En Zambie, les braconniers rendent les armes et prennent des pioches

En proposant un appui technique et des débouchés rémunérateurs, la société Comaco offre aux communautés rurales de la vallée de la Luangwa, en Zambie, une alternative durable au braconnage et au défrichage.

Chargement des sacs d’arachide dans le cadre du programmme soutenu par COmaco. © www.itswild.org/

Chargement des sacs d’arachide dans le cadre du programmme soutenu par COmaco. © www.itswild.org/

Publié le 9 novembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Les pots de beurre de cacahuète flanqués du logo d’éléphant de la marque « It’s wild » – également présente sur onze autres produits (riz, céréales, miel… ) – sont vendus à travers la Zambie. À l’autre extrémité de la chaîne : un nombre croissant de familles rurales arrivent ainsi à joindre les deux bouts. Et déposent les armes : en treize ans, plus de 2 200 armes à feu et 80 000 pièges ont été récupérés auprès de 1 500 anciens braconniers de la vallée de la Luangwa.

Ce joyau naturel réputé pour sa faune est menacé par la chasse illégale et le défrichage lié à la production de charbon de bois, seuls moyens de subsistance pour beaucoup de villageois. La faute aux maigres récoltes et à l’impossibilité de stocker et de vendre les rares excédents.

Comaco travaille avec 109 000 producteurs qui ont renoncé à la chasse illégale et au défrichage.

Partager les bénéfices

À l’origine du projet se trouve l’Américain Dale Lewis. Scientifique pendant vingt ans à la Wildlife conservation society, une société zoologique new-yorkaise, il a lancé Comaco (Community markets for Conservation) en Zambie durant l’année 2003 « afin de faire des bénéfices et les partager », explique-t-il.

Aujourd’hui, Comaco travaille avec 109 000 producteurs qui ont renoncé à la chasse illégale et au défrichage. En échange, ils accèdent à un soutien technique et peuvent vendre à Comaco leurs surplus de récolte : maïs, soja, sorgho, riz, manioc, soja, millet, arachide, haricot et pois, qui sont transformés et vendus sous la marque « It’s wild ». Une prime est versée pour le respect de bonnes pratiques : compost, couverture des sols, agro-foresterie, rotation des cultures …

Sous l’effet de cette agriculture de conservation, les sols se restaurent. « Les trois quarts des fermiers s’y sont convertis, se félicite Dale Lewis. En treize ans, les rendements moyens ont bondi de 40 %. Le revenu annuel moyen des producteurs est passé de moins de 100 dollars à 350 dollars. Seuls 80 à 90 dollars viennent des ventes à Comaco : le reste est vendu à d’autres qui ont les moyens d’acheter de gros volumes. »

Comaco en chiffres :

  • 200 employés plein temps et 45 à temps partiel
  • 109 000 petits producteurs partenaires dans 65 communautés villageoises
  • Douze produits commercialisés sous la marque « It’s wild »
  • 55 % de parts de marché pour le beurre de cacahuète
  • Plus de 2 000 tonnes de produits achetés aux communautés locales (constituant 80 % des matières premières utilisées par la marque)
  • Les producteurs partenaires ont perçu plus de 2,1 millions de dollars en 2014.
  • 70 % des familles partenaires ont atteint « un niveau de sécurité alimentaire satisfaisant » selon l’ambassade de Norvège en Zambie.
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Nouveaux financements

Afin de renforcer sa collaboration avec les communautés locales, Comaco doit développer sa capacité de production, qui plafonne autour de 2 000 tonnes. « Nous devons trouver de nouveaux financements et réduire nos coûts de formation et commercialisation de 20 à 10 dollars par ferme », calcule son PDG.

En 2014, les dons et subventions perçues du gouvernement et de bailleurs internationaux (Norvège et États-Unis en tête) représentaient la moitié des ressources de Comaco. L’exportation vers des pays voisins comme l’Afrique du Sud et la Namibie serait une solution pour accroître les ventes, qui constituent l’autre moitié.

Objectif : 8 à 10 millions de dollars de chiffre d’affaires à l’export d’ici dix ans. La vente de crédits carbone issus des 25 millions d’arbres plantés par les communautés est aussi en discussion avec la Banque mondiale.

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L’impact sur la faune est difficile à évaluer. Les derniers comptages aériens montrent une augmentation des populations d’antilopes. « Nous n’avons pas stoppé le braconnage des éléphants », reconnaît Dale Lewis. Mais un rapport de 2014 du secrétariat général de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), qui déplore le déclin continu des populations d’éléphants à travers l’Afrique australe, note cependant « une baisse significative du braconnage » dans la vallée de la Luangwa.

Non sans effet boomerang : les dégâts causés aux cultures, particulièrement par les éléphants, sont « un vrai problème », soupire Dale Lewis. Des solutions artisanales, comme le saupoudrage de poudre de piment, semblent les tenir à distance. Et évitent aux producteurs de reprendre les armes afin, cette fois, de protéger leurs revenus.

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