Côte d’Ivoire : une occasion manquée

L’élection présidentielle, en Afrique francophone du moins, est un sport qui se pratique à plusieurs et qui voit, à la fin, la victoire du sortant. Des exceptions existent, bien entendu, mais elles ne sont que cela.

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Publié le 30 octobre 2015 Lecture : 3 minutes.

L’enjeu de l’élection ivoirienne n’était donc pas son vainqueur. M. Ouattara disposait de moyens disproportionnellement plus élevés que ses concurrents, l’opposition ivoirienne, qui ressemble malheureusement de plus en plus à la navrante opposition camerounaise, n’a pas brillé par sa qualité, et il faut reconnaître que le bilan économique de M. Ouattara, sans être excellent, loin de là, était tout à fait estimable.

Le consensus médiatique affirmait que l’enjeu du scrutin résidait dans la participation. Oui et non. Oui, parce qu’une partie de l’opposition avait appelé au boycott de ce qu’elle nomma une « mascarade ». Oui également parce que, comme cela a été rappelé ici et là, de l’ampleur de la mobilisation dépendaient la crédibilité du scrutin et la légitimité de M. Ouattara.

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Non, parce que la réduction d’une élection à la participation populaire à quelque chose de dérisoire en Afrique francophone. Car là où, ailleurs, les partis politiques s’opposent sur des programmes raisonnablement précis, ici seule compte la conquête ou la préservation du pouvoir.

Là où, ailleurs, les lignes de fracture sont idéologiques, ici elles sont souvent ethniques ou religieuses. Là où, ailleurs, existe un sentiment national fort qui met l’avenir du pays au centre des préoccupations des leaders politiques, ici dominent calculs tactiques et considérations politiciennes. Au fond, la question que posent l’élection ivoirienne, et au-delà les élections en Afrique francophone, est celle de savoir si cette région est prête à accueillir la « démocratie » tant réclamée. Mais je m’arrête là, ayant atteint la frontière du politiquement incorrect…

Quitte à gagner, autant le faire avec panache !

L’Afrique francophone est pour une grande part constituée de pays dont les leaders se sont manifestement promis qu’ils (les pays concernés) demeureraient insignifiants.  Le Rwanda (qui n’est certes plus tout à fait francophone), sous la direction d’un leader que je crois d’un calibre supérieur, semble décidé à émerger. Sur cette base, le véritable enjeu de la campagne présidentielle ivoirienne était de savoir si ce grand pays, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il en a le potentiel, se déciderait à rejoindre le Rwanda, pour l’instant bien seul, dans le camp des pays d’Afrique francophone qui sont résolus à sortir la tête de l’eau.

La réponse est négative. La responsabilité en incombe à une opposition qui a la passion de la petite politique, et à un pouvoir dont la campagne qui vient de s’achever a révélé l’insuffisance d’ambition et d’audace.

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Je me répète, ce n’est que justice de reconnaître que M. Ouattara a affronté, au cours de son premier mandat, des défis d’une ampleur inédite, qui tenaient en partie aux conditions de son accession au pouvoir, et que son bilan, notamment économique, certes moins flamboyant – la croissance ivoirienne attire davantage de « global citizens » africains qu’elle ne profite aux jeunes de Yopougon ou d’Abobo – que ne le clament ses partisans, était présentable.

Mais justement ! Que n’a-t-il pas saisi cette opportunité pour mener une campagne électorale plus audacieuse ? Qu’avait-il donc à perdre ? Quitte à gagner, autant le faire avec panache !

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Où va la Côte-d’Ivoire (CI) ? Qu’est-ce qu’être ivoirien aujourd’hui, au-delà de la carte d’identité ? Le secteur agricole, dont le pays dépend fortement (1/4 du PIB), va-t-il générer les millions d’emplois nécessaires pour absorber la demande d’une jeunesse toujours plus urbanisée et qui représente 60% du pays ?

Quitter la politique pour entrer dans l’histoire

La CI est classée au 142e rang / 189 du classement « Doing Business 2016 », juste derrière le Malawi. Est-ce sa place ? Le président ivoirien a-t-il une stratégie pour améliorer le système éducatif ivoirien et préparer la jeunesse du pays à un monde toujours plus impitoyable à l’endroit des gens insuffisamment formés ?  Quid de la corruption, toujours importante, et qui décourage l’investissement ? Sur le plan politique, comment parviendra-t-il à (enfin) unir son peuple ? Ce sont là des questions fondamentales qui ont été en grande partie éludées durant la campagne.

Soyons réalistes : M. Ouattara ne résoudra pas ces problèmes. Même doté de la plus grande des volontés, 5 ans sont insuffisants pour cela. Mais au moins aurait-il pu, au vu de la position qui était la sienne à l’entame de la campagne électorale, montrer, cela était possible, qu’il entendait, au crépuscule de sa carrière politique, mettre le pays sur les bons rails. Mais pour cela il aurait fallu, selon le mot de Jean d’Ormesson, qu’il « quitte la politique pour entrer dans l’Histoire ». Le président semble avoir choisi la politique, alors même qu’une partie importante de son peuple l’attendait au carrefour de l’Histoire. Celle-ci pourrait bien l’avoir mauvaise…

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