François, Vladimir et les machettes

Vladimir Poutine : le tsar de toutes les Russies est, incontestablement, l’homme de cette fin d’année 2015.

Le président russe Vladimir Poutine à Sotchi, le 6 octobre 2015 © Alexei Nikolsky/AP/SIPA

Le président russe Vladimir Poutine à Sotchi, le 6 octobre 2015 © Alexei Nikolsky/AP/SIPA

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 12 octobre 2015 Lecture : 4 minutes.

Faire de la Syrie le terreau d’une petite guerre mondiale sur lequel s’épanouit le rêve de la restauration de la grandeur russe est un pari risqué, même si la faiblesse gesticulatoire d’un Obama en fin de mandat a beaucoup aidé, sur ce point, le RoboCop du Kremlin.

Il faut lire le discours qu’il a tenu le 28 septembre devant l’Assemblée générale de l’ONU pour comprendre pourquoi Poutine est en passe de devenir un contre-modèle prisé par ces chefs d’État africains que les leçons de Barack Obama sur la démocratie ont passablement défrisés. Le monde, dit-il, ne doit pas être constitué de « protectorats dirigés de l’extérieur », encore moins « s’accommoder d’un modèle de développement unique reconnu par certains comme le seul acceptable ». Il s’insurge contre « l’exportation de ce qu’on appelle désormais les révolutions démocratiques », lesquelles ne débouchent, surtout lorsque l’Occident s’en mêle, que sur « la destruction des institutions étatiques, la misère, la violence et les catastrophes sociales ».

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Il pense à la chute de Kadhafi bien sûr, qui reste pour lui un traumatisme et une humiliation tant Moscou estime avoir été dupé dans l’affaire, mais on croirait aussi entendre un Kagamé, un Zuma, un Museveni, un Mugabe, d’autres encore à la tribune de l’Union africaine. Vladimir Poutine prend à l’appui de son réquisitoire l’exemple de… l’Union soviétique. L’ex-URSS, dit-il, a voulu exporter de force son propre modèle idéologique en Europe de l’Est, ce qui a eu « des répercussions tragiques synonymes non de progrès, mais de dégradation ». En d’autres termes : faites comme nous, apprenez de vos erreurs. Venant de lui, la rhétorique peut paraître douteuse. Mais elle est maligne, et la mayonnaise prend : dans nombre de palais présidentiels, où l’on se cherche des attributs par procuration, l’heure est à la Poutinemania.

Jorge Bergoglio

Entre une tournée américaine, un mégasynode romain sur la famille et un voyage africain (Kenya, Ouganda, Centrafrique) prévu pour la fin de novembre, l’Argentin Jorge Bergoglio, devenu le pape François en mars 2013, se pose désormais en leader global. « L’homme le plus puissant du monde », n’hésite pas à titrer le magazine américain Fortune, plus habitué à classer les milliardaires que les serviteurs de Dieu. Une star, incontestablement, avec ses 20 millions d’abonnés sur son compte Twitter, que tous les chefs d’État s’arrachent et qui a fait attendre Barack Obama vingt minutes debout sur le perron de la Maison Blanche, parce qu’il discutait devant les grilles avec un enfant.

Élu, mais à vie (pas de limitation de mandats au Vatican !), ce jésuite rude et autoritaire a tranché le nœud de vipères de la curie et mis en place un gouvernement de huit membres (dont le cardinal congolais Laurent Monsengwo), le C8, véritable bureau politique de l’Église, avant de s’occuper des affaires du monde. Tambour battant, François a rapproché Cuba et les États-Unis, amené le président colombien à négocier avec les guérilleros des Farc (et réciproquement), prié devant le mur de séparation érigé par Israël en Palestine, fustigé le veau d’or du capitalisme débridé et le commerce des armes, ouvert les monastères aux migrants, exhorté les pollueurs à cesser leur œuvre de destruction de la planète…

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Vacante depuis le décès de Nelson Mandela, la place de conscience de l’humanité a-t-elle trouvé un nouveau titulaire ? Oui, à en croire nombre de médias occidentaux et Obama lui-même, qui l’a qualifié d’« exemple vivant de l’enseignement de Jésus ». Non, car si le pape François est le chef d’une Église qui se veut universelle, son autorité, y compris morale, ne s’exerce pas sur les adeptes des autres religions. Sachons raison garder et souhaitons-lui de se méfier du culte de la personnalité.

Jean-Louis Borloo

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L’inusable dynamo du plan Allumer l’Afrique, 500 000 km en avion et 43 présidents africains à son compteur – à croire qu’il les collectionne, comme d’autres les selfies – revient de Guinée et d’Afrique du Sud. Il fallait le voir, le 28 septembre, lors de l’inauguration du barrage de Kaléta, prononcer son discours entre deux averses, cheveux au vent, verbe disloqué, Malraux des mégawatts, rendant un hommage dithyrambique à Alpha Condé et à Denis Sassou Nguesso ! Son très ambitieux plan Marshall, dont on perçoit mal l’articulation avec les autres du même acabit (plan Obama, projets chinois dans une douzaine de pays, velléités du nouveau patron de la BAD en ce domaine, etc.) n’a pas reçu pour l’instant le premier dollar de financement de la part des pays riches.

Comme l’ancien ministre de Chirac et de Sarkozy le reconnaît lui-même : « La seule question est le passage à l’acte. » Bien vu. Car si rien ne se passe de ce côté, on finira par croire que ce rêveur illuminé, qui jure de son bénévolat (et on veut bien le croire), fait en réalité du lobbying, et que derrière le lapin Duracell, soucieux d’éclairer toute l’Afrique, se cache un consultant avisé. Ils sont déjà nombreux ces ex-responsables politiques français qui, sans prendre trop de gants, utilisent ainsi leur carnet d’adresses : Rachida Dati, Yamina Benguigui, Bernard Kouchner, Charles Million, Claude Guéant, Dominique de Villepin… Borloo finira-t-il par rejoindre le lot ? À lui de nous démontrer le contraire.

Tramontina

C’est la dernière vedette, sinistre, de la semaine. Elle est brésilienne, avec une lame en acier carbone de 45 centimètres, un poids de 350 grammes, un manche en bois. Prix : 15 000 F CFA (23 euros). Idéale pour couper la canne à sucre, mais aussi les mains, les bras, les jambes… Cette machette de réputation mondiale, qui a connu ses heures de gloire lors du génocide rwandais, fait un tabac ces temps-ci du côté de Bujumbura, Kinshasa, Bangui, ou Brazzaville.

Dans certains quartiers de la capitale congolaise, à deux semaines du référendum constitutionnel du 25 octobre, des ombres furtives les distribuent de nuit en appliquant la méthode des prêcheurs évangéliques : le porte-à-porte. Nom de code de cette macabre opération : « Aide-toi, le ciel t’aidera ». Message angoissé des évêques du Congo à la nation, le 4 octobre : « N’ayons pas la mémoire courte ! » Et que Dieu nous protège d’une nouvelle saison des machettes.

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