Droits de l’homme au Rwanda : la façon de le dire
Les personnes de tradition chrétienne connaissent cette histoire de l’évangile.
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Faustin Kagame
Faustin Kagame est un écrivain et journaliste rwandais.
Publié le 5 novembre 2015 Lecture : 3 minutes.
Celle où l’on voit Judas – l’apôtre félon – regrettant le « gaspillage » du parfum précieux versé sur les pieds de Jésus par Marie Madeleine, au motif que le meilleur usage à en faire eût été de le revendre pour redistribuer l’argent aux mendiants de la ville. L’intention vertueuse garantit-elle la bonne foi automatique ? Pas si sûr.
Ce qui me ramené cette histoire à la mémoire, c’est le dernier rapport sur le Rwanda de l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, qui affirme que la propreté unanimement reconnue à la ville de Kigali, la capitale rwandaise, fut acquise au prix de l’éloignement de tous les marginaux empêchés de squatter le quartier des affaires, de s’y livrer à la mendicité ou à la vente à la sauvette.
De quoi se demander si les autorités de certains pays comptant parmi les plus riches du monde, ceux-là mêmes d’où les responsables de HRW nous arrivent, allaient subir à leur tour le reproche d’investir dans les grands travaux d’embellissement de leurs villes, malgré la multitude de sans-abris qui y dorment sur les trottoirs. Des sans-abris qui déguerpissent à la vue du premier policier ou vigile qui s’approche, pour éviter de se faire jeter dans la cellule de dégrisement du poste de police le plus proche.
Un pays faisant face à mille défis
Peu après l’alarme donnée par HRW au sujet de la situation préoccupante vécue par les personnes détenues dans un centre de détention provisoire du quartier Gikondo à Kigali, les autorités rwandaises ont invité les représentants de la presse locale et internationale pour une visite guidée. Beaucoup ont alors découvert qu’avec les moyens d’un pays faisant face à mille défis, la capitale rwandaise disposait d’un lieu faisant office de centre de détention provisoire, comme il s’en trouve du côté de Paris, Londres, Atlanta ou Barcelone.
Mêmes scènes de cour des miracles souvent, mêmes problèmes d’engorgement des locaux disponibles, mêmes situations d’échec et d’impasse sociale vécue par les pensionnaires provisoires du lieu, mêmes blocages dans le tri et le transfert des personnes vers des lieux mieux adaptés à leur condition, même misère matérielle et morale sur fond d’environnement prospère que celle que j’avais approché de près au cours d’une décennie de travail comme responsable social dans les structures d’accueil pour demandeurs d’asile en Suisse. Même problèmes en somme, avec la même volonté de les résoudre au Rwanda comme dans les pays les plus riches au monde, pour des moyens financiers sans commune mesure, cela va sans dire.
Pour souligner une situation déplorable ayant le Rwanda pour cadre, doit-on railler ce qui s’y fait de meilleur pour autant ?
Cela dit, loin de moi l’idée de réfuter toute critique, sauf qu’il y a la façon de le dire. Est-il nécessaire de mettre en concurrence la propreté de Kigali et la gestion problématique d’un centre de détention provisoire? Pour souligner une situation déplorable ayant le Rwanda pour cadre, doit-on railler ce qui s’y fait de meilleur pour autant ? Peut-on ignorer que si d’année en année, le Rwanda figure aux premiers rangs sur l’échelle « Doing Business » des pays les plus attractifs pour l’investissement en Afrique, il le doit aussi à sa gestion rationnelle du cadre de vie et de travail dans sa capitale ? Non messieurs et mesdames les distributeurs de notes, propreté et respect de soi ne sont un luxe pour personne. Quoique vous puissiez en penser et en dire, ils sont pour nous non négociables et c’est avec eux que nous bâtirons tout le reste.
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