Jorge Carlos Fonseca : « Le Cap-Vert doit être inclus dans le fonds d’urgence de l’Europe sur la migration »
Juste avant le sommet Europe-Afrique qui se tient à La Valette aujourd’hui et demain, le président cap-verdien, Jorge Carlos Fonseca, de passage à Paris, a confié à « Jeune Afrique » ses attentes sur les questions migratoires. Il a également évoqué les enjeux liés au changement climatique, question fondamentale pour son archipel.
Paris, Nice, La Valette… Ces derniers jours, le président cap-verdien Jorge Carlos Fonseca, 65 ans, enchaîne les déplacements. De passage en France ce week-end, il s’est ensuite envolé pour Malte, où se tient, à compter de ce mercredi 11 novembre, le sommet Europe-Afrique sur les migrations. Il y rejoindra une trentaine de chefs d’État africains. A La Valette, il s’entretiendra également de la COP21 – qui débutera le 29 novembre à Paris – avec François Hollande et d’autres dirigeants du continent.
Entre deux réunions, l’ancien avocat et poète, qui a épousé le combat politique dès ses 17 ans, livre à Jeune Afrique ses attentes concernant ces grands rendez-vous. Mais aussi sur son avenir politique : élu en 2011, il terminera bientôt son premier mandat. Sera-t-il candidat lors de la présidentielle de 2016 ?
Jeune Afrique : Vous rejoignez Malte, où a lieu mercredi et jeudi un sommet sur les migrations. Un débat qui crispe particulièrement les Européens. Comprenez-vous leurs réactions ?
Le Cap-Vert est né des migrations : d’abord terre d’esclaves, nous avons été un pays d’émigrés. Aujourd’hui, nous accueillons beaucoup d’immigrés. Nous pensons donc qu’une solution équitable pour toutes les parties peut être trouvée. Elle doit être la plus juste et la plus raisonnable pour ces milliers de personnes qui souffrent des conflits militaires, des dictatures, ou qui rêvent de vivre en Europe dans des conditions plus dignes.
L’Europe devrait annoncer à La Valette la constitution d’un fonds d’urgence de 1,8 milliard d’euros. Cela vous semble-t-il satisfaisant ?
L’Union européenne a d’ores et déjà exclu le Cap-Vert de ce fonds… Ce n’est pas juste ! Notre pays est non seulement un pays de transit pour de nombreux migrants, mais il est aussi devenu une terre d’accueil pour de nombreux Ouest-Africains. Nous dirons aux pays européens que le Cap-Vert doit être inclus dans l’action et l’application de ce fonds.
Un autre grand rendez-vous international aura lieu dans quelques jours, la COP21. Serez-vous à Paris ?
Je ne pense pas. Mais le Cap-Vert sera représenté et nous suivons de très près les débats. Nous demandons à la communauté internationale de ne surtout pas oublier les États insulaires. Nous subissons déjà de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique en raison des pluies et de la montée du niveau de la mer. Nous attendons des résultats concrets de ce grand rendez-vous.
Vous semblez inquiet pour le Cap-Vert…
Oui, même si d’autres archipels sont encore plus menacés que nous.
Les autres pays africains vous soutiennent-ils ?
Des discussions ont eu lieu dans le cadre de l’Union africaine. Il existe une position commune. Mais bien évidement, le Cap-Vert n’a pas exactement la même position qu’un pays africain continental. Nous avons donc recommandé l’introduction de quelques exigences pour les petits États insulaires africains. C’est une question pour laquelle nous nous battons, avec notamment l’île Maurice et les Seychelles, dans toutes les arènes internationales : la Cedeao, l’Union africaine, l’ONU…
Le groupe Afrique et les États insulaires demandent que l’accord à Paris comprenne un volet sur la question des « pertes et dommages ». C’est-à-dire que les pays industrialisés, à l’origine de la pollution, paient pour les dégâts climatiques dans les pays plus pauvres et vulnérables. Y êtes-vous favorable ?
Tous les pays doivent se sentir concernés. Mais ceux qui sont davantage responsables des effets négatifs doivent dégager les ressources nécessaires pour atténuer les impacts du réchauffement climatique. Je crois que ce souci de justice et d’équité doit prévaloir dans les débats.
Au sein de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) dont vous faites partie, pouvez-vous également compter sur le soutien d’autres pays non africains, comme le Brésil ?
Normalement oui. Le Cap-Vert appuie les positions du Brésil qui veut obtenir le secrétariat général de la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), ou soutient l’Angola pour avoir un statut de membre au Conseil de sécurité de l’ONU. Alors, quand nous leur demandons d’appuyer la position des États insulaires dans des domaines comme le réchauffement climatique, nous trouvons normal le renvoi d’ascenseur.
Quel regard portez-vous sur la crise politique qui a secoué votre voisin, la Guinée-Bissau ?
La Guinée-Bissau est un pays ami avec qui nous avons des liens historiques. Nous cherchons toujours des solutions pour leur venir en aide. Par exemple en fournissant une assistance technique pour les processus électoraux. Mais il n’y aura pas de stabilité institutionnelle tant que ne sera pas achevée la réforme des forces armées et de sécurité. Après, nous sommes vigilants : nous n’intervenons qu’à leur demande. Car, vous savez, les amis les plus proches peuvent aussi être soupçonnés d’avoir des motivations moins avouables.
Concernant la politique intérieure du Cap-Vert, 2016 sera une grande année électorale : législatives, municipales, puis présidentielle en septembre ou octobre. Comptez-vous briguer un deuxième mandat ?
Il me reste encore dix mois. Mon devoir de président consiste d’abord à veiller au bon déroulement des scrutins. C’est à moi qu’il revient de fixer la date des législatives et de nommer le Premier ministre. Je me garde donc de toute déclaration pour le moment. Ce qui est encourageant néanmoins, c’est que plusieurs sondages montrent une majorité de Cap-Verdiens satisfaits de mon mandat. Lors de mes contacts avec les expatriés, je ressens aussi une sympathie à mon égard.
Donc vous y songez sérieusement ?
[Rires] Je me déciderai après les élections législatives.
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