Du bon usage des conteneurs
Face à la « crise » (ou au « problème » ou à la « question ») des réfugiés, une chose est sûre : il est impossible de généraliser quoi que ce soit.
Les réfugiés ne sont pas tous des victimes de guerre mais ne sont pas non plus, tous autant qu’ils sont, des aventuriers en quête d’une vie meilleure qui auraient pu, sans problème, rester chez eux. De même, les Européens ne sont collectivement ni anges ni démons : il y a ceux qui jettent des œufs pourris sur les demandeurs d’asile et il y a ceux qui les accueillent avec des fleurs. Et il y a la grande majorité, qui ne sait que penser. Ne généralisons pas.
Cela dit, que peuvent faire anges et démons quand ils font partie de la même coalition gouvernementale ? Voilà un cas que Belzébuth lui-même n’avait sans doute pas prévu. Le législateur néerlandais, lui, a tout prévu (plus fort que le diable…).
Ce pont-là bat tous les records de longueur tant le fossé est grand entre les petits-enfants de Karl Marx et les bâtards de la mère Thatcher
On se retrouve donc, au pays des tulipes, avec une étrange coalition faite du VVD, parti de droite décomplexé, et du PVDA, parti socialiste légèrement coincé dans ses chaussures : il a accepté de gouverner sous le leadership du chef du VVD, le très droitier Mark Rutte. Ambiance. L’accord de coalition, signé par les deux partis en 2012, s’intitulait « Construire des ponts ». Ce pont-là bat tous les records de longueur tant le fossé est grand entre les petits-enfants de Karl Marx et les bâtards de la mère Thatcher.
Et soudain, les réfugiés ! Le pont tangue… Le VVD clame : « On n’en veut pas, le pays est plein, et puis ce ne sont pas tous des Syriens, il y a parmi eux des Afghans, des Érythréens, des Soudanais… Si on les laisse entrer, le flot ne se tarira jamais. Ils sont des dizaines de millions à vouloir venir en Europe. » Le PVDA renâcle : « Nous nous devons d’accueillir ceux qui demandent l’asile politique, cela fait partie de nos traditions, de notre identité, de ce que nous sommes. » Les discussions dans le bureau du Premier ministre tiennent plutôt de la cacophonie que du clavier bien tempéré.
Qu’est-ce qu’on va faire ? Eh bien, on va décourager les migrants en leur montrant que la vie ici n’est pas aussi belle qu’ils se l’imaginent
Résultat ? Un compromis typiquement néerlandais. Non, on ne va pas fermer les frontières, comme le réclame l’extrême droite, mais on ne va pas non plus continuer comme avant. Qu’est-ce qu’on va faire ? Eh bien, on va décourager les migrants en leur montrant que la vie ici n’est pas aussi belle qu’ils se l’imaginent.
Comme première mesure, le gouvernement va commander quelques milliers de conteneurs qui seront transformés en studios : il suffit de faire des trous, ici une fenêtre, là l’accès des tuyaux pour l’eau et l’électricité, et le tour est joué. C’est dans ces parallélépipèdes que logeront désormais les réfugiés politiques reconnus comme tels après leur sortie des camps d’accueil. Les selfies qu’ils enverront au pays n’inciteront personne à venir ici. Si c’est pour finir dans un conteneur…
L’extrême droite jubile. C’est pratique, cette histoire de conteneurs. Si jamais elle arrive au pouvoir, elle n’aura plus qu’à les entasser les uns sur les autres dans un porte-conteneurs et vogue la galère, cap sur Tripoli, Tartous ou Asmara. Ce sera une sorte de retour à l’envoyeur…
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