Les frontières poreuses de Madagascar
Avec la crise politique qui se prolonge depuis 2009, l’exportation illégale de pierres et métaux précieux ne s’est jamais aussi bien portée à Madagascar.
Les arrestations successives, fin mai 2012, aux Comores, de quatre trafiquants en provenance de la Grande Île, illustre la porosité des frontières malgaches et la faible gouvernance du secteur. Le 24 mai, deux Malgaches ont été interpelés à l’aéroport de Moroni avec 14 kilos d’or, alors qu’ils s’apprêtaient à partir vers Nairobi. Deux jours plus tard, c’était au tour d’un Mauricien et d’un Anglais d’être démasqués dans le même aéroport, cette fois-ci avec 48 kilos du précieux métal jaune, embarqués depuis Madagascar à bord d’un vol privé.
Les trafiquants transitent par Moroni car il n’existe dans l’Union des Comores pas de texte de loi régissant l’importation et l’exportation de métaux et pierres précieuses. Mais cette fois-ci, les autorités malgaches ont décidé de réagir. Le 1er juin, le consulat de Madagascar à Moroni a indiqué aux autorités comoriennes que l’État malgache entendait pouvoir poursuivre les contrebandiers. Pour cela, une commission rogatoire pourrait être lancée à leur encontre pour pouvoir les extrader et les juger à Antananarivo.
Les filières prospèrent
L’empilement de lois souvent contradictoires couplé à la mauvaise gouvernance a ouvert la voie à toutes sortes d’aventuriers malhonnêtes.
Les mines artisanales et les filières clandestines d’exportation prospèrent à Madagascar, notamment dans la région d’Aloatra Mangoro, à l’Est d’Antananarivo. « L’exploitation artisanale n’est pas nouvelle à Madagascar, notamment dans le centre et le sud du pays pour les exploitations de saphir. Elle n’est pas mauvaise en soit et crée de l’emploi. Mais les règles d’attribution de licences et les taxes minières, pourtant clairement édictées dans le premier code minier malgache, datant de 1999, sont devenues opaques après les crises politiques successives de 2002 et 2009.
L’empilement de lois et décrets, souvent contradictoires entre-eux, couplée à la mauvaise gouvernance du secteur minier au niveau local, a ouvert la voie à toutes sortes d’aventuriers malhonnêtes et découragé les investisseurs sérieux », analyse un homme d’affaires français qui a travaillé quelques années dans l’extraction du saphir, avant de jeter l’éponge en 2007. « Fatalement, l’exportation, mais aussi l’importation de minerais et pierres précieux a explosé », ajoute-t-il, alors que, sur les marchés mondiaux, un saphir sur 7 et un rubis sur 10 proviennent de la Grande Île.
Mettre de l’ordre
Tandis que la paupérisation et le chômage s’aggravent à Madagascar, avec un pouvoir d’achat moyen qui ne cesse de baisser depuis 2009, de nombreux Malgaches se tournent vers ce secteur. « Dans la région d’Ambatondrazika (à 150 km à l’Est d’Antananarivo), on assiste à une véritable ruée vers les nouveaux gisements de saphir, qui sont aux mains de Sri-Lankais. Des milliers de chômeurs venus de la capitale et de Tamatave ont migré là-bas dans l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie, mais ils sont exploités », indique un médecin habitant cette zone, qui note par ailleurs une explosion des prix dans la région. « Madagascar est encore un jeune État minier, concède pour sa part Augustin Andriamananoro, conseiller spécial du président de la Haute autorité de transition. Mais nous sommes conscients de la nécessité de mettre de l’ordre dans le secteur. » À cet effet, la haute autorité de transition a décidé de renforcer la présence policière dans les régions concernées.
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