Guinée – Sanaba Kaba : « Amener les familles à dénoncer les viols »

Sanaba Kaba, ministre de l’Action sociale, de la Promotion féminine et de l’Enfance, réagit à une récente affaire de viol qui a suscité l’émoi en Guinée. Interview.

Sanaba Kaba, la ministre guinéenne de l’Action sociale, de la Promotion féminine et de l’Enfance. © DR / Facebook

Sanaba Kaba, la ministre guinéenne de l’Action sociale, de la Promotion féminine et de l’Enfance. © DR / Facebook

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Publié le 5 novembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Publiée sur internet, la vidéo d’un viol survenu deux mois auparavant défraie la chronique en Guinée. Elle montre un jeune rappeur, nommé Tamsir Touré, menaçant au couteau « sa petite amie » pour qu’elle se dénude. Face à la multiplication des violences envers les femmes, un collectif d’ONG a organisé une marche pacifique à Conakry pour protester contre cette situation. Sanaba Kaba, la ministre de l’Action sociale, de la Promotion féminine et de l’Enfance, défend l’action du gouvernement.

Jeune Afrique : Quelle lecture faites-vous de l’affaire Tamsir Touré ?

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Sanaba Kaba : C’est triste ! Le viol en soi est un crime. Et la publicité qui en a été faite est indigne. Mettre l’image de la victime sur les réseaux sociaux est une insulte à la femme. Je condamne fermement ces actes et je suis solidaire avec tout ce qui concourt à leur répression. Je m’engage, au nom du gouvernement, à ce que justice soit faite. Le ministère de l’Action sociale va suivre ce dossier jusqu’au bout.

Il semble que la victime ait perdu son emploi…

C’est l’information que j’ai, mais on y trouvera solution. Je me suis engagée à l’aider. Je me réserve de dire comment.

Qu’avez-vous déjà fait ?

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J’ai reçu la victime, nous avons échangé. C’était une manière de lui signifier ma solidarité. Des examens médicaux ont été faits. La jeune-fille a été orientée dans un centre de prise en charge psychosociale spécialisé dans les violences basées sur le genre. La direction nationale de la Promotion féminine l’accompagne pour ses traitements. Le problème était à l’ordre du jour du Conseil des ministres de mardi. Tout le monde a unanimement condamné ce crime et demandé justice.

Malgré tout, Tamsir Touré a trompé la vigilance de la sécurité pour s’enfuir par l’aéroport de Conakry…

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Il s’est enfui avant que le dossier ne soit pris en charge. L’affaire a éclaté dans la soirée du jeudi et Tamsir est parti le matin. La police fera tout pour le ramener et je vous informe que le ministre de la Justice a lancé un mandat d’arrêt international contre lui.

Un numéro vert, le 116, a été créé pour dénoncer anonymement les auteurs présumés de viols

Le viol a été commis il y a deux mois. Pourquoi la victime n’a-t-elle rien dit ?

C’est une illustration du silence qui entoure les cas de viol. C’est pourquoi, dans un premier temps, j’ai été réticente à la marche de la société civile [qui a finalement eu lieu mercredi 4 novembre, NDLR]. J’aurais souhaité qu’on attende la fin de l’instruction judiciaire. Si on veut être crédible, il faut qu’on défende des dossiers fiables, même si je ne mets nullement en cause la réalité de ce viol. Et puis il y avait aussi le contexte politique postélectoral tendu, peu propice à l’organisation de manifestations…

Comment encourager les victimes à dénoncer leurs bourreaux ?

Derrière les victimes, il y a les proches de la famille qui préfèrent souvent gérer le problème en catimini. Ils doivent savoir que le viol est un crime réprimé par la loi. Mon département a signé un partenariat avec trois autres ministères impliqués dans la lutte contre les violences faites aux femmes : ceux de l’Éducation, de la Justice et des Droits de l’Homme, mais aussi avec le secrétariat aux Affaires religieuses, les partenaires techniques et financiers et les acteurs de la société civile qui, d’ailleurs, peuvent se constituer partie civile contre les auteurs présumés de viol. Un numéro vert, le 116, a été créé pour dénoncer anonymement ces derniers. La direction de la promotion féminine a élaboré un projet de formation sur les violences faites aux femmes à l’intention des magistrats, des ONG, des forces de défense et de sécurité et même des victimes. Car si un mal n’est pas dénoncé, il est difficile de l’éradiquer.

Avez-vous des statistiques sur les violences basées sur le genre en Guinée ?

En 2015, huit cas ont été signalés au département, ce qui est nettement inférieur à la réalité. Ainsi, le premier défi à relever est celui d’amener les familles à dénoncer les viols pour mieux mesurer l’ampleur du phénomène et prendre des solutions adéquates.

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