RDC : l’unité nationale, un impératif !

Pour beaucoup d’observateurs, l’un des points positifs de la gestion du Congo par le président Mobutu aura été de forger et de consolider son unité nationale. On entend souvent dire que c’est à Mobutu que l’on doit le nationalisme congolais, qui se définit comme le sentiment d’appartenance à une seule nation.

  • Bob Kabamba

    Politologue, Bob Kabamba est professeur à l’Université de Liège et coordonnateur de la cellule d’appui politologique en Afrique centrale.

Publié le 17 novembre 2015 Lecture : 3 minutes.

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Comme on le sait, ce concept est sujet à débat et à polémique. Mais l’Histoire nous enseigne le contraire. En effet, dès la création de l’État indépendant du Congo (EIC), après la conférence de Berlin, en 1885, par Léopold II, roi des Belges et souverain de l’EIC, ses hommes s’efforcent de créer un nouvel ordre social. Assez rapidement, et conformément aux accords, le Congo se retrouve au centre des influences commerciales et d’exploitation des puissances de l’époque. Toute la politique du roi belge à l’égard de l’EIC est fondée sur l’impératif d’unifier ce dernier pour maximiser la rentabilité de cet investissement et se préserver des ingérences étrangères.

Après avoir arraché le Congo à Léopold II, l’État belge colonisateur contribue énormément à consolider cette unité en promouvant une politique de conscientisation collective dans cet espace

Les populations congolaises en seront les premières victimes. Plusieurs millions de personnes perdent la vie et nombre d’autres sont fortement mutilées. Néanmoins, cette politique aura jeté les fondements de l’impératif de l’unité. Après avoir arraché le Congo à Léopold II, l’État belge colonisateur contribue énormément à consolider cette unité en promouvant une politique de conscientisation collective dans cet espace.

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Malgré l’existence de plusieurs réalités ethniques ou de plusieurs aires linguistico-socio-économiques, la Belgique réussit à créer une conscience congolaise en imposant un État moderne, notamment grâce à sa politique d’administration coloniale. Ainsi, elle a renforcé l’identité moderne du Congolais aux niveaux culturel, économique et social. Vers la fin de la colonisation, cet impératif unitaire se retrouve au cœur des revendications non seulement des indépendantistes et des nationalistes mais aussi des partisans du fédéralisme.

Au cours de la période postcoloniale, l’unité léopoldienne, consolidée par le colon belge, est toujours au cœur de la politique congolaise malgré les nombreuses péripéties faites de révoltes et de sécessions, notamment celles du Katanga et du Sud-Kasaï. La gestion de Mobutu après son coup d’État s’est inscrite dans cette dynamique et s’est accompagnée d’une forte propagande, lui permettant de consolider son pouvoir pendant plus de trente ans. Par la suite, la mobilisation de l’impératif d’unité nationale a permis de faire échec aux différentes tentatives de balkanisation du pays, pendant la guerre ayant permis l’accession au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila puis lors de la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), soutenue par le Rwanda.

On s’enrôle chez soi et on choisit son député national au sein de sa tribu ou de son ethnie. C’est dans ce schéma que s’est construit et que se consolide le nationalisme congolais

Ainsi, au fil des décennies s’est forgée et consolidée cette identité congolaise qui se retrouve au cœur du nationalisme congolais. L’impératif d’unité constitue le fondement de l’identité congolaise, et ce malgré l’appartenance des uns et des autres à une ethnie ou à une aire linguistico-socio-économique différentes. Il se retrouve chez tous les Congolais de toute origine, et il est parfois poussé à l’extrême et donne lieu à des excès qui vont jusqu’à dénier cette identité à certaines catégories de la population comme les Banyarwandas du Nord-Kivu ou les Banyamulenges du Sud-Kivu, perçus à tort comme des envahisseurs. Ces excès peuvent entraîner des violences à l’encontre de tous ceux qui sont perçus comme des étrangers spoliant les richesses du Congo, lors des manifestations de la diaspora par exemple.

Cet impératif cohabite aussi avec l’espace plus restreint que constitue la tribu ou l’ethnie. C’est au sein de cet espace que s’élaborent des stratégies de vie ou de positionnement socio-économique, voire politique comme illustré lors de l’enrôlement des électeurs et de l’élection des députés nationaux ou provinciaux en 2006 et en 2011. On s’enrôle chez soi et on choisit son député national au sein de sa tribu ou de son ethnie. C’est dans ce schéma que s’est construit et que se consolide le nationalisme congolais.

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