Nigeria : pétrole en eaux troubles
Le président nigérian Goodluck Jonathan limoge l’état-major de la compagnie nationale NNPC. La ministre des finances estime qu’environ un milliard de dollars partent en fumée chaque mois à cause des détournements dans le secteur.
Face aux scandales qui secouent le secteur des hydrocarbures nigérian, le président Goodluck Jonathan veut frapper fort : il a pris la décision mardi 25 juin de congédier les principaux dirigeants de NNPC, la compagnie pétrolière nationale, dans le but « d’atteindre une plus grande transparence et responsabilité dans la pratique gouvernementale », selon un communiqué. Une formule édulcorée pour un phénomène qui gangrène l’économie nigériane.
Le chef de l’État a notamment remplacé le PDG, Austen Oniwon, par Andrew Yakubu, un ingénieur chimiste. Jusqu’alors, ce dernier était PDG de la Warri Refining and Petrochemicals Company et directeur général du département exploration – production au sein de NNPC. Deux nouveaux directeurs ont également été désignés pour prendre la tête de divers secteurs clés de la société nationale : l’exploration – production, les raffineries et la pétrochimie, le commercial et les investissements ainsi que la finance et les services de comptabilité.
Les milliards perdus
Le trafic de pétrole volé aurait conduit à une baisse de 17% des ventes officielles en avril, entraînant une perte de 1,2 milliard de dollars sur un mois.
Cette annonce tombe à un moment décisif pour le gouvernement de Goodluck Jonathan. Les rapports accablants sur la corruption, les détournements et les trafics se succèdent. En avril dernier d’abord, un rapport parlementaire affirmait que le Nigeria avait perdu 6,8 milliards de dollars entre 2009 et 2011 à cause d’un programme de subventions aux carburants gangrené par la corruption et au centre duquel se trouvait la NNPC.
Aujourd’hui, 27 juin, la ministre des finances Ngozi Okonjo-Iweala a révélé que le trafic de pétrole volé aurait conduit à une baisse de 17% des ventes officielles en avril, soit 400 000 barils par jour (bpj). Cela représente une perte de 1,2 milliard de dollars pour un baril à 121 dollars.
Coup double pour Goodluck Jonathan
Comme l’explique Sebastian Spio-Garbrah, expert de la politique et du monde des affaires en Afrique, consultant pour le cabinet DaMina Advisors, « les accusations de corruption portées par le rapport parlementaire de la commission Lawan commençaient à devenir un sérieux handicap politique pour Goodluck Jonathan. D’un point de vue budgétaire, la perte d’un milliard de dollars par mois est aussi considérée très sérieusement par la ministre des finances. Avec les élections de 2013 en perspective, le président voulait aussi nommer un musulman issu du nord du pays afin de pacifier les élites de la région. Il a d’ailleurs récemment nommé un autre musulman du nord au poste de conseiller spécial pour la sécurité nationale ». Cette opération permettrait donc à Goodluck Jonathan de faire d’une pierre deux coups.
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