soutenue et, dans le même temps, changera de visage et d’image.

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