Climat : « Les pays africains ne seront pas de simples figurants à la COP21 »
À quelques semaines de l’ouverture de la COP21, la dernière ligne droite des négociations climatiques a commencé. Les délégations des 195 pays sont réunies dans la ville allemande de Bonn depuis lundi 19 octobre. Ils ont jusqu’au 23 octobre pour s’entendre sur un projet d’accord. Objectif : parvenir à limiter le réchauffement climatique à deux degrés.
Les négociations s’annoncent serrées. Le projet d’accord devrait en effet s’appuyer sur un texte très critiqué par le groupe Afrique et les pays en développement qui dénoncent notamment un « apartheid » sur les dispositions qui les concernent. Le sous-secrétaire général de l’ONU aux Changements climatiques, Janos Pasztor, a expliqué à Jeune Afrique les enjeux de la COP21 pour les États africains.
Jeune Afrique : Avez-vous bon espoir de voir la COP21 aboutir à un accord pour limiter le réchauffement climatique à deux degrés ?
Janos Pasztor : J’ai toujours été de nature optimiste. Et je le suis particulièrement pour Paris. Il y a encore énormément de travail, mais nous sommes bien partis. Presque tous les gouvernements veulent un accord, car beaucoup d’entre eux sont déjà confrontés aux effets du changement climatique. Le secteur privé n’a par ailleurs jamais été aussi investi. Il reste bien sûr quelques réticences, principalement l’industrie du charbon et, dans une moindre mesure, le secteur du pétrole et du gaz. Mais quand on regarde l’ensemble, et quand on assiste aux discussions informelles des ministres, on voit une convergence politique sur le sujet.
De nombreuses ONG ont critiqué le document qui sert de base pour les négociations de Bonn, qui ont débutées le 19 octobre. Certaines ont fustigé un manque d’ambition, d’autres ont assuré que le dispositif de financement n’était pas adapté aux problématiques des États africains pour s’adapter aux conséquences du changement climatique…
Je suis d’accord avec les ONG : ce texte manque d’ambition. Cela dit, je suis convaincu que certains pays viennent à Bonn avec l’objectif de le rendre plus ambitieux – tandis que d’autres tenteront l’inverse.
Beaucoup de pays africains se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils étaient plutôt attendus sur des objectifs pour s’adapter au changement climatique. Comment l’expliquez-vous ?
L’Afrique a compris que combattre le réchauffement climatique n’est pas un frein au développement, mais au contraire une opportunité, grâce notamment aux nouveaux secteurs industriels comme les énergies renouvelables. Il y a aussi derrière ces engagements une stratégie financière, à travers les fonds qui seront disponibles pour aider à atteindre les objectifs proposés.
L’Éthiopie a chiffré son projet à 150 milliards de dollars, la République du Congo à 55 milliards… des estimations jugées raisonnables par les experts. Mais les montants laissent perplexes : la communauté internationale est-elle capable de réunir ces fonds ?
Il ne faudra pas compter uniquement sur les États, mais aussi sur le secteur privé, car la transformation du monde nécessite des milliers de milliards par an. Mais nous en sommes capables. Regardez : dans le cadre du Fonds vert, les pays développés ont promis de mettre 100 milliards de dollars par an pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Selon l’OCDE, 62 milliards ont été récoltés pour 2015, et l’année n’est pas finie. Nous pouvons y arriver.
Le Nigeria, premier pays producteur de pétrole du continent, mais aussi première économie et démographie d’Afrique, est resté silencieux. Allez-vous le convaincre de s’engager ?
Nous venons de regarder les pays qui n’avaient pas rendu leurs contributions, et nous allons essayer de comprendre pourquoi. Certains manquent de moyens techniques pour les rendre. Nous allons donc travailler avec eux pour les accompagner. Le Nigeria n’est pas dans cette situation. Je ne peux pas expliquer son absence. Tout ce que je peux dire, c’est qu’un déjeuner a eu lieu entre notamment le secrétaire général de l’ONU (Ban Ki-moon, NDLR), François Hollande et Muhammadu Buhari, à New York le 27 septembre, sur le thème de la COP21.
Certains pays africains demandent à bénéficier d’une réparation, et que la notion des « pertes et dommages » soit inclue dans les négociations. De quoi s’agit-il ?
Beaucoup de pays pauvres sont déjà touchés par le réchauffement climatique et vont continuer à l’être. Ils réclament donc un dédommagement.
Cette demande est légitime selon vous ?
Absolument.
Les pays industrialisés semblent s’y opposer farouchement…
Bien sûr ! Car cette notion peut être sans limite, et c’est là tout le problème. Certains pays riches ne s’y montrent pas totalement opposés, mais ils veulent que ce soit encadré. Il y a une certaine convergence pour dire que que la question sera discutée, mais qu’elle ne sera pas tranchée à Paris.
Lors des premiers amendements au texte discuté actuellement à Bonn, l’ambassadrice sud-africaine a parlé lundi 19 octobre « d’apartheid », pour dénoncer certaines notions supprimées du texte d’origine, et qui concernent les pays émergents, soit 134 États et 80% de la population… Faute de moyens, ces pays, et en particuliers les pays africains, ne sont-ils pas de simples figurants ?
Ce monde n’est certes pas équitable, mais les pays africains sont très structurés et relativement unis. Ils peuvent peser dans les négociations comme ils l’ont déjà fait par le passé. Je sais que ce sera difficile, mais ils peuvent faire la différence.
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