Le port d’Abidjan veut reprendre sa place
Un appel d’offres doit être lancé en août pour doter le port d’un second terminal à conteneurs. Déjà, les postulants fourbissent leurs armes. Pour la Côte d’Ivoire, il s’agit de retrouver son leadership régional face à une concurrence accrue.
La lutte promet d’être serrée. À peine lancé, le 4 juin, par la direction du Port autonome d’Abidjan (PAA), le projet de réalisation d’un deuxième terminal à conteneurs sur la lagune a vite suscité l’intérêt des plus grands opérateurs portuaires de la planète. Filiales des grandes compagnies maritimes (Maersk, MSC ou CMA CGM), géants de la manutention (DP World, Hutchison), opérateur portuaire (Bolloré Africa Logistics) ou logisticien intégré (Necotrans)… Tous suivraient de très près le projet, quand ils n’ont pas déjà en main le dossier de présélection distribué par le PAA.
Les prétendants ont jusqu’au 18 juillet pour soumettre leurs candidatures, en espérant être retenus « parmi les cinq opérateurs maximum », selon une source proche du dossier, autorisés à concourir à l’appel d’offres lui-même, attendu pour le 1er août. D’après le document remis par le port, le futur concessionnaire sera chargé de la conception, de la construction, de l’aménagement, de l’équipement et de l’exploitation de ce fameux terminal, le TC2, souvent annoncé et toujours repoussé, au gré des événements qui ont secoué la Côte d’Ivoire et sa capitale économique depuis plus d’une décennie.
Manutention
Exclusivement dévolu au trafic conteneurisé, le TC2 disposera d’un quai de 1 100 m capable d’accueillir en même temps trois navires de 350 m de long et d’un tirant d’eau de 16 m. Sa superficie de stockage de 35 ha gagnée sur la lagune devrait lui permettre de traiter chaque année 1,5 million d’équivalents vingt pieds (EVP, environ 38,5 m3), selon les attentes des responsables portuaires, qui estiment l’ensemble des investissements à près de 400 millions d’euros réalisables sur une période de trois ans et demi à compter du démarrage des travaux. Attendues donc à l’horizon 2015-2016, ces nouvelles installations devraient tripler la capacité annuelle du port autonome, estimée aujourd’hui à un peu plus de 800 000 boîtes.
Quelques jours seulement après l’annonce du PAA, le groupe Bolloré a dévoilé son propre plan de développement, par la voix de son PDG, Vincent Bolloré, venu à Abidjan le 12 juin pour confirmer son engagement dans la reconstruction de la Côte d’Ivoire auprès du président Alassane Ouattara. L’opérateur français est présent depuis 2004 sur le premier terminal, par l’intermédiaire de la Société d’exploitation du terminal de Vridi, qu’il possède à hauteur de 60 % en association avec APM Terminals, filiale manutention de Maersk. Sur les 230 millions d’euros que le groupe entend débloquer sur cinq ans, une trentaine de millions devraient être affectés à l’extension des quais (démarrée en mai 2011, elle comprend deux nouveaux portiques et deux postes à quai modernisés), et 110 millions à l’approfondissement du terminal à 18 m. Ces travaux devraient porter la capacité du TC1 à 1,5 million d’EVP par an en 2016.
« Abidjan disposera alors de l’un des terminaux à conteneurs les plus importants d’Afrique de l’Ouest », assure Dominique Lafont, président de Bolloré Africa Logistics, bien décidé « à accompagner le développement du pays » et de sa principale interface portuaire. Très vite jugées « opportunistes » par plusieurs autres candidats à la concession du deuxième terminal, l’annonce comme la visite « étaient prévues de longue date », précise-t-il, confirmant depuis le siège de Puteaux (France) la volonté de son entreprise de soumissionner à l’appel d’offres du TC2.
Détermination
La question mérite d’être éclaircie, car si rien n’empêche Bolloré comme Maersk de participer à l’appel d’offres, l’avis de présélection publié par l’autorité portuaire insiste sur la nécessité d’« accroître la compétitivité du port d’Abidjan par le jeu de la concurrence ». Les autres candidats disent donc ne pas comprendre comment Bolloré, déjà présent dans la place, « peut être en compétition avec lui-même ». Interrogé sur le sujet, Dominique Lafont affiche sa détermination : « Chacun devra assumer ses responsabilités, et que le meilleur gagne ! »
Le groupe français peut s’appuyer sur son implantation africaine, après avoir remporté en moins de dix ans treize concessions portuaires à travers le continent, ainsi que sur son expérience, acquise à Lomé, Pointe-Noire ou Conakry, en matière de contrats BOT (Build, Operate and Transfer), « qui se généralisent et auxquels nous souscrivons complètement », poursuit le patron de Bolloré Africa Logistics, qui dit réfléchir aussi à un possible partenariat « s’il s’avère utile et équilibré ». Après avoir retiré son dossier de présélection, le français Necotrans suit une réflexion similaire. « Nous cherchons un associé qui souhaite s’implanter durablement, dans le cadre d’une politique d’investissement à l’échelle de l’Afrique », précise Abdel Aziz Thiam, vice-président du groupe.
Chacun devra assumer ses responsabilités, et que le meilleur gagne.
Dominique Lafont, président de Bolloré Africa Logistics
Pendant que chacun des postulants fourbit ses armes, l’essentiel semble être ailleurs pour la direction du PAA. Elle compte sur l’arrivée du TC2 pour repositionner Abidjan comme port de référence dans la sous-région, alors que les activités de transit en provenance et en direction des pays voisins enclavés sont passées de 60 % avant la crise à 20 % aujourd’hui des volumes manutentionnés sur le port, avec une nouvelle chute de 26,3 % enregistrée en 2011.
Compétition
« Très peu d’investissements ont pu être réalisés ces dix dernières années, et, si nous voulons être à nouveau compétitifs, nous devons améliorer l’attractivité du port et être en mesure de répondre aux exigences imposées par un environnement portuaire et maritime en pleine mutation, à commencer par l’accueil des porte-conteneurs à forte capacité », souligne Hien Sié, le directeur général du PAA. Décidée à renforcer le rôle de hub portuaire d’Abidjan, notamment en matière de transbordement des grands armements asiatiques pour l’ensemble de la côte ouest-africaine, la direction annonce déjà l’élargissement du canal de Vridi et étudie l’approfondissement à 18 m, à plus long terme, du chenal d’accès.
Le PAA n’a plus de temps à perdre, alors que les projets se multiplient chez ses concurrents directs, à Lekki (Nigeria), Kribi (Cameroun) ou Lomé (Togo). Il peut déjà compter sur le soutien du gouvernement, bien conscient que « la croissance de la Côte d’Ivoire passe par le développement du port », selon la formule de Patrick Achi, ministre des Infrastructures économiques.
Record d’activité à San Pedro
Huit mois ont suffi pour permettre au Port autonome de San Pedro (PASP) d’aligner les meilleurs résultats de son histoire. Fermé début 2011 pour cause de crise politique, le deuxième port ivoirien a dépassé le 1,8 million de tonnes de trafic entre avril et décembre 2011. En hausse de 47 % par rapport à l’exercice précédent, c’est le volume de marchandises le plus élevé jamais enregistré sur les terminaux du PASP depuis sa création, en 1972. « Nous espérons atteindre les 3 millions de tonnes en 2012, du fait d’activités de transbordement en forte croissance », a déclaré le directeur général du port, Hilaire Lamizana. Il compte pour cela s’appuyer sur l’accord signé en novembre dernier avec Anvers et officialisé le 12 juin en présence des autorités du port belge. Grâce à ce partenariat passé avec la principale interface portuaire entre l’Europe et l’Afrique, le PASP intègre le réseau international du port d’Anvers, aux côtés de Vitoria (Brésil), Duqm (Oman) et Hazira (Inde). O.C.
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