Sénégal : Expresso en éclaireur
Expresso, le plus petit des opérateurs du pays revoit ses objectifs à la hausse et mise sur des offres innovantes. Un pari qui a valeur d’exemple pour sa maison mère soudanaise, Sudatel.
Installé sur deux étages dans un immeuble moderne en plein centre de Dakar, à deux pas de la place de l’Indépendance, le siège d’Expresso résume assez bien la situation de l’opérateur au Sénégal. Une présence plutôt discrète, en dépit des imposantes publicités autocollantes recouvrant les vitres des bureaux. Normal : la filiale de la branche internationale de Sudatel n’emploie qu’une centaine de salariés, contre au moins 400 pour son concurrent direct Tigo et plus de 2 000 pour l’opérateur historique Sonatel. Quant à sa part de marché sur le mobile, elle était, selon l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes, de seulement 11 % (1,1 million d’abonnés) à la fin du mois de mars, pour un revenu moyen par utilisateur d’environ 4 dollars (3,2 euros), soit deux fois moins que Sonatel.
Mais les positions pourraient évoluer. C’est du moins la mission d’Emmanuel Hamez, le directeur général. Ancien de SFR (filiale télécoms du groupe Vivendi), cet ingénieur connaît bien le Sénégal. En 2009, il y a supervisé pour Sudatel le démarrage d’Expresso. Rapidement rappelé à Khartoum pour gérer le développement de Sudani Mobile (6 millions d’abonnés, filiale de Sudatel), il n’est revenu à Dakar qu’au mois d’octobre dernier. Derrière son bureau de taille respectable, le patron, malgré une mine fatiguée, affiche avec conviction de grandes ambitions. « Il y a trois opérateurs au Sénégal, notre but est d’avoir à terme un tiers des abonnés », explique-t-il.
Son retard, Expresso le doit notamment au choix d’opérer lors de son lancement avec la technologie CDMA (comme au Soudan, en Mauritanie et au Ghana) sur un marché dominé par la norme GSM. Incompatibles avec la plupart des terminaux en circulation, les puces téléphoniques de la filiale de Sudatel sont restées dans les tiroirs des revendeurs. « Cette option a probablement été une erreur », reconnaît aujourd’hui Hamez. Propriétaire d’une licence universelle, l’opérateur a finalement rectifié le tir en juin 2010 en proposant la première offre 3G (haut débit mobile GSM) au Sénégal. Un service accessible dans les principales villes du pays, comme Saint-Louis, Thiès ou Ziguinchor.
Coeur de métier
Trois ans et demi après son arrivée, la société a investi environ 200 millions de dollars (160 millions d’euros) pour déployer son réseau sur 80 % du territoire, soit autant que le prix qu’elle a payé pour obtenir sa licence. Si le passage de la technologie CDMA à la norme GSM a fait grimper la note, l’opérateur a profité, comme d’autres, des financements proposés par l’équipementier chinois Huawei, dont une poignée d’ingénieurs travaillent à demeure chez Expresso.
Notre but est d’avoir à terme un tiers des abonnés.
Emmanuel Hamez, directeur général
Pour tenir ses objectifs financiers, Expresso limite en effet au minimum la taille de son équipe en externalisant des tâches comme la maintenance du réseau ou l’accueil téléphonique des clients. « Nous nous concentrons sur notre coeur de métier, notamment le design de nouvelles offres », souligne Hamez. Un domaine dans lequel Expresso innove depuis le début de l’année en proposant des services à durée déterminée, une recette expérimentée avec succès au Soudan en 2011. Au Sénégal, une offre limitée dans le temps à quatre heures consécutives et proposant appels, SMS et internet 3G ne coûte par exemple que 390 F CFA (0,6 euro). « Nous ne voulons pas détruire inutilement de la valeur en pratiquant une politique low cost, mais séduire de nouveaux clients en offrant de la flexibilité grâce à deux ou trois produits phare », précise néanmoins le directeur général.
Ce positionnement rencontre un certain succès au moment où Tigo (25,1 % du marché) marque le pas. Mais si le nombre de clients d’Expresso a grimpé de 25 % au premier trimestre 2012, cette performance est à relativiser, car son parc d’abonnés avait décliné fin 2011 (voir courbe).
L’autre priorité d’Emmanuel Hamez sera d’obtenir la portabilité des numéros (possibilité de garder son numéro en changeant d’opérateur). Une condition incontournable pour tenter une percée sur le créneau – particulièrement rentable – des professionnels, trusté par Sonatel.
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Pour Expresso, l’enjeu est d’autant plus important que le Sénégal pourrait avoir valeur d’exemple pour les autres filiales du groupe. Car, si en Mauritanie Sudatel obtient des résultats satisfaisants, ce n’est pas encore le cas en Guinée ni surtout au Ghana, où il opère en CDMA. Un manque de performances reproché par les actionnaires de Sudatel à Emad Eldin Hussein Ahmed, président exécutif du groupe, accusé de dilapider le magot de 1,3 milliard de dollars obtenu lors de la vente, en 2006, de Mobitel (détenu à 61 % par Sudatel) à Zain via Celtel International.
Mais le coup d’arrêt que connaît l’économie soudanaise, déstabilisée par l’indépendance du Soudan du Sud, pourrait changer la donne. Affaibli par la perte d’une grosse partie de ses revenus pétroliers, Khartoum, actionnaire à 21 % de l’opérateur, a besoin de devises. Reste pour Sudatel à trouver la bonne recette à l’international pour faire d’Expresso dans les deux ou trois ans le relais de croissance tant attendu.
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