L’argent des Africains : Berthe, conducteur de portique de quai en Côte d’Ivoire – 487 euros par mois

Berthe Hamed, 34 ans, est un ancien des FRCI reconverti comme conducteur de portique de quai pour le compte du groupe Bolloré à Abidjan. Il gagne 320 000 francs CFA par mois. Pour notre série, il nous a ouvert son portefeuille.

Sur le port d’Abidjan (photo d’illustration). © Emanuel Ekra/AP/SIPA

Sur le port d’Abidjan (photo d’illustration). © Emanuel Ekra/AP/SIPA

Publié le 18 novembre 2015 Lecture : 3 minutes.

« Si Bolloré ne m’avait pas embauché, j’aurais peut être gardé les armes », explique timidement Berthe, qui a vu sa vie basculer avec la guerre. Son parcours académique ne le prédestinait pas à une carrière militaire. Il a fait son lycée à Bouaké avant d’intégrer un BTS à Abidjan. On est en 2007 et Berthe ne cesse de penser « à ses frères et amis qui ont rejoint les FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire, ndlr) ». Certains n’ont pas eu la chance de faire des études et ont intégré les forces rebelles dès 2002. Par solidarité, et par manque d’opportunité, Berthe les rejoint en 2008.

Il est affecté à Bouaké et touche une solde mensuelle irrégulière d’environ 91 euros, en plus des repas et du logement. Il arrive à Abidjan en 2011, et continue d’y vivoter grâce aux « péages » que les hommes armées ont installé partout dans la ville. Mais ce mode de vie ne lui correspond pas : « Je n’avais plus envie de ce métier, je voulais partir ».

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Las, il décide d’aller toquer à la porte du centre de formation de Bolloré, pour demander du travail. L’entreprise est d’abord effrayée par cet homme en arme et en haillons. Mais le CV de Berthe fait mouche. « Je savais lire et écrire, et j’avais un diplôme, alors ils m’ont retenu ». On lui propose une formation de conducteur, sans promesse d’embauche. L’ex-soldat y fait ses preuves et est recruté.

Il exerce son métier pendant un an et demi, avant d’être envoyé deux semaines au Havre où il suit une nouvelle formation de conducteur de portique de quai. Depuis, il est revenu à Abidjan et est en attente d’affectation qui s’accompagnera d’une augmentation espère-t-il.

Sur le plan financier, Berthe peut désormais envisager l’avenir. Lui qui n’a ni femme ni enfant gagne 320 000 F CFA (487 euros), dans un pays ou le Smig s’élève à 91 euros.

Epargne : 137 euros

Berthe est prévoyant. Il a décidé de mettre 137 euros chaque mois sur un compte épargne. Avec ses économies, il espère un jour s’acheter une maison à Abidjan et fonder une famille. Pour ce faire, il estime qu’il lui faudra amasser au moins 10 millions de FCFA (15 245 euros).

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Logement : 76 euros

En attendant que son rêve devienne réalité, Berthe vit seul dans un appartement « assez grand », avec une chambre et un salon. Il s’estime bien loti même si le confort est rudimentaire : si Berthe possède une télévision, l’eau courante n’arrive pas jusque chez lui.

Famille : 76 euros

Berthe a peu de famille à entretenir. Cet argent est majoritairement destiné à sa mère, qui habite à Bouaké, et qui en a besoin pour se nourrir et pour payer ses médicaments. Il essaie de la visiter une fois tous les deux mois. Lorsqu’il ne se déplace pas, il lui envoie l’argent avec son téléphone grâce aux services « mobile money ».

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Transport et nourriture : 90 euros

Manque de chance pour Berthe, son lieu de travail est situé à l’exact opposé de l’endroit où il habite. Tous les jours, il jongle donc entre bus, navettes privées ou taxis, selon l’heure et l’endroit où il se trouve. À la fin du mois, cela lui coûte environ 45 euros.

Il dépense la même somme pour se nourrir mais reconnaît que c’est trop peu : « La nourriture est chère, et il y a des jours où je me prive. » . Le samedi par exemple, il lui arrive de sauter des repas.

Imprévus : 60 euros

Une assurance santé est prélevée directement sur le salaire de Berthe. Mais elle ne rembourse que 70 à 80% de ses frais médicaux. Il prévoit donc pour chaque mois un petit matelas de sécurité en cas de pépin de santé.

Autrement, il consacre cette somme à ses loisirs, comme pour « sortir au restaurant ou au cinéma avec ses amis » ou pour s’habiller.

Cours du soir : 48 euros

En parallèle de son travail, il suit une formation d’ingénieur informatique, qu’il paie de sa poche. Il a intégré ce cursus de 3 ans en 2015 et espère à terme décrocher une nouvelle promotion interne, par exemple « dans le service informatique de Bolloré qui s’occupe des machines ». L’informatique est de plus en plus prégnante dans les grosses machines de l’entreprise.

Les cours lui coûtent près de 580 euros par an, soit 48 euros par mois. Chaque année, les frais d’inscription augmentent de 80 euros environ. Une hausse que Berthe peut assumer en piochant dans son budget « épargne ». Il sait que son investissement lui rapportera bien plus.

Si vous aussi vous souhaitez participer à notre série, vous pouvez nous écrire à argentdesafricains@jeuneafrique.com

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