Fier d’être tunisien

Il y a des moments dans la vie d’un patriote qui sont à marquer d’une pierre blanche.

sahbibasly
  • Mohamed Sahbi Basly

    Ancien ambassadeur de Tunisie en Chine, président de la fondation WPDO pour la Méditerranée

Publié le 21 octobre 2015 Lecture : 3 minutes.

La journée du 9 octobre 2015 en est un. Insolente par son histoire, insouciante par sa géographie, la Tunisie n’a pas fini d’étonner, de déranger, de séduire. C’est presque congénital. En apprenant que le prix Nobel de la paix avait été attribué au quartet du dialogue national, tous les Tunisiens ou presque se sont réjouis et ont dansé ensemble comme un seul couple.

Le 9 octobre, vers 10 h 30, mon téléphone sonne. À l’autre bout du fil, un ami qui travaille à Europe 1 me demande si je suis au courant de la nouvelle et si cela me fait plaisir. Et, me sentant hésitant, ajoute immédiatement : « La Tunisie a eu le prix Nobel de la paix. Tu te rends compte ? Peux-tu me donner le numéro de téléphone de Houcine Abassi [patron du syndicat UGTT] ? Je souhaite le féliciter et l’interviewer. »

Sacrée Tunisie ! She made it! Oui, il y a des jours où on peut être fier de notre Tunisie

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Tout au long du week-end, je suis resté l’oreille collée à la radio et les yeux rivés sur le petit écran, alors que les SMS pleuvaient de Madrid, Londres, Paris, mais aussi de Chine et d’Amérique, et bien sûr de toute la Tunisie. Sacrée Tunisie ! She made it! Oui, il y a des jours on peut être fier de notre Tunisie.

J’ai alors essayé de me souvenir des dates où le peuple tunisien a pu éprouver un tel sentiment collectif de fierté. Car s’il arrivait souvent que nous autres commis de l’État connaissions pareil sentiment dans l’exercice de nos fonctions – comme il arrivait aussi que nous soyons déçus -, nous étions tenus – solitude du pouvoir – au devoir de réserve. Et cela restait entre nous. Mais pouvoir vivre ensemble et au grand jour une telle liesse, croyez-moi, cela n’arrive que rarement dans une vie.

À trois occasions, je me suis senti fier d’être tunisien.

La première fois en octobre 1985, quand, après l’agression israélienne contre le quartier général de l’OLP à Hammam-Chott, le président Bourguiba a déposé une plainte auprès du Conseil de sécurité de l’ONU contre Israël, menaçant de rompre les relations diplomatiques avec les États-Unis au cas où ils s’aviseraient d’utiliser leur veto. Washington s’est abstenu, et la résolution condamnant l’État hébreu est passée.

La Tunisie a montré ce jour-là au monde entier qu’un changement politique – appelons-le coup d’État – pouvait avoir lieu dans un pays arabe sans aucune effusion de sang

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La deuxième fois lors d’un certain 7 novembre 1987, lorsque Bourguiba fut déposé – quelle qu’en fut la manière, largement dénigrée après le 14 janvier 2011 par cette même classe politique qui s’était abstenue de tout commentaire pendant vingt-trois ans. La Tunisie a montré ce jour-là au monde entier qu’un changement politique – appelons-le coup d’État – pouvait avoir lieu dans un pays arabe sans aucune effusion de sang. Toute la population est alors descendue dans la rue pour manifester son soulagement de voir un leader qu’elle a toujours respecté et qu’elle vénère quitter la scène politique avec un moindre coût social et politique.

La troisième fois après l’achèvement du processus de transition démocratique, quand la Tunisie organisa, en décembre 2014, pour la première fois de son histoire moderne, des élections législatives et présidentielle libres et démocratiques qui firent de Béji Caïd Essebsi le président de tous les Tunisiens. C’est aussi cela la Tunisie ; elle peut le meilleur et, de surcroît, est capable de balayer le pire.

Gageons que cet heureux événement donnera un nouvel élan au parachèvement de l’édifice démocratique

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Aujourd’hui, je suis fier de ma Tunisie, qui, au-delà de ses difficultés du moment, des divergences qui la tiraillent et de ses errements, est réapparue le 9 octobre à nos yeux telle qu’elle est : ce pays du Jasmin où il fait toujours bon vivre, où il y a de l’espoir à revendre et, quoi qu’on dise, qui force le respect.

Gageons que cet heureux événement donnera un nouvel élan au parachèvement de l’édifice démocratique, lequel, faut-il le rappeler, appartient à tous les Tunisiens et non à une minorité tentée de le confisquer pour l’instrumentaliser à des fins partisanes.

Ce prix Nobel de la paix doit être dédié à tous ces jeunes déçus de la révolution tragiquement morts en haute mer pour avoir voulu gagner des cieux plus cléments ou tombés en terre étrangère pour un combat qui n’est ni le leur ni le nôtre.

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