Tunisie – Mondher Belhaj Ali : « Nous refusons qu’un parti au pouvoir devienne un parti du pouvoir »

Porté au pouvoir par les élections d’octobre 2014, le parti Nidaa Tounes, qui avait recueilli les voix de ceux qui refusaient le modèle sociétal islamiste, se disloque et met en péril les fragiles équilibres politiques. Retour sur une scission annoncée avec Mondher Belhaj Ali, député démissionnaire du bloc parlementaire de Nidaa Tounes et membre du comité exécutif du parti.

Mondher Belhaj Ali a annoncé sa démission, avec 30 autres députés, sa démission du bloc parlementaire de Nidaa Tounes. © Fethi Belaid/AFP

Mondher Belhaj Ali a annoncé sa démission, avec 30 autres députés, sa démission du bloc parlementaire de Nidaa Tounes. © Fethi Belaid/AFP

Publié le 10 novembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : 31 députés ont décidé de démissionner du bloc parlementaire de Nidaa Tounes. Pour quelles raisons ?

 Mondher Belhaj Ali : La démission du  bloc parlementaire découle d’une autre décision. Nous avons gelé notre action dans le parti jusqu’à la tenue de la réunion du bureau exécutif. Réunion qui a  été empêchée par deux fois dans les deux dernières semaines. La plus haute instance dirigeante du parti, mais aussi la plus représentative, ne pouvant être à l’œuvre, nous avons décidé en tant que députés de démissionner du bloc parlementaire de Nidaa Tounes. La sonnette d’alarme a été tirée et d’autres décisions suivront.

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Sur quoi voulez-vous alerter avec une décision aussi spectaculaire ?

Nous voulons attirer l’attention sur le dépérissement de notre projet alors que nous voulions être le premier parti populaire au pouvoir avec des pratiques démocratiques dans le monde arabe. Nous refusons qu’un parti au pouvoir dérive et devienne un parti du pouvoir.

Nous avons gagné les élections pour découvrir ensuite qu’en tant qu’élus nous n’allions pas  gouverner. La question tient à la gouvernance à la fois au sein du gouvernement mais aussi au sein du parti.

In fine, nous avons gagné les élections mais tout le monde à l’impression que c’est le parti islamiste d’Ennahdha qui gouverne avec pour effet une panne totale du gouvernement, de l’administration et de l’investissement.

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Selon vous, quelles en sont précisément les conséquences ? 

Au lendemain des élections, nous avions un projet de société, un projet économique, social et culturel accompagnés d’une démarche dans les relations internationales. Le gouvernement actuel fait preuve d’une absence de vision : les décisions ne sont pas prises et les réformes pas entreprises. Alors même que le pays devrait être à l’heure actuelle un chantier de réformes. Systématiquement, tout est ajourné et chaque décision est ensuite révisée.  Résultat, la situation est bloquée et la confiance est proche de zéro en matière d’investissement.

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Il est extrêmement important que les Tunisiens sachent que les réformes seront douloureuses mais ce ne sera rien au regard de ce qui nous attend si nous nous ne faisons rien.

De l’extérieur, ce divorce au sein du parti semble plutôt dû à des questions de personnalités.

Il s’agit d’une vision confrontée à une culture politique. Le problème à Nidaa Tounes, et en Tunisie en général, est la dichotomie entre un parti projet et un parti instrument auquel les Tunisiens ont été habitués pendant des décennies.

Cette crise n’est-elle pas l’effet des avancées d’un mouvement de contre révolution ?

Je n’irai pas jusque là ; sur les trois grands axes politiques que sont la vision, la gouvernance et les alliances, il y a divergence. Dans ces conditions, le congrès serait préfabriqué.

D’ailleurs, s’il ne se fait pas c’est bien par crainte que les militants y expriment leur refus entre autres d’une alliance avec Ennahdha. Cela mettrait le parti devant un choix inextricable entre la volonté d’une minorité et la légitimité du vote.

Quelles sont les perspectives ?

Notre démission selon le règlement intérieur de l’Assemblée sera effective le 16 novembre. Si entre temps aucune solution n’est trouvée, un nouveau groupe parlementaire sera constitué.

La gouvernance de la Tunisie sera-t-elle à l’image de celle des années 1990 en Italie ou au Liban ?

Pas du tout, notre régime est semi présidentiel et semi parlementaire. Avec cette dimension semi parlementaire,  le régime est rationalisé. Dans une motion de censure contre le gouvernement, les députés doivent aussi désigner un successeur à la tête de l’exécutif. Il n’y a pas de saut dans l’inconnu institutionnel dans la constitution tunisienne.

Si une date de congrès est fixée, réintégreriez-vous le parti ?

Nous ne revendiquons pas cela, mais un parti éthique géré démocratiquement, nous voulons de la transparence et un mode de règlement pacifique des différends politiques.

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