Terrorisme : qui sont les Africains de Guantánamo ?

Au moins 93 Africains sont passés par les geôles de la base américaine de Guantánamo, à Cuba, depuis 2002. Parmi eux, plusieurs y sont encore détenus, la plupart depuis plus de treize ans. Qui sont-ils ?

Les détenus de Guantanamo. © Département d’État américain de la Défense.

Les détenus de Guantanamo. © Département d’État américain de la Défense.

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Publié le 24 novembre 2015 Lecture : 8 minutes.

Le 19 novembre dernier, Barack Obama a une nouvelle pris la parole au sujet de la prison américaine de Guantánamo. Le président américain a assuré que les efforts seraient poursuivis pour fermer le centre de détention le plus tristement célèbre du monde, dont le quotidien, sous couvert de lutte contre le terrorisme, a longtemps été fait de tortures, d’humiliations et d’aveux extorqués.

Aujourd’hui, Guantánamo « accueille » encore 107 prisonniers, dont douze sont africains. Pourquoi sont-ils détenus ? Quel sont leurs parcours ? Que leur reproche-t-on ? Jeune Afrique vous propose de mieux connaître les 93 Africains officiellement passés par Guantánamo avec une infographie exhaustive, suivie d’un focus sur chacun des prisonniers actuels.

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Qui sont les 93 Africains passés par Guantánamo depuis 2002 ?

Focus sur les Africains toujours détenus à Guantánamo

Ancien chef du Groupe des combattants tunisiens, qui visait à instaurer un califat en Tunisie, Ridah Bin Saleh al Yazidi est un vétéran de la guerre en Bosnie. Il aurait également trempé dans le trafic de drogue à la fin des années 80 et au début des années 90 en Italie. Arrêté puis détenu en Italie pour ses liens avec des jihadistes notoires, il est libéré en juin 1998.

Voyageant ensuite au Pakistan et en Afghanistan, il aurait été entraîné au maniement des roquettes et des explosifs avant de participer au combat contre les forces de la coalition au sein de la 55e brigade arabe d’Oussama Ben Laden. Il est réputé proche de leaders hauts placés d’Al-Qaïda, et notamment de son ancien chef, dont il a pu être un des gardes du corps dans le complexe de Tora Bora. Il est arrêté en novembre 2001 et transféré à Guantánamo le 11 janvier 2002.

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Depuis la rédaction de cet article, Tariq Mahmoud Ahmed al Sawah a été transféré en Bosnie-Herzégovine, le 20 janvier 2016. 

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Né le 2 novembre 1957 à Alexandrie, en Égypte, Tariq Mahmoud Ahmed al Sawah est un membre des Frères musulmans diplômé en géologie et en théologie à l’université d’Al-Azhar. Résidant en Grèce puis en Croatie où il a travaillé pour l’Organisation internationale de secours islamique, il a combattu dans l’armée bosniaque pendant trois années à partir de 1993.

Passé par la Turquie puis par l’Afghanistan au début de l’année 2000, il aurait été entraîné dans un camp d’Al-Qaïda avant de rejoindre le front, à Kaboul, pour combattre l’Alliance du Nord. Il est arrêté en novembre 2001 et transféré à Guantánamo en mai 2002. Spécialiste en explosifs, il serait notamment à l’origine du concept de bombes dissimulées dans des chaussures, utilisé à plusieurs reprises, et aurait été félicité par Oussama Ben Laden pour son œuvre.

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Né à Zletan, en Libye, le 1er mars 1961, Salem Abdul Salem Ghereby est un ancien combattant du Groupe islamique combattant en Libye, hostile à Mouammar Kadhafi. Spécialiste en explosifs, il est notamment passé par le Tadjikistan et le Pakistan, avant de s’établir à Kaboul en 1999.

Salem Abdul Salem Ghereby aurait notamment participé aux combats contre les forces de la coalition internationale contre Oussama Ben Laden autour du complexe de Tora Bora, en Afghanistan. Il se rend, avec un groupe de combattants, aux autorités pakistanaises, mi-décembre 2001 puis est transféré à Guantánamo le 5 mai 2002.

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Né le 4 mars 1965 à Casablanca, au Maroc, Abdul Latif Nasir est un ancien membre du groupe islamiste Jamaat al-Adl wa al-Ihssan, ayant voyagé dans sa jeunesse en Libye et au Soudan, où il rencontrera Oussama Ben Laden en 1995. Après avoir tenté d’entrer au Yémen, il apprend que le leader d’Al-Qaïda s’est établi en Afghanistan et décide de l’y rejoindre.

Spécialisé en physique et en chimie, il aurait participé aux combats en Afghanistan jusqu’à la chute de Kaboul, en 1996. Il aurait ensuite rejoint Tora Bora, où il aura au moins une réunion avec Oussama Ben Laden. Cherchant à s’enfuir au Pakistan, il est arrêté par les forces de l’Alliance du Nord vers le 15 décembre 2001, puis transféré à Guantánamo le 3 mai 2002.

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Né en 1970 à Babar, en Algérie, Abdelrazak Ali Abdelrahman fait son service militaire et combat contre le Groupe islamique armée (GIA) de 1992 à 1994. Attiré par la cause jihadiste, il aurait ensuite voyagé au Soudan, alors quartier général d’Oussama Ben Laden. Il s’envole ensuite pour l’Afghanistan en 1997.

Entraîné dans des camps d’Al-Qaïda, il y aurait notamment intégré la Brigade des martyrs, qui attaquait les intérêts américains au Pakistan. Abdelrazak Ali Abdelrahman a été arrêté par la police pakistanaise le 28 mars 2002 avec d’autres suspects faisant partie d’une cellule qui aurait été chargée de faire sortir les combattants d’Al-Qaïda d’Afghanistan. Il est transféré à Guantánamo le 19 juin 2002.

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Né le 28 juillet 1973 à Alger, passé par Barcelone, Paris puis Londres, Sufyian Barhoumi aurait été recruté dans une mosquée de la capitale britannique en 1999 puis aurait reçu un entraînement militaire en Afghanistan et au Pakistan.

Ayant côtoyé des membres d’Al-Qaïda de haut niveau, notamment Abd Al-Rahman Al Muhajor, impliqué dans des attentats anti-américains en Tanzanie et au Kenya, il a été identifié par d’autres détenus comme un expert en explosifs et en communication cryptée. Il a été arrêté en mars 2002, aux côtés du lieutenant d’Oussama Ben Laden, Abu Zubaidah, et transféré à Guantánamo le 18 juin 2002.

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Né le 21 décembre 1970 à Rosso, en Mauritanie, Mohamedou Ould Slahi est titulaire d’un diplôme d’ingénieur de l’université de Duisbourg, en Allemagne. Lors de ses études, il est recruté par le réseau des moudjahidines qui l’engage à aller se battre en Afghanistan, où il suit un entraînement dès 1990. Il est soupçonné d’avoir trempé dans « le complot de l’an 2000 », qui visait à faire exploser des bombes à l’aéroport de Los Angeles. Ce qu’il a toujours nié.

Arrêté à son retour du Canada à la demande de l’administration américaine, emprisonné à Nouakchott en février 2000, avant d’être remis en liberté, il est kidnappé par la police secrète et remis à des agents de la CIA, qui le transfèrent à Amman. Les renseignements jordanien, sénégalais et mauritaniens estiment que le dossier est vide et que l’homme se serait trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Mais les Américains, persuadés de tenir un gros poisson, finissent par le transférer à Guantánamo, en août 2002.  Le 22 mars 2010, James Robertson, juge du district de Columbia, a ordonné sa libération. L’administration Obama a fait appel. L’affaire suit son cours.

Membre-clé du Groupe islamique combattant en Libye, Ismael Ali Farag al Bakush est un spécialiste de l’électronique et des explosifs. Passé par l’Arabie Saoudite, il gagne le Pakistan en 1991 et rejoint les moudjahidines dans la lutte contre les troupes soviétiques. Après la chute de l’URSS, il voyage en Afghanistan, au Soudan, en Syrie ou en Jordanie, avant de revenir en Afghanistan, à Kaboul et de se battre aux côtés des Talibans.

Après le 11 septembre 2001, il participe aux combats contre l’Alliance du Nord autour de Kaboul mais a toujours nié avoir participé à des attaques contre les intérêts américains. Il est arrêté au Pakistan peu après la chute de Kaboul et transféré à Guantánamo le 5 août 2002.

Né en 1972 à Al-Bayda, en Libye, ancien combattant du groupe islamique combattant en Libye, hostile à Mouammar Kadhafi, Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr a notamment été commandant d’un camp d’entraînement d’Al-Qaïda en Libye et en Afghanistan. Identifié comme un spécialiste de l’utilisation d’explosifs et de roquettes, il a été formé à leur maniement en Afghanistan et au Soudan, où il était employé dans une compagnie appartenant à Oussama Ben Laden.

Il serait notamment proche de Ayman al-Zawahiri, actuel chef de la branche centrale d’Al-Qaïda. Il est arrêté le 28 mars 2002, transféré au camp de Baram puis à Guantánamo le 5 août 2002.

Nén en 1970 à Tripoli, Abu Faraj al Libi est recruté en 1989 afin de partir combattre en Afghanistan contre les Soviétiques. Après de multiples échecs pour obtenir un visa vers le Pakistan, il parvient à partir pour Islamabad au début de l’année 1990. Entraîné au maniement des armes, il rejoint Al-Qaïda et participe aux combats en Afghanistan, jusqu’à rencontrer Oussama Ben Laden en 1991.

Devenu instructeur militaire et gérant d’un camp d’entraînement, il aurait une nouvelle fois rencontré fois le leader de l’organisation, en face à face, en 1997. Il l’aurait côtoyé également peu après le 11 septembre 2001 alors que « OBL » met en place ses plans d’évasion de l’Afghanistan. Il est arrêté le 2 mai 2005 par les forces spéciales pakistanaises et transféré à Guantánamo le 4 septembre 2006. Selon les Américains, il est l’un des détenus ayant été les plus proches d’Oussama Ben Laden.

Né en 1974 à Mogadiscio, il passe une partie de sa jeunesse dans un camp de réfugiés durant la guerre civile somalienne, en 1991. Après une demande d’asile rejetée par l’Allemagne et les Pays-Bas en 1992, il s’établit en Suède en 1993, d’où il développe des relations qui l’amènent à envisager d’aller se battre contre les Éthiopiens dans la région d’Ogaden. Dans cet objectif, il part suivre un entraînement en Afghanistan dès 1996.

Il retourne ensuite en Somalie et se bat contre les forces éthiopiennes jusqu’en 2003, aurait planifié des attaques, en liaison avec Al-Qaïda, contre les intérêts éthiopiens mais également français et américains en visant le Camp Lemonnier, à Djibouti. Il est arrêté par les autorités djiboutiennes en mars 2004 et transféré à Guantánamo le 4 septembre 2006.

Né en 1973 à Busia, en Ouganda, Abdul Malik a étudié dans une institution coranique de Mombasa, au Kenya. À la même époque, il pratique la mécanique et travaille pour des compagnies de thés entre 1990 et 1993, puis après 1994, alors qu’il a échoué à lancer son entreprise. Désireux de devenir soldat, il aurait également tenté de rejoindre l’armée kényane.

Abdul Malik rejoint le Parti islamique kényan (IPK) en 1994 et fréquente la mosquée de la Salina, à Mombasa, où des prédicateurs l’auraient alors recruté pour le jihad en Somalie. Entraîné au combat, il part se battre aux côtés des Shebab. Arrêté par les autorités yéménites en 1998 puis relâché dans la foulée, il est accusé d’avoir participé aux attaques du 28 novembre 2002 à Mombasa, visant des citoyens israéliens et américains. Il est capturé le 13 février 2007 par les autorités kényanes et transféré un mois plus tard, le 23 mars, à Guantánamo.

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