Algérie : Noureddine Boutarfa, en quête du juste prix
En poste depuis 2004, Noureddine Boutarfa, PDG de Sonelgaz, milite pour la libéralisation des tarifs en Algérie. Cela permettrait notamment au groupe de financer le virage des énergies renouvelables.
Noureddine Boutarfa pourrait fêter l’an prochain ses 10 ans à la tête de la Société nationale de l’électricité et du gaz (Sonelgaz). Encore faudrait-il qu’il le veuille. Le 13 juin, alors qu’il présentait son rapport d’activité 2011, il est sorti de sa réserve pour s’en prendre aux douanes algériennes. « Les gestionnaires de Sonelgaz sont devenus des criminels qui passent leur temps entre les services de lutte contre la fraude et les tribunaux », a-t-il regretté.
De fait, plusieurs cadres de l’entreprise sont suspectés de « majoration des importations » par les services des douanes. Pour le PDG, le problème est lié au nouveau code des douanes, qui veut que chaque contrat d’importation de matériel soit déclaré à sa juste valeur, ce qui est « impossible pour certains contrats comme la réalisation d’usines clés en main, dont l’envoi des équipements est échelonné et nécessite d’attendre un décompte final », assure-t-il.
Tutelle
À 64 ans, cet ingénieur de formation s’attarde davantage, habituellement, sur les aspects techniques liés à Sonelgaz. « Noureddine Boutarfa est un homme compétent entouré de gens sérieux, assure Abderrahmane Mebtoul, professeur d’université et ancien directeur d’études au ministère de l’Énergie. Mais les patrons des entreprises publiques en Algérie ne sont pas des managers, ils ne décident pas de leur stratégie. Ce sont des fonctionnaires qui obéissent à leur tutelle. »
Dès sa nomination, il a cherché à libérer peu à peu le secteur des « subventions implicites ».
Noureddine Boutarfa connaît parfaitement la maison. Il y est entré en 1974 pour ne la quitter qu’en 2001, et encore… Il s’agissait de diriger Algerian Energy Company, créée la même année par Sonelgaz en coentreprise avec le géant pétrolier Sonatrach. Lorsqu’il est désigné en janvier 2004 par l’ancien ministre de l’Énergie Chakib Khelil pour remplacer Aïssa Abdelkrim Benghanem à la tête du groupe, il a pour mission de le restructurer. La loi de février 2002 relative à l’électricité et à la distribution du gaz prévoit en effet la fin du monopole réservé à Sonelgaz afin de mieux préparer l’Algérie à ses obligations internationales (marché maghrébo-européen de l’électricité signé en décembre 2003, accord de libre-échange avec l’Union européenne de 2005).
Mais près de dix ans plus tard, les entreprises étrangères de l’énergie ne se bousculent pas pour entrer dans un secteur gourmand en investissements et à la maturation longue. D’autant que les tarifs sont plafonnés depuis 2005 pour des raisons sociales. Un dispositif qu’a toujours contesté Noureddine Boutarfa. Dès sa nomination, il a cherché les moyens de « libérer progressivement le secteur de l’énergie des subventions implicites ». Hélas, rien n’y a fait. « Le groupe investit des sommes qui dépassent de loin ses possibilités limitées par le gel des tarifs de vente des énergies électrique et gazière », a-t-il rappelé le 13 juin.
En conséquence, le déficit budgétaire de Sonelgaz a atteint un niveau record en 2011, à 55 milliards de dinars (557 millions d’euros), pour un chiffre d’affaires de 356 milliards de dinars. Ses 39,5 milliards de créances impayées, dont une grande partie est à la charge de l’État, n’arrangent pas les choses. Sonelgaz n’a même plus les moyens pour retenir ses meilleurs éléments, dont plusieurs centaines ont été débauchés ces dernières années par des entreprises privées, notamment étrangères.
Défi
Avec des comptes mis à mal, il est difficile d’imaginer comment Sonelgaz financera son prochain défi, qui consiste à investir 3 655 milliards de dinars dans les dix ans pour produire 40 % de son électricité à partir d’énergies renouvelables d’ici à 2030. Seule solution : augmenter les tarifs du gaz et de l’électricité, insiste Noureddine Boutarfa, sans convaincre sa tutelle. Pour l’instant.
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