Dépendance alimentaire : l’Inra dessine un scénario catastrophe dans la zone MENA
La dépendance alimentaire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient risque de s’accroître d’ici à 2050 si les tendances de production et de consommation persistent, avec le changement climatique comme facteur aggravant, selon une étude présentée le 28 octobre par l’Institut national de la recherche agronomique.
La part des produits agricoles importés dans la consommation alimentaire passerait de 40 % aujourd’hui à au moins 50 %, voire davantage si l’on tient compte des effets du réchauffement climatique, selon les scénarios mis au point par trois chercheuses de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra).
« L’impact essentiel provient du réchauffement climatique. La maîtrise de ses effets est fondamentale pour assurer la sécurité alimentaire globale », a souligné Chantal Le Mouel, une des auteurs de l’étude.
Un des scénarios prévoit la perte de la moitié des surfaces cultivables dans les pays du Maghreb.
Scénarios
Le scénario de base table sur une poursuite de l’accroissement démographique, avec une population en hausse de 50 % d’ici 2050, et sur une occidentalisation du régime alimentaire, avec davantage de calories consommées, sous forme de céréales et de volaille.
Le besoin en terres cultivées augmenterait, ainsi que le recours aux importations.
L’évolution serait encore plus inquiétante en prenant en compte une hausse de 2 degrés de la température moyenne globale, qui viendrait accroître l’aridité de régions déjà peu propices à l’agriculture.
Dans ce second scénario, les pays du Maghreb et du Proche-Orient seraient frappés de plein fouet, perdant respectivement la moitié et le quart de leurs surfaces cultivables.
En revanche, une hausse des températures permettrait à la Turquie d’augmenter sa production agricole de 15 %, devenant un acteur clé de l’approvisionnement de la région. Celle de l’Égypte resterait stable grâce à l’irrigation de la vallée du Nil.
Une demande en produits alimentaires multipliée par six
Ces projections « posent la question d’une stratégie de développement de l’élevage basée sur des produits importés » pour nourrir les animaux, notamment blé et maïs, comme c’est devenu la règle depuis les années 60, estime Chantal Le Mouel.
La dépendance alimentaire de ces régions n’a cessé de croître depuis cette période, passant de 10 % en 1961 à 40 % aujourd’hui.
La demande en produits alimentaires a été multipliée par 6 durant cette période, surtout pour les céréales, l’huile et le sucre.
La production de ces denrées, bien que quadruplée, « n’a pas suffi à suivre la croissance démographique » à cause d’une « progression trop faible des rendements », a expliqué la chercheuse Pauline Marty.
« Cette dépendance est une source très importante de vulnérabilité pour la région, avec des factures de céréales qui pèsent très lourd dans le budget des États n’ayant pas de ressources pétrolières », a-t-elle souligné.
La flambée des prix du blé, et donc du pain, en 2008-2010 a été l’un des éléments déclencheurs des « printemps arabes », a-t-elle rappelé.
Une combinaison de leviers
Les principaux fournisseurs de la région en produits agricoles sont l’Union européenne, les Etats-Unis, l’Amérique du Sud (Brésil, Argentine), la Russie et les pays de l’ex-URSS.
Pour réduire la dépendance alimentaire, « il faut une combinaison de leviers: des politiques publiques et des investissements importants, ainsi que des conditions socio-économiques favorables », a souligné la chercheuse Agneta Forslund.
Mais les conflits moyen-orientaux constituent un obstacle majeur. « Là où résonnent les armes, c’est la sécurité alimentaire qui se dérègle », a estimé Sébastien Abis, chercheur au Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM).
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