Djibouti : sincérités successives
C ‘est l’histoire d’un glissement, ou d’une évolution circonstancielle de pensée, dont J.A. a été le témoin et le vecteur privilégié.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 3 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.
Djibouti : quel avenir ?
À cinq mois de la présidentielle et dans un environnement chaotique, le pays confirme sa position de plateforme militaire et commerciale. Beaucoup reste cependant à faire en matière de développement et de démocratisation.
Décembre 2011. Réélu quelques mois plus tôt pour un troisième mandat de cinq ans, Ismaïl Omar Guelleh (IOG) assure dans nos colonnes qu’il s’agit là du dernier, avant d’ajouter, en toute discrétion, que cet ultime quinquennat sera mis à profit pour préparer sa succession : « Je vais essayer d’identifier celui qui pourra le mieux remplir cette lourde tâche. »
En février 2013, IOG récidive, toujours dans J.A. : « Je pense avoir mérité le droit au repos, je me donne trois ans pour m’organiser. » Un an plus tard, en mars 2014, le président confirme : « Je maintiens que je suis en train d’accomplir mon ultime mandat à la tête de l’État, je suis fatigué et je connais mes limites. Je crois que ma mission est en passe d’être accomplie. » Et lorsque J.A. insiste, objectant qu’on n’a jamais vu un chef d’État se faire construire un nouveau palais pour en remettre les clés à son successeur au lendemain de son inauguration, IOG répond : « Eh bien, je serai celui-là ! »
Nul ne doute plus qu’Ismaïl Omar Guelleh sera candidat à sa succession pour un quatrième mandat
Février 2015. Pour la première fois, dans le cadre d’un grand entretien accordé dans son bureau du nouveau palais, le président djiboutien sort son joker. Question : « Vous n’ignorez pas que, quand vous répétez que vous ne serez pas candidat dans un an, personne ne vous croit. » Réponse : « Wait and see. Vous n’obtiendrez rien d’autre de moi. »
Neuf mois plus tard, alors qu’approche l’échéance de l’élection présidentielle d’avril 2016, nul ne doute plus qu’Ismaïl Omar Guelleh sera candidat à sa succession pour un quatrième mandat.
Quelle lecture faire du chemin parcouru par cet homme de 68 ans, entre le « je n’irai pas » dit et répété ces dernières années et une candidature non encore annoncée, mais hautement probable ? À première vue, celle, classique, d’un chef d’État s’accrochant à un pouvoir qu’il exerce depuis près de dix-sept ans.
Personne ou presque, à l’intérieur de ce petit pays comme à l’extérieur, ne mène campagne pour son éviction du prochain scrutin présidentiel
Analyse séduisante mais sommaire et finalement fausse. D’abord parce que la Constitution djiboutienne, sans tripatouillage aucun, donne le droit à IOG d’être candidat : nul besoin, donc, d’avancer masqué. Ensuite parce que personne ou presque, à l’intérieur de ce petit pays comme à l’extérieur, ne mène campagne pour son éviction du prochain scrutin présidentiel. Bien au contraire. À Djibouti, les chancelleries des pays qui y possèdent des bases ou des facilités militaires sont unanimes à redouter le saut dans l’inconnu que représenterait son effacement du pouvoir.
Pourquoi alors ce paradoxe : avoir si longtemps promis de se retirer pour finalement rester dans la course ? Pour qui connaît Ismaïl Omar Guelleh, la réponse est simple. À chaque étape, il a été, dans ses certitudes et dans ses doutes, un homme sincère. Et c’est parce que, à tort ou à raison, il estime ne pas avoir identifié celui qui, après lui, sera en mesure de protéger cette République improbable, née pour mourir un jour de juin 1977 et devenue depuis un miracle permanent, qu’il s’apprête à briguer les suffrages des Djiboutiens. Sans enthousiasme et par sens du devoir inaccompli.
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