L’argent des Africains : Alice, institutrice à Lomé au Togo – 176 euros par mois

Alice, 35 ans, est institutrice à Lomé. Elle gagne mensuellement 115000 francs CFA (176 euros). Dans ce nouvel épisode de notre série sur l’argent des Africains, vous saurez pourquoi l’éducatrice ne profite en réalité que de 70 euros.

Alice gagne 176 euros par mois, mais ne peut profiter dans les faits que de 70 euros. © Augustin Noukafou pour J.A.

Alice gagne 176 euros par mois, mais ne peut profiter dans les faits que de 70 euros. © Augustin Noukafou pour J.A.

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Publié le 22 octobre 2015 Lecture : 3 minutes.

Former la relève d’une nation est un métier noble. Et Alice le sait, même si les conditions des enseignants en Afrique ne sont pas des plus confortables. Mais elle aime son travail, une « vocation ou mieux, un sacerdoce », selon elle. Originaire du nord du pays, l’institutrice est fière de sa situation sociale. « Il est vrai que financièrement j’aimerais gagner plus, mais pour le moment, je me réjouis déjà de toucher quelque chose à chaque fin de mois », affirme-t-elle.

Recrutée sur concours dans la fonction publique  en 2008 –elle avait alors 28 ans-, Alice encadre aujourd’hui des élèves de la classe de CM2 (Cours Moyen deuxième année) qui donne accès après examen au collège.

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Salaire mensuel : 115000 francs CFA (176 euros)

Durant l’année scolaire et tous les jours ouvrables, Alice transmet son savoir aux élèves qu’elle a en charge. « C’est une classe d’examen. Je me dois de bien les armer pour affronter l’épreuve finale», se contente-t-elle de répéter. Alice est mensuellement rémunérée à 115000 francs CFA, une somme au-dessus du salaire minimum interprofessionnel garanti au Togo (58000 francs).

« Avec ce salaire, je dois forcement faire un emprunt si je veux réaliser quelque chose », estime-t-elle. Alice n’a donc pas hésité, il y a quelques mois, à solliciter une banque. Un emprunt dont elle a préféré taire les raisons, y compris auprès de ses proches, et le montant. On saura simplement, qu’elle rembourse 64 000 F CFA chaque mois, soit environ 98 euros.

Elle a également souscrit une assurance vie qui lui coûte 5000 francs afin de s’assurer qu’en cas de problème, ses enfants puissent avoir au moins de quoi poursuivre leur scolarité. Conséquence, chaque fin de mois, il ne lui reste plus que 46000 francs CFA (70 euros). La somme est dérisoire pour s’occuper d’une famille de quatre personnes dont le père, chauffeur, est au chômage depuis quelques mois.

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Alimentation : 23 euros

Avec 23 euros, Alice assure les dépenses alimentaires du ménage. « Les produits reviennent de plus en plus chers à Lomé », explique-t-elle. La somme permet donc de s’approvisionner « en nourritures nécessaires », maïs, riz et quelques condiments notamment. L’essentiel du stock est constitué dès le début du mois pour éviter que le reste du salaire ne parte dans des dépenses farfelues.

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« En famille, nous vivons conformément à ce que nous avons ». Tout le monde est au fait de la situation et s’adapte. L’essentiel dit-elle, est que le ventre soit bien plein.

Electricité et eau : 15 euros

Dépenses prévues au budget, la facture d’électricité et l’achat d’eau potable sont quelques fois pris en charge par le mari. Facturée à 150 francs CFA le kilowatt, l’électricité revient chère à la famille – entre 5000 et 9000 francs chaque mois-. Outre les lampes pour l’éclairage, le ménage dispose d’un poste de télévision et d’une radio.

N’ayant pas d’eau courante à la maison, ils s’approvisionnent à une borne fontaine du quartier pour une somme comprise entre 500 et 1000 francs. Car pour éviter les maladies, la cuisine est faite exclusivement à l’eau potable.

Besoins des enfants, déplacements et imprévus : 32 euros

Les deux enfants d’Alice sont élèves avec ce que ça entraîne comme dépenses imprévues. Et comme le père traverse une période financièrement difficile, Alice met toujours de côté entre 15 000 et 16 000 francs CFA pour l’achat des documents nécessaires pour les études et aussi l’habillement des enfants.

« Il arrive par exemple que l’un de nous tombe malade», confie-t-elle. Et il faut avoir de quoi se soigner.  Alice manque cruellement de moyen de déplacement. Pas de moto encore moins de voiture personnelles. Une situation qui l’oblige à recourir aux taxi-motos –zémidjans- pour ses allées et venues en ville.

Pour ses autres besoins et pour venir un peu en aide à ses quelques frères et soeurs, Alice peut compter sur le fruit de la débrouille de son mari qui peut apporter (un bon mois) jusqu’à 60 euros. Par chance, elle habite dans une maison familiale ce qui l’exonère de loyer. Elle pourrait donner des cours de soutien à certains élèves comme le font la plupart des enseignants, mais elle n’en veut pas, préférant garder du temps pour l’instruction des ses propres enfants.

Comme tout travailleur, Alice espère une embellie de sa situation financière pour « concrétiser certains projets personnels » qu’elle garde pour le moment secret.

Si vous souhaitez participer à notre série, écrivez nous à argentdesafricains@jeuneafrique.com

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