Changement climatique : au Togo, SOS villes côtières en danger
L’érosion côtière s’accélère sous l’effet du changement climatique. Un phénomène dont sont victimes presque toutes les villes togolaises du littoral, notamment celle d’Aného, située à 45 km au sud-est de Lomé. Selon les experts, la mer y grignoterait chaque année de 7 à 15 mètres de rivage… Reportage.
Ils vivent avec la hantise de voir leurs habitations dévastées du jour au lendemain par les vagues. À Aného, ville tricentenaire qui fut par deux fois capitale du Togo, les conséquences de l’érosion côtière sont un vrai cauchemar pour les populations du littoral. Dernier épisode en date : dans la nuit du 29 au 30 septembre, la mer s’est à nouveau lancée à l’assaut des quartiers de Magna, Fantécomé, Légbanou, Flamani, Bokotikponou, Ela et Djamadi situés sur la côte. Aujourd’hui encore, les traces de la furie des eaux sont visibles : cocotiers déracinés, devantures d’habitations envahies, fondations mises à nu…
« C’est tout notre mode de vie qui est remis en cause », indique Ange, un habitant d’Aného. La ville est pourtant habituée au phénomène. Symbole marquant du désastre, l’ancienne route nationale numéro 2 qui reliait Lomé au Bénin voisin a été avalée depuis déjà des années par la mer. Elle n’est plus aujourd’hui visible qu’à quelques endroits de la côte, notamment depuis la plage d’Agbodrafo (30km au sud-est de Lomé).
Moyens dérisoires des populations
Sur place, les populations semblent résignées à composer avec le phénomène. Quant aux autorités, elles se mobilisent pour trouver des solutions à une situation très répandue sur les côtes ouest-africaines. Mi-septembre lors de la deuxième réunion du Haut conseil pour la mer, le chef de l’État Faure Gnassingbé est revenu longuement sur le problème. Reconnaissant implicitement le manque de moyens de l’État, il a émis le souhait que les partenaires en développement du Togo se mobilisent pour l’accompagner ainsi que les pays voisins dans leurs efforts pour atténuer le phénomène tout en s’y adaptant.
La mer contourne rapidement les barrages de fortune lors des grandes marrées pour pénétrer toujours plus profondément dans les terres
Près d’un mois plus tard, le 13 octobre, André Johnson, ministre de l’Environnement et des Ressources Forestières, se déplaçait à la tête d’une délégation dans laquelle figurait Joëlle Businger, représentante résidente de la Banque mondiale au Togo, pour aller constater les dégâts causés par la mer sur les côtes. Et les moyens dérisoires dont disposent les populations pour tenter, avec de simples épis de noix de coco, de freiner la violence des vagues. Mais la mer contourne bien sûr rapidement les barrages de fortune lors des grandes marrées pour pénétrer toujours plus profondément dans les terres et ravager les habitations les plus proches. Devant le désarroi des populations, André Johnson a indiqué le chef de l’État prenait le problème au sérieux et que le gouvernement cherchait des fonds pour le résoudre.
Des activités humaines en cause
Les géomorphologues côtiers estiment que, dans dix ans, certaines villes côtières, dont Aného, risquent d’avoir totalement disparu. « Il s’agit d’une prévision pessimiste », nuance un cadre du ministère de l’Environnement qui reconnaît néanmoins l’urgence de mettre en place des politiques coordonnées entre les pays ouest-africains exposés au phénomène. « La situation, poursuit-il, n’est pas uniquement imputable au contexte général du réchauffement climatique. Il y a également certaines activités humaines le long de la côte qui favorisent l’avancée de la mer, comme l’extraction du sable et des gravillons marins utilisés dans comme matériaux de construction. »
Pendant longtemps, les populations d’Aného ou des zones concernées par l’érosion côtière n’avaient pas véritablement conscience des causes de l’avancée de la mer. Ils ne s’en inquiétaient que quelques jours par an, lors des grandes marrées. Mais les choses sont en train de changer. « C’est très bien que Faure Gnassingbé se soit lui même prononcé sur le sujet », se réjouit Ayih, un pêcheur en mer qui, en raison de la montée du niveau de la mer et de la puissance des courants marins a préféré délocaliser son activité sur le lac Togo, non loin d’Aného.
Adama Gaba-Dovi, le chef du quartier de Légbanou, à Aného, a quant à lui été élu représentant des chefs de quartiers victimes de l’érosion côtière. Il espère que des mesures concrètes seront prises lors de la Conférence de Paris sur les changements climatiques (COP21), prévue du 30 novembre au 11 décembre. « D’une manière ou d’une autre, il faut que les difficultés rencontrées par les populations togolaises à cause de l’érosion côtière y soient abordées », plaide-t-il.
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