Africa Oil Week : les groupes pétroliers chassent les coûts tous azimuts
Au Cap, où se réunissent cette semaine plus d’un millier de professionnels de l’industrie pétrolière, l’heure n’est pas à la fête. Partout, le mot d’ordre est à la chasse aux coûts sur les projets en cours. Et les lancements de nouveaux projets tardent à venir.
Malgré la chute drastique des cours du brut, qui ont été divisés par deux en un an, plus de 1 250 professionnels du secteur pétrolier et gazier ont fait le déplacement au Cap, en Afrique du Sud, pour la 22e édition de l’Africa Oil Week, qui se tient depuis le 26 et jusqu’au 30 octobre 2015.
Tous les représentants des poids lourds du secteur – Total, ENI, Chevron, ExxonMobil, BP et Shell – sont présents, mais aussi les groupes nigérians indépendants Oando et Seplat, ainsi que les compagnies junior internationales les plus actives sur le continent telles Tullow Oil, Kosmos Energy ou encore Anadarko.
L’offshore profond particulièrement touché
Mais l’heure n’est pas à la fête. « Il nous faut apprendre à danser sous la pluie, et non pas attendre sans rien faire que la tempête passe », a expliqué Tim O’Hanlon, le charismatique patron irlandais de Tullow Oil en Afrique.
Partout, le mot d’ordre est à la chasse aux coûts sur les projets déjà lancés. Quant aux décisions de lancement de nouveaux projets, elles tardent à venir.
« En 2015, seul un seul grand projet extractif majeur a été lancé en Afrique, celui de production de gaz au Cameroun [par Perenco, Golar et la Société nationale des hydrocarbures]. Et en 2016, nous ne nous attendons à pas plus de 3 décisions d’investissement, à comparer aux 27 à 30 projets en attente que nous avons recensés sur le continent » indique le Nigérian Obo Idornigie, analyste principal chez Wood MacKenzie, qui vient de publier une étude sur les coûts des projets pétroliers africains.
Selon le cabinet anglais, la conjoncture morose touche particulièrement les projets en offshore profond (à plus de 1 500 m), particulièrement coûteux, pour lesquels les investissements « devraient être réduits d’environ 30 % » pour être compétitifs par rapport aux autres régions du monde.
« Après une période de déni, l’industrie et ses partenaires ont compris que nous devions nous habituer à un cours autour de 50 dollars au moins à moyen terme pour un à deux ans. Nos projets africains doivent être rentables à ce niveau là ! », a affirmé Guy Maurice, le patron de Total Exploration et Production sur le continent.
L’industrie pétrolière a commencé à réagir
De son côté, Pade Durotoye, directeur général d’Oando Energy, a relevé les défis, mais aussi des opportunités dans cette période difficile pour les pétroliers et le continent. « L’industrie a souffert, perdant quelque 40% de sa capitalisation boursière, et perdant 200 000 emplois dans le monde depuis le début de la chute. Mais elle a déjà commencé à réagir, baissant en moyenne de 20% ses coûts d’investissements par baril. La conjoncture pousse à optimiser les projets, développer les synergies avec les différents partenaires. Elle permettra aussi une consolidation du secteur, avec de possibles fusions-acquisitions, en particulier au Nigeria », a-t-il estimé.
Pour pouvoir relancer de nouveaux projets pétroliers sur le continent, Obo Idornigie, de Wood MacKenzie, veut croire que les États africains « seront obligés de lâcher du lest sur leurs politiques de contenu local [favorisant la fabrication et l’emploi sur place] quand celles-ci renchérissent abusivement les prix des projets. »
En ordre de bataille
À plus long terme, les industriels restent optimistes pour leurs projets en Afrique. « 55 % des découvertes pétrolières et gazières récentes ont été faites en Afrique ; des pays comme la Tanzanie, le Mozambique et le Ghana continuent à attirer chacun plus de 4 milliards de dollars d’investissement chaque année. Quant à la consommation africaine en carburant, elle va augmenter de 50 % dans les 20 prochaines années », a égrené Pade Durotoye.
Selon ce dernier, « la production mondiale commencera bientôt à baisser du fait des nombreux reports ou annulation de projets, ce qui à terme, entraînera inéluctablement une nouvelle hausse des cours, même si ils reviendront plutôt à 70-80 dollars le baril, et sans doute pas à 100 dollars. »
Le vétéran du secteur Tony Hayward, ancien directeur général de BP et patron de la branche pétrolière du géant Glencore, s’est fait encore plus catégorique. « Le prix vont remonter. Après 33 ans de carrière dans le secteur, j’en suis à mon troisième effondrement des cours. À chaque fois celui-ci a été salutaire en quelque sorte, car il remet à des niveaux raisonnables les attentes des compagnies comme celles des gouvernements hôtes, qui se remettent en ordre de bataille », a-t-il lancé à l’assistance de l’Africa Oil Week.
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