Transfert d’argent : à l’assaut de Goliath
Sur le marché du transfert d’argent, des sociétés nationales réussissent à percer face à Western Union et MoneyGram. Leurs armes : un maillage étroit du territoire et une offre diversifiée.
Le Cameroun sort de ses frontières
Une cinquantaine de sociétés de transfert d’argent sont désormais répertoriées au Cameroun. À travers tout le pays, des milliers de guichets ont fleuri, dans les banques, les supermarchés, les agences de voyages… jusque dans les bars et les cybercafés. Leur objectif : grignoter les parts de marché des deux leaders mondiaux, Western Union et MoneyGram. Ces derniers gardent de bonnes longueurs d’avance grâce à la confiance qu’ils inspirent, à leur réseau étendu et à leurs partenariats avec d’autres organismes financiers. Mais ils souffrent aussi de quelques handicaps, dont l’absence de services annexes dans leur offre ou leur coût élevé. Une faiblesse à laquelle Western Union veut remédier : il a annoncé une importante baisse de ses tarifs pour les transferts d’argent à l’intérieur du pays.
Un coup porté aux sociétés locales et à la première d’entre elles, Express Union. Créée il y a une dizaine d’années avec deux agences, l’entreprise en compte aujourd’hui 415 et emploie 2 400 salariés au Cameroun. Également présente dans les autres pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) avec une cinquantaine d’agences, elle vient de s’implanter en RD Congo, ainsi qu’au Bénin pour poursuivre son développement en Afrique de l’Ouest (elle avait pris pied en Côte d’Ivoire en 2009).
Les entreprises souffrent surtout du manque de fiabilité des réseaux de communication.
Sa stratégie vise à tisser sa toile au plus près de la clientèle, en particulier dans les zones rurales, où elle fait même circuler des guichets mobiles, prenant le contre-pied des grosses pointures internationales. Fier de son produit phare, Express Union Mobile, accessible à tous les opérateurs de téléphonie, Albert Kouinche, fondateur de l’entreprise, se vante ainsi de couvrir les zones les plus reculées grâce à un partenariat technique avec des ingénieurs indiens.
Pariant aussi sur la diversification des produits pour mieux répondre aux besoins de ces clients souvent modestes, il propose parallèlement des services d’épargne et de crédit de faible montant, pour le financement de microprojets. Ses concurrentes – une dizaine de sociétés se démarquent – ont peu ou prou la même démarche, notamment Money Express, filiale d’une entreprise sénégalaise, ou Money Cash, filiale de Banque Atlantique. Elles quadrillent le pays et ne s’interdisent rien, nouant des partenariats avec les majors du secteur et avec des banques pour leurs transactions avec l’étranger.
Exclusivité
Dans ce cadre, leur objectif est d’obtenir la suppression de la clause d’exclusivité, qui les oblige à signer avec un seul partenaire à la fois. Denis Homsi, ancien patron de Money Flash, estime faire les frais de cette disposition : malgré les 100 millions de F CFA (152 000 euros) investis pour lancer son entreprise, il a été contraint d’en interrompre l’activité. Pour être rentable, il a choisi de s’allier avec Western Union, dont il est aujourd’hui l’un des principaux partenaires au Cameroun. Money Flash lui rapportait à peine 5 % de ce que lui procure cette association (entre 150 et 200 millions de F CFA par an).
Dans ce marché encore très ouvert, les sociétés sont surtout pénalisées par le manque de fiabilité des réseaux de communication. Les opérateurs camerounais déplorent par ailleurs que l’État ne les protège pas mieux en leur accordant, par exemple, l’exclusivité de l’énorme marché intérieur. « Il n’est pas normal que le marché interne du transfert d’argent soit dominé par MoneyGram ou Western Union, auxquels l’État fait un véritable pont d’or », insiste Denis Homsi.
Généreuse diaspora
Diverses études l’attestent : les transferts d’argent de la diaspora en direction du Cameroun ne cessent de croître. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), si cette évolution s’est faite en dents de scie entre 1980 et 1995 – avec une chute vertigineuse en 1991 (7,3 millions de dollars, contre, par exemple, 32,6 millions de dollars en 1989) -, elle se situe désormais sur une courbe ascendante. La hausse a connu un coup d’accélérateur en 2003, les envois des migrants camerounais passant cette année-là de 35,4 millions de dollars à 75,5 millions, puis à 103,4 millions en 2004, jusqu’à friser 167 millions en 2008 (soit 0,8 % du PIB) et 206,2 millions en 2011 (environ 159 millions d’euros). En France, le Cameroun figure au troisième rang des pays africains destinataires de transferts, derrière le Maroc et le Sénégal. C.J.Y.
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