Des campus camerounais de plus en plus ouverts
Nombre d’établissements locaux d’enseignement supérieur cherchent à émerger dans la compétition mondiale. Leurs moyens restent cependant limités.
Le Cameroun sort de ses frontières
Recrutement international des étudiants et du corps professoral, cours bilingues français-anglais, implantation sur différents sites, partenariats avec d’autres universités et grandes écoles… La plupart des établissements d’enseignement supérieur camerounais se mobilisent pour mettre à niveau leur offre de formations et se donner plus de visibilité.
Si la plupart des structures concernées font partie de la sphère publique, certaines institutions privées commencent à faire leurs preuves et à émerger dans cette compétition, à l’instar de l’Université catholique d’Afrique centrale (Ucac), qui a fait du Cameroun son point d’ancrage dans la sous-région et célèbre cette année ses vingt années d’activité. Outre ses trois campus camerounais (deux à Yaoundé, un à Douala), elle dispose d’une antenne au Congo (l’Institut supérieur de technologie d’Afrique centrale, à Pointe-Noire) et s’apprête à ouvrir un institut supérieur d’agronomie à Bangui, en Centrafrique. Avec trois facultés (sciences sociales et gestion, philosophie, théologie), un département de droit canonique, une École des sciences infirmières (ESI) et, bientôt, une faculté de médecine, l’Ucac accueille actuellement 3 500 étudiants, dont 10 % d’étrangers.
Certains plaident pour une harmonisation des frais de scolarité entre les pays de la Cemac.
Créée en 2000, l’Université des montagnes, qui dispose de trois campus à Bangangté (ouest du pays), propose quant à elle une offre de formations complète dans le domaine de la santé et des sciences. Elle compte environ 2 000 étudiants, dont 12 % d’étrangers, dans huit filières (médecine, pharmacie, chirurgie dentaire, médecine vétérinaire, sciences médico-sanitaires, génie biomédical, réseaux et télécommunications, informatique et réseaux) et dispose notamment d’une clinique universitaire.
Quotas
Dans la sous-région, le Cameroun se démarque par la mise à niveau de ses infrastructures et équipements, mais aussi par la qualité des cours et le nombre d’enseignants qualifiés, la capacité à élaborer des programmes et à les suivre. Il semble le pays le mieux doté pour le sérieux et la pertinence de ses formations, et la reconnaissance de ses diplômes.
S’il n’existe pas de statistiques globales relatives aux étudiants étrangers, dans les écoles internationales publiques – créées en partenariat avec des États voisins et accessibles sur concours -, des quotas sont fixés pour chaque pays. C’est le cas à l’Institut sous-régional de statistique et d’économie appliquée (ISSEA) de Yaoundé… qui, pourtant, n’accueille qu’un nombre restreint d’élèves non camerounais.
L’une des raisons pour lesquelles les candidats étrangers de la sous-région sont encore assez peu nombreux à intégrer les écoles camerounaises est qu’ils réussissent moins bien les concours que les nationaux. La faute, probablement, aux épisodes d’instabilité politique qui ont contribué à faire baisser le niveau scolaire, notamment au Tchad et en Centrafrique. Selon Ludovic Lado, vice-doyen de l’Ucac, cette mobilité relativement faible des étudiants s’explique aussi par le boom des instituts privés dans la plupart des pays du continent, qui fait que beaucoup choisissent de ne plus s’expatrier.
Pour recruter plus d’élèves étrangers, certains responsables d’écoles ont réduit, pour quelques pays, la note requise pour être admis, la faisant par exemple passer de 13/20 à 11/20, tout en affirmant vouloir conserver leur sélection, gage de qualité. Ils conviennent aussi qu’une meilleure communication est indispensable pour dynamiser les effectifs. Ainsi, l’Ucac organise chaque année des campagnes d’information sur son offre de formations dans une dizaine de pays, où elle ouvre également des centres d’examens. Pour l’heure, la plupart de ses élèves non camerounais sont originaires du Tchad ou du Gabon et sont attirés en priorité par les sciences sociales, l’École des sciences infirmières et l’Institut supérieur de technologie d’Afrique centrale.
Autre frein à l’arrivée en nombre d’étudiants étrangers dans l’enseignement supérieur camerounais, les frais de scolarité, généralement plus élevés pour les ressortissants de pays extérieurs à la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Pour Ludovic Lado, il faudrait mettre en place une politique d’harmonisation des prix entre les pays ; le Malien en formation au Cameroun s’acquitterait ainsi de droits équivalents à ceux qu’il paierait chez lui.
La faculté de médecine et de sciences biomédicales (FMSB) de l’université de Yaoundé-I a déjà consenti cet effort et affiche des coûts annuels relativement modérés, en comparaison de ceux pratiqués en Occident ou dans les pays d’Afrique du Nord. Pour le doyen de la faculté, Tetanye Ekoe, l’internationalisation passe aussi par une politique de coopération et d’octroi de bourses d’études à un plus grand nombre de jeunes étrangers.
Partenariats
Les programmes d’échanges avec des universités étrangères sont un facteur d’attraction.
Devenir un acteur incontournable et reconnu en matière de formation supérieure implique aussi d’améliorer sa visibilité en misant sur les partenariats internationaux. Dans ces accords de coopération, le volet le plus important est l’accueil, sur le campus camerounais, d’enseignants étrangers qui aident au renforcement des différentes filières. Autre facteur d’attraction : la mise en place de passerelles de formations et de programmes d’échanges avec des établissements partenaires ; les étudiants peuvent ainsi effectuer un stage ou leur dernière année d’études dans le pays de l’établissement associé.
Le PKFokam Institute of Excellence (fondé par Paul Fokam, président d’Afriland First Bank) propose ainsi un programme de master dont la dernière année s’effectue aux États-Unis. De même, dans le cadre de son partenariat avec l’École supérieure de commerce (ESC) Clermont-Ferrand, la dernière année du master de Sup de Co Yaoundé se déroule dans la ville française. La FMSB a quant à elle mis en place un master en épidémiologie de terrain et gestion de laboratoire et un diplôme interuniversitaire (DIU) sur la prise en charge de l’infection par le VIH en collaboration avec l’université de Montpellier-I. Elle prépare par ailleurs la création de cursus de niveau master avec le soutien de l’Union européenne et, peut-être, de la coopération allemande.
Des accords se nouent également avec des établissements d’enseignement supérieur d’autres pays du continent. Ainsi, l’École pour la formation des spécialistes en équipements et aménagements ruraux (EFSEAR) de Kumba (province du Sud-Ouest) et l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2IE) de Ouagadougou (Burkina Faso) se sont rapprochés, avec à la clé la rénovation et l’extension de l’EFSEAR sur un nouveau campus à vocation sous-régionale. Autre exemple, celui de l’université marocaine Cadi-Ayyad de Marrakech (Ucam), qui s’est installée à Douala et à Yaoundé, où elle propose des formations en sciences commerciales et en management.
Recherche
Pour émerger sur la scène internationale, les établissements entendent aussi développer leurs activités et leurs réseaux de recherche. Compte tenu du bilinguisme camerounais (le français et l’anglais sont les langues officielles), ils renforcent leur coopération et leurs partenariats aussi bien avec les pays francophones qu’anglo-saxons.
La FMSB compte ainsi capitaliser sur le prix Kwame-Nkrumah de la meilleure femme scientifique d’Afrique centrale attribué en 2011 par l’Union africaine à l’une de ses enseignantes-chercheuses, Rose Leke, directrice du centre biotechnologique, pour promouvoir la qualité de ses formations et de ses activités de recherche et développer ses collaborations à l’étranger.
Pour les établissements camerounais, l’obstacle le plus difficile à franchir reste celui du financement. Si tous conviennent qu’il est essentiel de promouvoir les échanges d’enseignants et d’étudiants pour oser parler de campus internationaux, ils peinent à trouver les fonds nécessaires pour se mettre à niveau et s’arrimer aux centres de recherche de notoriété internationale. Publiques ou privées, la plupart des universités et écoles camerounaises ne disposent pas de ressources financières suffisantes pour recruter des enseignants étrangers permanents. Ainsi, à l’Ucac, ils ne représentent que 2 % du corps professoral. Le projet de développement des universités, qui prévoit de revaloriser les conditions d’embauche, pourrait y remédier quelque peu.
La jungle du privé
Les écoles et instituts prolifèrent. Pour les étudiants, il est parfois difficile de séparer le bon grain de l’ivraie.
Ils sont désormais plus d’une centaine, contre dix-sept en 2007 et seulement trois au début des années 1990. En vingt ans, le nombre d’universités et d’instituts privés agréés affiche une progression exponentielle de 3 000 %, soit 160 % en moyenne par an. Il faut dire que la demande est forte et le marché particulièrement juteux.
Subventionnées par l’État, qui y voit un moyen de pallier les insuffisances de l’université publique grâce à une offre de formation plus abondante, plus diversifiée et « professionnalisante », les formations privées se révèlent lucratives pour leurs promoteurs. Entre la première et la quatrième année d’études, les frais de scolarité passent de 650 000 F CFA à 1 500 000 F CFA (990 à près de 2 300 euros) par an dans les établissements les moins onéreux, et de 3 millions à 7 millions de F CFA par an pour les plus coûteux. Selon le Pr Roger Tsafack Nanfosso, économiste, enseignant à l’université de Yaoundé-II, « le niveau des investissements généralement consentis par les propriétaires d’instituts privés laisse deviner une activité très rentable ». Avec, parfois, des dérapages.
L’aspect mercantile l’emportant sur la qualité des formations, certaines écoles s’ouvrent sans légitimité ni qualification, usant d’appellations aussi pompeuses qu’abusives, avant de se révéler être des coquilles vides, dont les diplômes ne bénéficient d’aucune reconnaissance.
Équivalences
Si les entreprises parviennent à flairer rapidement l’arnaque et à identifier les établissements valables au bout de quelques entretiens de recrutement, il est parfois difficile pour les élèves et leurs familles de séparer le bon grain de l’ivraie.
Évidemment, la renommée de l’établissement, sa sélectivité et son ancienneté constituent des critères déterminants. La meilleure solution reste de rencontrer des étudiants, d’examiner la composition du corps enseignant et l’offre de formations, de se renseigner sur la qualité des enseignements théoriques ou pratiques, la reconnaissance des diplômes auprès des professionnels, et sur les éventuelles équivalences avec les universités. C.J.-Y.
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