Algérie : qu’as-tu fait de ton indépendance ?
Malgré l’échec des plans des années 1960-1970 et le chaos de la décennie noire, des sommes considérables ont été investies dans le social. Le pays revient de loin. Mais il reste tant à faire.
Plus de 84 % des 37 millions d’Algériens ont moins de 50 ans. « Comment leur expliquer ce bouleversement majeur dans notre vie qu’a été le 5 juillet 1962 ? » interroge Hadja Ouendjeli, 72 ans, retraitée de l’éducation nationale. « De sous-hommes, nous avons réintégré l’humanité. D’indigènes au service exclusif du colon, nous sommes devenus les citoyens d’un État souverain. »
Cette citoyenneté retrouvée constituait le principal objectif des indépendantistes du Front de libération nationale (FLN), qui, dans leur déclaration du 1er novembre 1954 appelant à la lutte armée, revendiquaient la « restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social, dans le cadre des principes islamiques », ainsi que le « respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions ».
Souverain ombrageux, l’État n’a pas été un modèle de démocratie, malmenant trop souvent les libertés fondamentales. En revanche, nul ne peut contester que l’objectif social fut un souci constant pour ceux qui se sont succédé à la tête de l’État. L’Algérie quinquagénaire ne ressemble en rien à celle de l’indépendance. Les conditions de vie ont connu une évolution spectaculaire.
Pour résoudre la douloureuse équation des disparités régionales en matière de développement humain, le président Houari Boumédiène a initié, au milieu des années 1960, les Conseils des ministres délocalisés. Symboliquement, les trois premières régions visées par des programmes spéciaux concentraient les populations berbérophones : Tamanrasset en zone touarègue, Tizi-Ouzou en Kabylie et Batna, fief des Chaouis.
Édification nationale
En 1966, Boumédiène lança un plan triennal, suivi de deux plans quadriennaux (1969-1972 et 1973-1976). Ce fut l’époque des « grandes tâches d’édification nationale », où la modestie des moyens du Trésor public était compensée par l’engagement de « volontaires » (étudiants qui consacraient leurs vacances à encadrer paysans et agriculteurs durant la révolution agraire) et la réquisition du contingent pour planter les millions d’arbres du barrage vert (afin de bloquer l’avancée du désert) ou construire la Transsaharienne.
Cristallisant la volonté de l’État de poursuivre le processus de recouvrement de sa souveraineté, la nationalisation des hydrocarbures en février 1971 a marqué un tournant capital. Avec plus de 400 milliards d’euros versés au Trésor algérien ces dix dernières années et plus de 37 milliards durant le seul exercice 2011, la manne pétrolière continue de jouer un rôle de premier plan dans le développement économique et humain.
Il faut notamment financer la gratuité des soins médicaux et la généralisation des campagnes de vaccination, qui ont contribué à améliorer la santé des populations, avec pour conséquences un fort recul de la mortalité infantile et une hausse sensible de l’espérance de vie, passée de 55 ans en 1977 à plus de 76 ans en 2012.
Ressources humaines
Échaudée par le départ massif des cadres français, la génération de la guerre de libération – encore aux affaires un demi-siècle après l’indépendance – a misé sur les ressources humaines. Le taux de scolarisation est passé de quelque 45 % lors du premier recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) en 1966 à plus de 91 % en 2008 (dernier RGPH). Le pays comptait 2 263 écoles à la rentrée scolaire de 1962, il en dénombre 17 790 actuellement. Quant aux effectifs étudiants, ils sont passés de 2 800 inscrits en 1962-1963 à 1,2 million en 2011-2012.
La politique volontariste de scolarisation des filles a par ailleurs réussi à battre en brèche les pesanteurs conservatrices, notamment en milieu rural. Dès 2004, l’Algérie a dépassé le ratio de 87 filles scolarisées pour 100 garçons, fixé comme but à l’horizon 2015 par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) dans ses Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Mieux : les jeunes femmes constituent désormais près de 60 % des nouveaux diplômés de l’université algérienne, d’où une féminisation des différents métiers et de l’élite : elles sont majoritaires dans l’enseignement, la santé, la presse (avec des taux dépassant 60 %), représentent 30 % des magistrats du siège et, depuis les législatives de mai, 31 % des députés. Toutefois, les hautes sphères de l’État et de l’administration demeurent très machistes, avec, par exemple, une seule femme wali (préfet) sur 48.
Malgré ces indicateurs de développement plutôt positifs et les sommes considérables investies dans les infrastructures (voir infographies), les Algériens ne semblent pas satisfaits de leur sort. En particulier les plus jeunes, qui ont toutes les peines du monde à trouver un logement et, pour certains, un emploi. Car si, depuis le milieu des années 1960, le taux de chômage a été divisé par trois (passant de près de 33 % à 10 % de la population active en 2010), il reste relativement élevé, à 21,5 % chez les 16-24 ans. À l’instar de ces jeunes désenchantés, beaucoup d’Algériens, de 7 à 77 ans, se prennent à rêver de changer de pays. Mais une chose est sûre : il serait difficile de trouver un Algérien nostalgique de l’Algérie française.
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