De derrière les barreaux, mon espérance !

Le militant anti-esclavagiste pacifique Biram Dah Abeid est détenu à la prison d’Aleg, au centre de la Mauritanie, depuis un an.

Des milliers de descendants d’esclaves maures en Mauritanie, les « Haratines », manifestent, le 29 avril 2015, à Nouakchott. © AFP

Des milliers de descendants d’esclaves maures en Mauritanie, les « Haratines », manifestent, le 29 avril 2015, à Nouakchott. © AFP

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  • Biram Dah Abeid

    Biram Dah Abeid est un militant anti-esclavagiste mauritanien, fondateur de IRA Mauritanie (Initiative de résurgence pour le mouvement abolitionniste).

Publié le 2 novembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Au milieu de cette vaste étendue de sable qui accueille des bâtiments austères à la peinture défraichie par les rayons du soleil d’Aleg, croupit un homme qui n’a rien fait de mal. C’est ici, dans cette ville ironiquement situé sur « la route de l’espoir » de la Mauritanie, que les autorités mauritaniennes ont décidé de garder ceux qui ont osé marcher pour dire non à l’esclavage.

Je m’appelle Biram Dah Abeid. Toute ma vie, je l’ai dédiée à la lutte contre l’esclavage en Mauritanie. Ma caste, les Haratines (nom donné aux esclaves et anciens esclaves), se compose d’Africains noirs assimilés par leurs suzerains arabo-berbères de Mauritanie qui les ont soumis à l’esclavage. Je fais partie de ces dizaines de millions de descendants d’esclaves qui constituent l’importante diaspora noire dans le monde arabe. Mon père a été affranchi par le maître de ma grand-mère et est né libre.

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Aujourd’hui, je vous écris du fond de ma cellule de la prison d’Aleg où je célèbre un triste anniversaire. Depuis bientôt un an jour pour jour, je suis en détention. C’était le 11 novembre 2014 que j’ai été arrêté avec d’autres militants anti-esclavagistes pour avoir mené une campagne pacifique contre la pratique de l’esclavage et sensibiliser la population mauritanienne sur la question du droit foncier des descendants d’esclaves.

Dans mon pays, la Mauritanie, des familles entières appartiennent encore à la famille de leurs maîtres, et sont contraintes de servir toute leur vie leurs propriétaires. La pratique de l’esclavage se perpétue dans ce pays. De plus, beaucoup de descendants d’esclaves continuent de travailler sur des terres sans aucun droit et sont contraints de donner une partie de leurs récoltes à leurs potentiels maîtres traditionnels.

Mon crime : lutter contre l’esclavage

Mon organisation IRA Mauritanie (Initiative de Résurgence pour le Mouvement Abolitionniste) milite depuis près de 10 ans contre l’esclavage, l’injustice et l’impunité. Des Mauritaniens noirs vivent encore sous le poids de l’oppression, du mépris et du racisme par des minorités ethniques et confessionnelles qui continuent à piller la terre, accumuler des ressources et asseoir leur autorité.

Curieusement, en préparation de l’Examen périodique universel (EPU) ce 3 novembre 2015, le gouvernement mauritanien a commencé un « lifting » juridique

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En Mauritanie, des militants anti-esclavagistes, des défenseurs des droits humains comme moi sont régulièrement emprisonnés. Ces cinq dernières années, j’ai été trois fois détenu en prison. Mon crime : lutter contre l’esclavage. Des événements aussi importants de ma vie d’homme comme la naissance de ma fille m’ont trouvé en prison. J’y ai également fêté mes 50 ans le 12 janvier dernier.

Curieusement, en préparation de l’Examen périodique universel (EPU) ce 3 novembre 2015, le gouvernement mauritanien a commencé un « lifting » en adoptant en août dernier des lois qui menacent de sanctions toute personne qui exploite des esclaves. Mais, dans la pratique, les militants anti-esclavagistes sont détenus ou subissent des pressions ! Au même mois d’août, le gouvernement a confirmé ma condamnation à deux ans de prison, de même que celle de mes compagnons de lutte contre l’esclavage.

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Plus grave, la Mauritanie, pays membre de l’ONU, viole toutes les clauses de la charte fondatrice, en particulier celles relatives aux droits inaliénables de la personne. Ici sévissent les atteintes les plus flagrantes aux conventions que cet État a ratifié : l’esclavage sous toutes ses formes – traditionnelle et moderne – le racisme et la discrimination notamment à l’encontre des personnes d’ascendance africaine, la torture, les disparitions forcées, les prisons secrètes, les répressions pour délit d’opinion, d’expression, d’association ou de conscience.

Mettre en pratique les lois

De ma sinistre cellule ou je commémore ma première année de détention, je voudrais dire au monde entier, qu’aussi important qu’il soit de signer les lois, elles n’ont aucun sens si elles ne sont pas mises en pratique pour les femmes et hommes victimes d’injustice.

La libération et l’émancipation de la communauté des Haratines et des groupes sociaux victimes de discrimination en Mauritanie sont pour nous une étape obligatoire pour une Mauritanie qui place la liberté et la dignité humaine au cœur du projet de construction d’une nation forte et unie.

En ce jour de triste anniversaire, je voudrais dire que la lutte, notre lutte pour l’égalité des droits, contre l’esclavage, la marginalisation de l’Homme noir en Mauritanie continue et va continuer.

Mon engagement, notre engagement continue de tous les jours, les années de prison n’y feront rien !

Aujourd’hui, je voudrais que chacun des citoyens du monde, chaque État respectueux de la liberté d’expression, chaque défenseur des droits humains fasse échos à notre lutte pour le respect des droits humains en Mauritanie. Je leur exhorte d’apporter leur soutien, assistance et encouragement à tous ceux qui œuvrent, sans violence et avec courage et dévouement, pour que tous les Mauritaniens de tout horizon puissent s’épanouir dans un pays où justice, égalité, tolérance, et respect aient leur pleine place.

Apportez votre soutien à Biram et aux autres militants anti-esclavagistes en Mauritanie. Participez à la campagne d’Amnesty International pour mettre fin à la détention des activistes de l’IRA.

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