Pharma : la tradition malgache s’impose en beauté

En vingt ans, le laboratoire Homeopharma est devenu une référence pour ses traitements et cosmétiques tirés de la pharmacopée ancestrale. Pour poursuivre sa croissance, il cible les marchés africains.

Homeopharma, qui s’approvisionne dans ses plantations et auprès des coopératives, compte trois distilleries. © Homeopharma

Homeopharma, qui s’approvisionne dans ses plantations et auprès des coopératives, compte trois distilleries. © Homeopharma

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 28 juin 2012 Lecture : 3 minutes.

« À Madagascar, chaque famille compte des masseurs et soigneurs traditionnels qui utilisent des plantes. Nombreux sont ceux qui y recourent quand ils ne se sentent pas bien. Pourtant, cette médecine n’est guère reconnue. Elle est jugée opaque, car entourée de pratiques magico-religieuses », explique Jean-Claude Ratsimivony. En créant Homeopharma en 1992, ce Tananarivois a voulu démystifier la pharmacopée traditionnelle grâce à la science, pour en tirer des produits cosmétiques et thérapeutiques distribués et administrés dans ses instituts de soins ou en pharmacie.

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Vingt ans plus tard, ce psychologue – héritier de trois générations de praticiens traditionnels (lire l’encadré) – a réussi son pari : l’entreprise compte 540 employés et son circuit de distribution irrigue tout Madagascar, avec 60 instituts de soins, 138 pharmacies et 2 000 centres de santé. Il revendique 300 000 clients pour un chiffre d’affaires « qui avoisine les 10 millions d’euros », indique le PDG.

À Antananarivo, le fondateur de Homeopharma et son épouse, pharmacienne diplômée, ont établi sur la colline d’Antsakaviro un laboratoire agréé par le ministère de la Santé. Cosmétiques, huiles essentielles de massage et de bain, suppléments nutritionnels… Plus de 400 produits y ont été élaborés, avec le concours de médecins biologistes et de pharmaciens. « Nous effectuons des tests très stricts, validés par un comité scientifique comprenant des consultants externes reconnus », précise Ratsimivony. Homeopharma observe l’effet des préparations traditionnelles, en adapte la posologie, standardise la production, puis obtient l’autorisation de mise sur le marché.

L’entreprise a noué des accords de distribution en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Gabon.

La société se fournit dans ses plantations de Brickaville et Moramanga (610 ha dans l’est de l’île) et auprès de coopératives. La traçabilité de sa chaîne d’approvisionnement lui a permis d’obtenir la certification bio (Europe) et le label Natiora (États-Unis). « Madagascar dispose de près de 12 000 plantes aromatiques et médicinales utilisées depuis près de deux mille ans par les tradipraticiens… Nous en avons pour le moment testé à peine 10 % », s’enthousiasme le PDG.

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Soins préventifs

Sur le marché intérieur, qui représente 80 % des ventes, la majorité des produits sont écoulés via les instituts Homeopharma. « Jadis, quand un Malgache voulait se faire soigner, il passait voir un tradipraticien, achetait les ingrédients nécessaires chez un vendeur de plantes, puis se rendait chez un masseur. Nous avons voulu rendre tout ce parcours possible en un seul lieu, moderne et sous le contrôle de phytothérapeutes et d’aromathérapeutes agréés, explique Ratsimivony. Les personnes qui fréquentent nos centres sont à 60 % des femmes, qui veulent prendre soin de leur beauté. Mais certains Malgaches viennent aussi, car ils croient plus en ce type de soins préventifs qu’en la médecine occidentale. »

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Une affaire de famille

Entrepreneur, psychologue formé à Madagascar et en France, mais aussi praticien traditionnel chevronné, Jean-Claude Ratsimivony n’a pas créé Homeopharma par hasard. Sa famille étudie et utilise les plantes médicinales malgaches depuis plusieurs générations, avec l’idée de faire reconnaître scientifiquement leurs effets positifs. Son arrière-grand-père, Emmanuel Ratsimba, inspecteur de l’Éducation, a répertorié de nombreux remèdes ancestraux. Quant à son grand-père, Michel Ratsimivony, docteur en médecine, il a expérimenté des traitements traditionnels et écrit plusieurs ouvrages sur le sujet. C.L.B.

Le prix est aussi un argument. « Les premières plantes médicinales sont vendues 1 000 ariary [0,36 euro, NDLR]. Quant à un massage, il ne coûte que 8 000 ariary. Les centres de massages facturent la même prestation 40 000 ariary », affirme le patron du laboratoire. Dans un contexte de crise politique et de baisse du pouvoir d’achat (le PIB par habitant a chuté de plus de 10 % entre 2008 et 2011), Homeopharma résiste. « Les Malgaches se tournent vers les produits traditionnels qu’ils connaissent et qui sont moins chers. Nos ventes de cosmétiques ont baissé, mais celles de nos produits thérapeutiques ont progressé, note l’entrepreneur. Au final, nous avons perdu 10 % de nos revenus, mais notre créneau reste porteur. A contrario, les cinq laboratoires malgaches qui avaient opté pour la production de génériques ont été balayés par une concurrence chinoise impitoyable. »

Homeopharma exporte aussi ses cosmétiques, « principalement en France, en Belgique et en Russie. Mais depuis que l’Europe est entrée dans la crise, les commandes des grossistes ont baissé de moitié et les conditions de paiement et de préfinancement se sont durcies », regrette Ratsimivony.

Pour rebondir, il veut s’attaquer aux marchés africains. « Nous avons installé des petites unités de fabrication à Mayotte et à l’île Maurice et noué des accords de distribution en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Gabon. Nous cherchons des partenaires en RD Congo et au Congo, en Tanzanie, au Malawi et en Zambie », annonce-t-il. « Dans un premier temps, nous nous contenterons d’exporter, puis nous produirons sur place, en étudiant les plantes utilisées localement », conclut ce patron, toujours curieux des médecines traditionnelles. 

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